Femme Vata - Biographie & Autobiographie

FEMME VATA

La joie venait toujours après la peine - Apollinaire.

Souhaitons qu'il ait raison.

01 - Vata

Vata. Selon elle, je suis vata, complètement vata. Et vata te faire foutre ! je lui réponds pas. Comprenez-moi, je vieillis. Le cynisme, j'ai arrêté. Même l'ironie, tellement facile, j'ai arrêté. Perte de temps, perte d'amour tout ça. Pis je l'adore son vata. Des fois la nuit je me réveille en transes et hurle aux cafards réunis : Pas d' veto au vata ! Ou encore : Vade retro si pas vata ! Voire carrément je simplifie : Ça vata la tête ? Laissez-moi vous dire que les sales bestioles se le tiennent pour dit.

Vata c'est chérot mais ça le vaut. Surtout quand on te l'apporte les yeux brûlants d'amour sur un plateau. Souvent elle me fait le coup et c'est tant mieux pour moi. Vata parce que je le vaux bien ! je dis et on rit. Si c'est cher c'est que ça sent vachement bon. Allez je vous affranchis, Vata c'est des cônes d'encens. Pas de vulgaires bâtonnets premier prix, nan ! S'agit de cônes mystiquement actifs, profondément harmoniques, supérieurement équilibriques. A condition de choisir le bon bien entendu ! Ben ouais, pas la peine de griller du vata si ton tempérament à toi c'est pitta ou encore kapha. Ça pourrait même faire des associations dangereuses, voire carrément désastreuses chez certains sujets sensibles. C'est pourtant pas compliqué bon dieu : si t'es kapha, tu prends des cônes kapha voilà tout ! Et si tu sais pas, la notice parfumée te renseigne : Ayurvéda, science de la vie et médecine traditionnelle de l'Inde.... Toute manifestation de la nature est composée des 5 éléments : éther, air, feu, eau, terre, dont la combinaison engendre 3 forces de vie ("doshas" on dit)... Vata : dominante air et éther, tempérament enthousiaste et créatif, porté sur les activités changeantes et la nouveauté, présentant parfois une tendance instable et anxieuse...

Pas à tortiller, vata c'est tout à fait moi. Notez que quand je décortique les profils pitta et kapha qui sont pas moi vu que je suis vata, curieusement c'est aussi tout à fait moi. Ben c'est que je dois avoir les cinq éléments et les trois vies à la fois dans le caddy de mes dix doigts. Et quoi ? seulement trois vies, cinq éléments, dix doigts ! Et combien de lendemains, bande de radins ??!! Ah ah  je rigole je fais le malin, mais je sais bien que le marketing est plus fort que moi et nous.

Scuse-moi fille de l'encens et du soleil, on dirait que déjà, dès le premier chapitre venu, je te trompe. Ne voilà-t-il pas que je saute soudain de l'Extatique Vata à l'Elixir du Petit Suédois. Un truc à mon ex-compagne ça, l'Elixir du Petit Suédois. Rien de moins qu'un sirop fortifiant, sans compter vachement convaincant. Les grands espaces du grand nord, les montagnes rudement vivifiantes, la puissance et la majesté des grands rennes... lit Chérie sur la notice dédiée. Mmum c'est bien ! frissonne-t-elle, serrant très fort le percutant prospectus sur sa poitrine. Pince-moi ! je me dis. Est-ce que ta compagne fait pas toute la sainte journée de splendides campagnes de communication louangeant à mort des produits et des gens qu'elle connaît ni d'Eve ni d'Adam ? Un an qu'elle en prend, Chérie, du Petit Suédois. Je fais le grand con pendant ce temps là, M'accroche au cendrier, m'arrange pas les maxillaires (auteur ? 10 pts).

Or donc je suis vata. Excellent à tous les coups. En plus j'en ai fait des chansons vata sans le savoir. Des chansons dominantes air éther. Dans mon grand opéra individuel L'ivoire rouge : Comme hérons errent en états d'éther... Cinq titres plus loin : Et l'étang millénaire, est d'essence et d'éther... (ça se répond voyez !). Et celle-là, Les chercheurs d'air : Est-c' qu'on est sur la terre, des murmures de concert, sous des structures de fer, des chercheurs d'air... Si c'est pas vata tout ça ! Sans blague, vata ça sent super bon et ça désincruste en profondeur les imperfections.

Vata ? pitta ? feta ? à ma grande honte, je m'aperçois à ce stade du récit que j'ignore totalement à quel dosha s'apparente ma tendre fournisseuse. Seigneur, quel foutu égocentriste je fais ! Mais bon, l'important avec elle, c'est qu'on danse quand ça nous prend. Il peut être cinq heures de l'après-midi, il fait grand jour, la ville bosse et triche, la cité salope les escaliers, s'engueule, organise des départs de feux dans les cuisines ou dans les caves, et nous on danse quasi immobiles pieds joints sur le tapis tandis que l'ordi fait le son : Eminen, Neville brothers, Larry Martin, Joe Dassin, Asian Dub, Ben Harper, Zebda, Guy Béart...  

Je reviens du foot (où j’ai accompagné Fiston je précise, c’est pas moi qui court après les ballons). T'as bonne mine ! elle me dit la sienne vach' ment réjouie. Ça m'étonne pas, elle poursuit, j'ai remarqué que les vata bronzaient vach' ment vite.

Qu'est-ce que tu veux répondre à ça ?

02   La guitare par le manche

       (la faute à Fillette)

Eh ouais ! La faute à elle, elle la Femme vata, la fille de l'encens, de l'amour et du soleil. Sa faute à elle si j'ai finalement saisi la guitare par le manche, à quasi cinquant balais, avant que je soye définitivement stock-car. J'étais là, plein de super chansons plein la tête, et je pouvais même pas lui faire la queue d'une vu que j'avais pas d'orchestre. Bon ça veut dire aussi que j'avais pas les passionnants problèmes caractériels qui vont avec l'orchestre, ça c'était plutôt une bonne nouvelle. N'empêche, triste tourniquet et maigrelet bilan ! j'ai pensé d'un seul élan.

Alors je l'ai pris, le manche de la gratte. Sa faute à elle. M'a filé envie. D'aimer encore, de vouloir et de croire encore, de chanter à nouveau. M'a filé envie. J'avais les paroles, j'avais la chanson mais pas l'instrument. J’avais le contenu mais j’étais à la ramasse, j’avais plus la vie. Toutes ces chansons, tous ces longs trajets difficiles pour quoi ? je me suis dit. Alors j'ai pris la gratte et mon désir d'elle et de revivre par le manche. En disant pas besoin de vous, vous les musicos, vous les médecins, vous et vos foutus problèmes, vos mille et une manières de botter en touche.

Merci qui ? merci Jacques. Nan, pas le Jacques des Marquises, marin du souffle et des mots, et pas non plus le Jacques éventreur. Nan, Jacques C. le Président. Rien que ça. Le Chef de l'Etat, le Garant des Institutions. C'est le jour de sa triomphale réélection que je la rencontre, elle, la fille de l'encens, de l'amour dingue et du soleil.

A Toulouse ça se passe, place du Capitole où on est tous venu fêter ça. Le grand film de la vie pour changer. Fasciné je mate le monde mater le trente-six millionième remake des beaux habits de l'empereur. Mais personne voit jamais la même chose hein !

Je regarde aussi cette belle fille seule. Etonnant des fois une belle fille seule. Ah ! elle attrape son portable, je me disais aussi. Voilà qu'elle le range, ça a pas été long en fait. Et elle reste là.

Je fais un scénario : elle a appelé son pote pour lui dire qu'elle est tombée sur un événement de première et qu'elle rentre plus tard, ou peut-être qu'il la rejoigne si son cœur le lui dicte. Je vous rassure, mon petit jeu d'hypothèses c'est juste pour rire. Tant d'hypothèses de par le vaste monde, autant jouer au loto ! N'empêche, l'est toujours là, la belle fille seule, seule à trois pas.

Nota bene : j’ai jamais su draguer. Rencontrer des fois, mais ça se fait rarement seul. Tu vas bouger tes fesses ? je me dis. Ben ce sera pas la peine voyez. On se connaît pas, voyez, mais je peux déjà compter cent pour cent sur elle.

Super futée, elle saisit le prétexte des autorités occupées pas loin de là à dégager une camionnette frites merguez. Pas très cool ! elle me lance la belle inconnue. A vrai dire je suis pas de son avis vu le prix exorbitant de leurs sandwichs, et que je trouve ça moche de profiter de la sincère liesse populaire pour faire son beurre. Mais je conserve adroitement mes réflexions négatives pour moi, préférant orienter la conversation sur des thèmes nettement plus porteurs genre Le Miracle de Vivre. On se félicite mutuellement de se découvrir chacun si crédule et croyant, et finalement elle lève le camp.

Les minutes passent comme dans un rêve tandis que tout à son affaire le Capitole ruisselle de joie. Soudain je sursaute. Réveille-toi ! me hurle-je à l'oreille. Alors je fonce et la rejoins trois rues plus loin sans trop pfftt pfffttt de difficultés. A peine essoufflé je propose de marcher avec elle et on accorde nos pas. Mais bêtement, même en orage, les routes vont vers des pays (top facile, 2 pts). Arrivés au bas de chez elle, elle me propose de monter boire un thé, nan nan ça dérangera pas son copain en pyjama d'être réveillé. Va savoir pourquoi je décline.

Scuse, je te trompe déjà et encore Fillette. Pour cette fois et dix mille autres. Quand je crois pas assez en moi pour t’arracher à ton ami et te proposer direct toute une vie, de surcroît bourrée de barreaux et d'étroit. Ma vie quoi ! Mais toi tu te trompes pas. Tu m'appelles, tu viens me voir dans mon douze m² avec évier, ou bien on se retrouve sur les berges de Garonne, ou encore dans des jardins pleins de mamans, d'enfants et de jeunes grands-pères. Les gardiens des espaces verts nous virent régulièrement des pelouses, Fillette, ma guitare et moi, comme autant de chansons interdites. On s'en fout. La chanson c’est nous.

Une fois on l’ fait, chanter, assez indélicatement faut dire, dans une sorte de petit kiosque élevé d’un jardin. Le banc de bois est graffité au couteau de déclarations adolescentes enflammées. C'est ça la vie : l'adolescence, la flamme, le désir désespéré. Justement y' en a un petit groupe qui nous mate, un petit groupe d'ados. Sûr ils rigolent, et sûr ils pétochent un peu aussi, y' a qu'à voir comme ils rougissent pendant qu'on ajuste nos harmonies.

Juste pour savoir, euh, si on l' faisait, tu f' rais comment ? elle dit. Avec capote évidemment, je dis. Ouais ?! C'était juste pour savoir tu sais. Parce qu'on va pas le faire.

Entre autres éléments mâles, mon frère notamment m'a plus d'une fois affranchi : " C'est tout le contraire ! Avec les filles, non c'est oui ! ". Je m'y ferai jamais, je suis bien trop simplet. Donc évidemment et pas bien tard après, on le fait. Avec capote sur mon tapis. Après on le fait souvent. Elle je sais pas, moi je vais dans de chouettes, très chouettes endroits que je connaissais pas. De longs endroits. Et on fait pas que ça. Encore une fois on chante et on danse beaucoup. On cause à mort, ou pour être plus franc je cause à mort. Ouais et tout ça et toute autre chose, faire la cuisine, dîner, ranger… tout ça c’est pareil. Parce que tout ça c’est l’amour.

Et parce que la configuration est la configuration, rapport à son copain, on se voit pas tout le temps, quoique super souvent quand même, mais tout le temps qu'on se voit est dédié à se faire de la joie. Et le temps sans se voir est dédié à être nourri de cette joie. 

Fillette est une tête de mule. Deux cent cinquante fois je l'ai remerciée, de m'avoir donné envie, de m'avoir ramené dans le chemin fou : l'amour, le désir, la joie et la vie encore une fois. Et qu'est-ce qu'elle répond la petiote ? " C’est toi, moi j'y suis pour rien ". Foutue tête de mule va ! Et nous deux, deux foutus saltimbanques aussi branques l'un que l'autre.