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Bourricot - Scénario ou Pièce de théâtre

Scénario ou Pièce de théâtre "Bourricot" est un scénario ou pièce de théâtre mis en ligne par "J.L.Miranda"..

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SCENE IX

 

ARLETTE, RICOT

 

Arlette se tient assise sur le divan, les jambes croisées. Ricot, debout au milieu de la scène, mime une caresse fugace sur son derrière. Son amie le regarde, souriant avec malice, puis se lève pour l’imiter.

 

RICOT (prenant un peu de recul pour apprécier le jeu d’Arlette) C’est trop langoureux ; on dirait une danseuse orientale qui se tortille pour amuser le sultan. Le mouvement des mains sur les fesses doit être arrondi et bref ; il s’agit juste de suggérer un rapport entre l’assiette et le derrière.

ARLETTE (essayant encore) – Comme ça, c’est mieux ?

RICOT – Bon, reprenons le sketch depuis le début, s’il te plaît. (Il se concentre un instant) Regarde autour de toi, tu verras que beaucoup de gens ne sont pas dans leur assiette.

ARLETTE – Pourquoi ?

RICOT – Parce qu’elle s’est brisée. Et, crois-moi, c’est très difficile à vivre. Tu as l’air guindé, mal à l’aise ; tu fais la grimace quand tu veux sourire.

ARLETTE – Une assiette, ça se remplace en un tour de main. De plus, elles ne sont pas trop chères ; on en trouve à dix francs dans le supermarché du coin.

RICOT – Il n’est pas question ici d’une assiette de table. Il ne s’agit pas non plus de l’assiette de l’impôt ; celle-ci ne risque pas de s’ébrécher, soit dit en passant. L’assiette dont je parle est personnelle, propre à chaque individu.

ARLETTE (mimant une caresse autour de ses fesses) Que veux-tu dire exactement ?

RICOT ( même jeu) – Je dis que l’assiette est une chose très importante dans la vie. A la moindre fêlure, on bascule dans un état anormal.

ARLETTE Mais on n’a jamais vu ça, des fesses fêlées !

RICOT (touchant sa tête du bout des doigts) – La fêlure est invisible puisqu’elle se trouve là-dedans. On essaie de recoller les débris à coups de tranquillisants, cures de sommeil, psychanalyses... Seulement, quand on arrive à la reconstituer, (il ébauche une caresse sur le derrière) ça ne colle plus tout à fait au rebondi et à l’ampleur des fesses.

ARLETTE – Et même, il arrive qu’on ait envie de se casser la pipe ? Je vais te dire une bonne chose, moi. Je crois que ton assiette aussi doit être esquintée sur les bords.

RICOT Eh bien, ouais ! Parfois je me tâte le ventre et les fesses pour voir où j’en suis. L’autre jour, ayant heurté un poteau (il heurte un obstacle imaginaire)  j’ai dit : « Pardon, monsieur ! » Là, vraiment, j’ai cru qu’elle s’était désagrégée. Heureusement, je me suis rattrapé d’un mot : « Ah, quel con je suis! »

ARLETTE – Partout, on trouve des gens bizarres, distraits, ahuris ; puis, d’autres qui se tirent dessus, qui lâchent des bombes à effets collatéraux. A ton avis, le monde aurait-il un problème d’assiette ?

RICOT –Sans aucun doute. Il s’agit d’un problème tragique s’il en est ! Mais il y a aussi des cas assez comiques. Tiens, Dupont, mon voisin de palier. Depuis qu’il a fait installer une cuvette neuve dans ses WC, il préfère aller aux toilettes publiques pour ne pas salir chez lui.

Drôle d’histoire !

ARLETTE ( éclatant de rire) – Ha ! ha! ha ! deux barjots sur le même palier... ce n’est pas

triste tous les jours, hein ?

RICOT – Enfin, un compliment ! Merci, merci. (il fait deux courbettes) Mais ce n’est pas tout. Quand il peut, il va vidanger ses boyaux dans la nature, mon voisin. L’autre jour, je l’ai pris sur le fait. Il m’a dit que c’est une habitude saine qui lui plaît à lui autant qu’à son... (il mime une caresse sur le derrière) D’ailleurs, la nature ne s’en plaint pas, a-t-il ajouté, les égouts sont moins dégoûtants et la Seine, plus propre.

ARLETTE – Voilà un écologiste original ! Non seulement il aime la nature, mais encore, il la nourrit. Le problème c’est que, si tout le monde allait s’aérer les fesses dans les bois, cela ferait un sacré tas de fumier sous la lune.

 RICOT Ouais ! Pas du tout romantique, pour les amoureux qui s’y promènent le soir. Bref, l’assiette de mon voisin est en très mauvais état.

ARLETTE – Des histoires d’assiette, je n’y aurais jamais pensé. Tu m’as de ces idées biscornues !

RICOT – Parfois, le résultat est génial. Pense à Victor Hugo, par exemple. Il a écrit toute son œuvre debout, sur un pupitre. Et J. J. Rousseau, lui, ne savait philosopher qu’en marchant. Quelque chose n’allait pas, leur assiette était mal fichue.

ARLETTE – Oui, quelque chose n’allait pas. Tu viens de me faire tout un plat au sujet de l’assiette. Maintenant, il se trouve que j’ai très faim. Si on allait manger chez Nicolas, peut-être qu’on s’y sentirait mieux dans notre assiette, non ?

RICOT (s’approchant d’Arlette par-derrière) – Ta mimique n’est pas encore au point. Le mouvement sur les fesses doit être plus drôle. Donne-moi tes mains, je vais te montrer comment t’y prendre.

ARLETTE – On reprendra ça la prochaine fois.

RICOT – Très bien. Est-ce que le sketch te plaît, au moins ?

ARLETTE – Le sujet est assez original, mais le texte a besoin de retouches. C’est un brouillon que tu m’as amené là, non ? Si tu veux mon avis, réécris-le entièrement, et surtout trouve-moi des répliques plus drôles.

RICOT – Très bien. Je ferai de mon mieux, comme d’habitude. Madame devient bien trop difficile.

 

Il sort par la porte du fond.

 

SCENE X

 

BOUR, ARLETTE

 

BOUR (rentrant par porte latérale) – La porte du jardin était ouverte, je n’ai pas résisté... je passe souvent par ici.

ARLETTE – Tu te laisses aller Michel  (elle lui réajuste le nœud de la cravate, le coiffe avec ses doigts). Pourquoi ne vas-tu pas voir un psy ? Il t’aiderait dans cette passe difficile.

BOUR (fixant attentivement le visage d’Arlette) – Je connais parfaitement le mal dont je souffre ainsi que le remède pour le guérir. Ta vie de femme libre ne t’a pas rajeuni.

ARLETTE (se regardant dans le miroir et tâtant ses joues)  Le temps passe, ce laboureur implacable. (se retournant vers son mari) Nous répétions l’un des numéros de notre nouveau spectacle.

BOUR – Cela m’a semblé plutôt cocasse : un homme à genoux devant le derrière d’une femme, faisant des gestes mystérieux, comme conjurant les mauvais esprits qui s’y seraient logés.

ARLETTE – Pourvu que les spectateurs trouvent la scène amusante.

BOUR – Ils se tordraient de rire si un pet éclatait tout à coup au nez de l’exorciste.

ARLETTE – Non, pas ça. On peut être léger, grotesque, irrévérent, jamais vulgaire. (Un temps) C’est un spectacle que nous aimerions donner à Paris.

BOUR – Le cabaret devient trop petit pour vos ambitions ?

ARLETTE – Nous voulons surtout donner toute la mesure de notre talent et toucher un public plus large.

BOUR – Mais la salle, même une petite salle pour débutants, n’est pas facile à trouver.

ARLETTE – Nous ne connaissons personne susceptible de nous aider dans le milieu du show-biz. On a des adresses, mais...

BOUR – Vous frappez aux bonnes portes, mais elles restent désespérément fermées. Les producteurs aiment à miser sur des valeurs sûres.

ARLETTE – Toujours aussi perspicace dans tes analyses. Chez toi, les tribulations du cœur n’affectent pas le bon fonctionnement des neurones. Puisque tu as si bien saisi le problème, aurais-tu une idée de la meilleure façon de le résoudre ?

BOUR – Eh bien, je peux trouver une bonne solution à vos difficultés. (Arlette prend la posture de l’auditeur impatient, un tantinet incrédule.) Je pense que, avant de tenter l’aventure dans une salle parisienne, il vous faut une carte de visite auprès du grand public.

ARLETTE – Je le pense aussi. Mais comment trouver cette fameuse carte si on ne tente pas l’aventure ? Tu veux nous renvoyer au cabaret ?

BOUR – Vous n’avez qu’à débuter dans le théâtre municipal de notre ville.

ARLETTE – Tiens, c’est une bonne idée !

 BOUR – « La Gazette » vous a fait une publicité remarquable, à mes dépens. Tous les gens qui vous connaissent viendront voir le spectacle.

ARLETTE – Puis, le bouche à oreille jouant à plein auprès des cousins de Créteil, les amis de Versailles, les cousins des cousins, les amis des amis, nous aurons salle comble pendant six mois.

BOUR – Je ne te le fais pas dire.

ARLETTE – Assez pour que les médias s’intéressent à nous. Avec pareil triomphe dans la mémoire collective, nous pouvons conquérir Paris. Je n’y aurais jamais songé. Tu m’ouvrirais le théâtre de la ville ?

BOUR Je ferais tout mon possible.

ARLETTE – Sous quelles conditions ?

BOUR – Cela n’ira pas sans contrepartie.

ARLETTE – Je vois venir. Je ne paierai pas n’importe quel prix.

BOUR – Je pense qu’on te proposera d’abandonner une partie des recettes. Un tiers environ.

ARLETTE – Mais, à six mois des élections, notre spectacle fera le bonheur de tes adversaires, ils en feront leurs choux gras.

BOUR – Au point où j’en suis, cela n’a plus d’importance. De toute façon, je n’ai aucune chance d’être réélu. Il m’arrive même de penser qu’il vaudrait mieux que j’abandonne la politique.

ARLETTE – Nous pouvons te donner un coup de main, moi et Jean. Cela s’appelle un échange de bons procédés.

BOUR – Comme au bon vieux temps. J’y réfléchirai. Après tout, cela me semble encore faisable.

On entend deux coups de sonnette. Arlette sort par la porte du fond. Bour prend la porte latérale.

 

FIN DE L’ACTE I


 

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Auteur

J.L.Miranda

23-07-2017

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Bourricot appartient au recueil Théâtre

 

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