"A l'ouest de l'ouest" est une grande nouvelle mise en ligne par
"Ancolies"..
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Bien entendu, Mike le marshal flairait le coup. Il avait mené son enquête, télégraphiant tant dans l’est du pays que dans l’ouest. Lana Turner, tel était le nom de la belle étrangère, était loin d’être une inconnue parmi les services de police, renseignements et sécurité de la contrée entière. Aventurière, elle avait malgré son jeune âge, à peine la trentaine, essoré déjà quatre richissimes maris et était responsable de maintes et maintes bagarres et règlements de compte et cadavres en résultant de par là où elle avait traîné jusqu’au jour d’aujourd’hui ses fines et élégantes bottines. Mike avait également appris qu’elle possédait une bonne demi-douzaine de comptes bancaires, extrêmement bien pourvus le lecteur s’en doute. Et, outre aux Cinq Trèfles, elle n’avait guère pris de temps pour créer à Lypstic River un clivage entre la majorité des femmes, prudes, jalouses et autres bigotes, qui la méprisaient et tous les mâles fascinés comme il se doit par sa beauté fatale. Mais bien évidemment, les cow-boys qui accompagnaient Sam le soir au saloon avec la belle ne l’appréciaient guère, attachés tous tels qu’ils étaient à Kathryn, qu’ils considéraient comme une grande dame tandis que Lana n’était clairement qu’une aventurière cupide et dénuée de toute forme de scrupules. Les cow-boys les plus fidèles à Sam s’interrogeaient sur le comment leur patron faisait pour tomber dans un panneau aussi grossier et en étaient secrètement véritablement affectés. * * * * * * Ce soir, on dînait de chevreau rôti accompagné d’haricots noirs et tomates vertes chez le clan Paterson. Ce clan possédait et gérait le 3ème plus important ranch de la région, situé à une quinzaine de miles au sud de Lypstic River. Le clan Patterson comprenait le ménage Jim et Jennie qui dirigeaient les opérations, le père de Jim, Franck très jeune demi-frère de Jim, né d’un second mariage de son père, Franck jeune homme plutôt effacé, et également Tom lui-aussi jeune frère de Jennie. C’était des rigoristes qui n’étaient guère très au fait de ce qui se passait en ville. Le travail passait avant toute chose et, lorsque venait le dimanche le clan dans son entité s’habillait de costumes foncés - sauf Jennie bien entendu qui enfilait une robe bleue marine avec un long ourlet de brocard descendant jusque ses bottines - pour se rendre à l’office de la bourgade. Hormise cette sortie, on ne voyait jamais un seul des membres du clan en ville. C’est le contremaître Jeffrey Burke qui se chargeait du ravitaillement une fois par semaine, laissant chaque fois une belle somme d’argent au magasin d’alimentation et de fournitures général. Les cow-boys du ranch Patterson travaillaient dur, de l’aube au crépuscule, et on les voyait également peu hors de leur domaine, les immenses prairies où ils menaient leurs bêtes. Seuls une poignée d’entre eux se rendaient le samedi soir au saloon où ils se contentaient d’une ou deux bières et ne participaient pas aux jeux d’argent. Cependant, de la même façon que tout paradis a son enfer, comme un grain de poussière dans la machine bien huilée, Franck, le jeune frère de Jim, n’avait pas été lors d’une de ces visites dominicales en ville sans apercevoir la belle Lana et depuis ce jour, cette image lui flottait dans la tête sans qu’il parvienne à l’en détacher. Aussi un soir, sans en avertir quiconque au ranch, il se débarrassa de ses vêtements de travail, enfila pantalon jean et chemise denim à poches propres, frotta d’un chiffon la poussière de ses botte, sella son cheval et se rendit au saloon de Lypstic River. Cette apparition en surprit voire en stupéfiât plus d’un. Franck s’installa au bar et commanda une bière. Puis il se retourna vers la salle, les coudes posés en arrière sur le comptoir et contempla la table où jouait la belle Lana, forcément accompagnée de Sam Peckinpah assis en retrait derrière elle. Il était fasciné par la beauté trouble émanant de cette femme, d’autant qu’issu de son clan rigoriste, il était ce que l’on peut appeler un novice en la matière. Sa bière éclusée, il en commanda une seconde, accompagnée celle-ci d’un verre de whisky. Franck n’était guère habitué à l’alcool et les idées commencèrent à se mêler confusément et peut-être dangereusement en son cerveau. Protégé depuis son enfance par son environnement familial, Franck n’était absolument pas familier d’un quelconque sentiment d’incertitude mais ce qui se passait ce soir-là dans sa tête l’inquiéta. Toujours les 2 pieds sur terre, si l’on peut dire cela d’un homme qui passe les trois quart de sa vie juché sur un cheval, il ne comprenait pas vraiment ce qui lui arrivait, cette sensation de ne plus être maître de tous ses esprits. Il sentait que la peau de son visage le tirait et devenait brûlante, le long bar et les crachoirs zébrés de jus de tabac devenaient flous. En même temps qu’il ressentait une sensation d’excitation indistincte. Mais inquiet donc, il prit la décision de rentrer au ranch et régla ses consommations sans bien comprendre ce que le barman lui réclamait. Il glissa un billet de 10 et récupéra sa monnaie. Il allait pour sortir du saloon lorsque le piano mécanique attaqua un morceau rythmé et entraînant. L’excitation prit alors le dessus dans le cerveau et le corps de Franck et il se dirigea vers la table où Lana jouait aux cartes. Arrivé derrière elle, il prit son chapeau de cuir dans ses mains, se pencha par-dessus son épaule et d’une voix qui ne lui parut être la sienne l’invita à danser. Un silence stupéfait tomba d’un coup sur la table. Silence rapidement rompu par la réponse de Lana : « Eh bien jeune homme, on ne vous a jamais appris que l’on n’interrompait pas une partie de poker ! ». Franck entendit ses paroles sans parvenir tout-à-fait à les comprendre tandis que Sam se levait, l’air à la fois médusé et mauvais. « Du diable petit, aboya t’il, qu’est-ce que tu crois que tu es en train de faire ? Dépêche-toi d’enfourcher ton cheval et de disparaître ». Franck ne parvenait toujours pas à intégrer ce qu’il entendait. « Voulez-vous danser mademoiselle ? » reprit-il, toujours penché en avant, son chapeau toujours à la main. Exceptée Lana, l’ensemble des joueurs reculèrent leurs chaises de la table. Sam était toujours debout. Il aboya à nouveau : « Disparais petit, disparais vite avant que je ne me fâche sérieusement » C’est à cet instant qu’une main se posât sur l’épaule de Franck. C’était Mike. « Viens avec moi Franck, dit-il d’une voix douce, tu as trop bu ce soir. Rentre chez toi ». Le benjamin des Patterson se retourna en se redressant. « C’est vous Marshal ? Dîtes-moi ce qui se passe ». « Il se passe que la demoiselle ne va pas danser avec toi, reprit Mike la voix toujours douce. Ecoute-moi Franck, tu as bu et tu n’as pas l’habitude. Récupère ton cheval et rentre chez toi dormir ». Franck ouvrit et refermât la bouche plusieurs fois sans qu’aucun son n’en sorte. Le piano jouait toujours tandis que toutes les personnes, assises aux tables ou accoudées au comptoir regardaient avec la plus grande attention la scène. Franck restait immobile comme une statue. Sam s’impatienta et posa sa main droite sur la crosse du révolver glissé dans son étui à son ceinturon. « Eh petit, tu es sourd ? Tu veux régler ça ? ». « Du calme Sam, intervint Mike. Il est inoffensif, et même pas armé. Et il va partir je m’en charge ». « Chargez-vous en tout de suite Marshal, sinon c’est moi qui vais le faire » reprit Sam. Mike passa le bras autour des épaules de Frank, le fit pivoter puis marcher vers la porte. Franck ne résista pas, il semblait ne pas être là. Une fois dehors, l’air frais de la nuit lui fit quelque peu reprendre ses esprits. Mike l’aida quand même à grimper sur son cheval. « Il trouvera la route du ranch tout seul, ne t’inquiète pas Franck. Et ne viens plus te frotter à Sam, c’est un poisson trop gros pour toi ». Mike frappa de son chapeau la croupe du cheval qui partit aussitôt au galop vers le sud. La lune était claire. Très loin, les gorges escarpées du canyon se dessinaient d’un reflet à la fois sombre et argenté. * * * * * * On s’en doute, Lana Turner n’avait naturellement pas les yeux ni l’esprit dans sa poche. Elle était intriguée par ce jeune d’à peine 25 ans qui l’avait invitée à danser au saloon. Lorsqu’elle apprit qu’il était le benjamin des propriétaires Patterson, elle flaira un coup à jouer, sans savoir pour l’instant lequel. Dorénavant elle alla systématiquement à l’office dominical afin de troubler encore un peu plus ce freluquet, il en sortirait ce qu’il en sortirait…. Et en effet, à la voir toute pomponnée tous les dimanches, Franck était de plus en plus troublé, alors que Sam n’avait toujours pas compris la raison pour laquelle sa Lana était soudain devenue si pieuse. Bien que cela fût confus dans son esprit, Franck n’avait pas oublié l’humiliation reçue au saloon. Il se rappelait que Sam l’avait menacé et qu’il était armé. Très bien se dit-il, moi-aussi. Il profita d’un jour où il devait rassembler tout un troupeau éparpillé pour laisser la direction des opérations à un cow-boy de confiance de son frère, et partit en ville, à l’armurerie précisément où il acheta un ceinturon et un Navy Colt 6 coups que lui conseilla le vendeur, qui lui en expliqua également toutes les ficelles en réalité très simples du maniement, « C’est ce qui se fait de mieux, dit le vendeur, c’est la plus moderne des armes ». Franck n’ayant jamais réellement vu de près une arme dans sa vie. Le cow-boy de confiance tint sa langue mais évidemment, tout se savait tout de suite dans une petite ville comme Lypstic River et d’aucuns se mirent aussitôt à se demander ce que le jeune Franck Patterson le rigoriste voulait faire de son arme. Sam Peckinpah fut lui-aussi rapidement mis au courant mais il se contenta de hausser les épaules en ricanant. Pour une fois peu perspicace, il ne fit pas le rapprochement avec Lana et ce qui s’était passé au saloon. Pendant ce temps, dans le clan Patterson, le soir après le souper familial, comme toujours précédé d’un bénédicité, Franck enfourchait son cheval et galopait quelques kilomètres jusqu’un bois où il s’employait à s’entraîner avec son nouveau joujou. Quoique totalement novice, il se rendit compte, à juste raison, qu’il était plutôt doué pour la précision. Il n’avait rien décidé mais il s’entraînait et, parti de zéro, il fit très rapidement de gros progrès qui lui donnèrent confiance. Maintenant, il lui fallait travailler la vitesse pour dégainer. Pour ce faire, il demanda - en l’abjurant de conserver le secret - l’aide d’un des autres cow-boys de son frère, lequel avait la réputation d’avoir pas mal roulé sa bosse avant d’être engagé pour travailler pour le clan. Cela mit du piment dans la vie de cet homme mûr qui trouvait la vie au ranch quelque peu stricte et monotone et il apprit en quelques séances les ficelles de la vitesse à son jeune élève : armer le chien dans le même temps et mouvement que l’on porte sa main à son arme, garder la tête froide, toujours regarder son adversaire dans les yeux et guetter le moindre cillement de ses paupières etc… Là-aussi, Franck se révéla doué et assimila tous ces rudiments très rapidement. « Je ne sais pas ce que tu comptes faire mais maintenant tu sais tout ce que j’ai à t’apprendre, déclara un jour le vieux cow-boy à Franck, terminés désormais nos cours secrets du soir ». Franck le remercia chaudement et lui fit jurer à nouveau de ne parler mot à personne, surtout pas à son frère Jim le patron de ce qu’ils avaient fait ensemble. Le vieux cow-boy opina « Tu peux compter sur moi, jeunot ». * * * * * * |
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