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A l'ouest de l'ouest - Grande Nouvelle

Grande Nouvelle "A l'ouest de l'ouest" est une grande nouvelle mise en ligne par "Ancolies"..

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A l'ouest de l'ouest

(Lysptic River)

Western

 

 

Comme à l’accoutumée, l’insupportable mal de dos qu’il éprouvait réveilla Mike à l’aube. Comme à l’accoutumée, il se leva aussitôt pour se débarrasser ou tout du moins tenter d’échapper grâce à quelques étirements physiques à cette intenable douleur récurrente chez lui. Il fut prix ensuite d’une gigantesque quinte de toux et cracha tous ses poumons. Cela parce qu’il s’était grillé des roulées à la chaîne des années et des années durant, et continuait malgré les avertissements répétés des médecins. Oui, comme le disait le bon sens populaire, tout finissait toujours par un jour se payer. Comme la plupart des individus normalement constitués, Mike n’était pas un grand fan de l’âge avancé. Trop de douleurs, en haut, en bas, à tribord et bâbord, à l’intérieur et dehors. Néanmoins il se refusait toujours à prendre sa retraite, se demandant avec anxiété ce qu’il ferait alors. Plus jeune il se l’était imaginée pêchant à la mouche et peignant d’insipides croutes mais l’envie n’y était pas. Il était donc toujours au service de l’armée américaine qui, pour écarter l’élément incontrôlé qu’il était, l’avait depuis quelques années déjà, dépêché comme marshal dans une petite ville à l’ouest de l’ouest, non loin de la frontière du Nouveau Mexique. Un poste où elle l’avait apparemment totalement oublié. Mike lança un café. 

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Lysptic River la bourgade comptait son quota de petits notables, le maire, le juge, un médecin et un dentiste (un charlatan ce dernier), le banquier…, et un nombre improbable d’habitants, certains sans activités, d’autres exerçant un métier ou un autre, maréchal-ferrant, charpentier, commerçant... Il y avait également les fermiers et agriculteurs dont les propriétés s’éparpillaient à quelques miles de la petite ville, et enfin les éleveurs possédant des ranchs plus ou moins importants et employant leurs lots de cow-boys. C’était une petite ville tranquille et les journées de Mike étaient d’un mortel ennui, qu’il tentait de tuer en buvant du café et en enchaînant  les parties de poker avec son adjoint Steve. Steve était encore jeune, avenant et sympathique, qualités appréciables, et surtout il était intègre et droit. Et il vouait une confiance sans faille à Mike dont il savait qu’avant d’échouer ici, il avait bourlingué comme pas un. Mike qui lui ratissait toute sa paye lors de ces pokers mais, tel le pêcheur qu’il eût pu devenir remettant sa prise à l’eau, la lui rendait à la fin des parties. C’était du jeu symbolique et Mike, à défaut de mieux, s’évertuait à faire progresser son poulain. De même que tous les 3 ou 4 jours, il emmenait Steve en dehors de la ville et lui faisait travailler son 6 coups avec une petite flopée d’exercices. L’élève progressait de façon satisfaisante. La vie allait paisible, contente, les artisans artisaient, les commerçants commerçaient, et les cow-boys ne déclenchaient pas de bagarres d’ivrognes le soir au saloon, Le vent soufflait rarement sur la ville et Mike s’emmerdait ferme.

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Puis un jour d’automne, en fin d’une matinée ensoleillée, la diligence déposât une femme, dame est plus approprié, dans la bourgade. Une dame semblait-il d’une trentaine d’années, voyageant seule, fort élégante - et sublimement belle -, nantie d’une foule de bagages, grosse malle et valises, que les employés du plus luxueux hôtel de la petite ville s’empressèrent de monter dans la chambre la plus confortable et lumineuse de l’établissement. Qui était cette femme ? Que venait-elle faire à Lysptic River ? Mike choisit d’aller la rencontrer par curiosité et parce que c’était son métier de veiller à l’ordre et la sécurité dans cette ville, bien que petite, que l’armée avait choisie pour lui. En milieu d’après-midi il se rendit à l’hôtel, grimpât les escaliers,  toqua à sa porte, se présenta poliment et l’invita à bavarder dans l’espace salon de thé de l’hôtel. Les boissons servies (thé pour elle, café arrosé pour Mike), il lui demanda qui elle était et ce qui l’amenait ici. Funeste erreur. C’est exactement comme s’il avait mis 30 dollars d’un coup dans le piano mécanique du saloon. La belle parlât 3 heures sans que son interlocuteur parvienne à en placer une, bien que son récit présentât moult incohérences. Elle lui parlât de l’Est, de ces grandes villes qu’elle n’aimait plus, d’un mari et même de plusieurs maris quittés avec moult détails plus ou moins extravagants, de son désir de rejoindre l’Ouest et du simple hasard qui l’avait vu arriver en cet endroit, à Lysptic River. Mike ne pouvait être dupe, il y avait forcément autre chose, mais il décida, saoulé de paroles, qu’il allait s’en tenir à cette version des faits pour le moment. Il réitéra ses vœux de bienvenue, lui souhaita une bonne soirée et se retira rejoindre Steve en sa casemate dotée de cellules désespérément vides. Sur l’un des 4 murs, Mike accrocha au clou habituel la cible du jeu de fléchettes et commença pour tuer le temps quelques parties avec son adjoint. Alors qu’il s’apprêtait à lancer, le juge fit une apparition pour s’enquérir de ce que Mike avait bien pu apprendre à propos de la belle étrangère. Déconcentré dans son jeu, Mike lui renvoya un laconique « A peu près que dalle, bonne soirée juge » et mit ensuite à 5 bons centimètres à droite du cœur de la cible. « Damn ! jura t’il, la peste soit de ce vieil encravaté ! ». « De quoi parlez-vous donc Marshal ? » demanda Steve le sourire aux lèvres. Il se plaça en position de tir, jambes légèrement écartées. Contrairement au poker, il tenait facilement tête à son supérieur au jeu de fléchettes.

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Le plus important et le plus riche des propriétaires de ranchs de la région se nommait Sam Peckinpah. C’était son arrière-grand-père qui en avait bâti les murs, au départ une simple mais vaste maisonnée en rondins, lorsque le gouvernement avait attribué des terres aux premiers pionniers arrivés dans l’ouest. Il avait acquis ses premières têtes de bétail en négociant d’abord du bois. La région avait été épargnée par les guerres indiennes et l’arrière-grand-père puis le grand-père de Sam avaient tranquillement prospéré. Puis vint le tour du père de Sam qui lui se révélât un très habile négociateur doublé d’un cow-boy aguerri, qui n’hésitait pas à se déplacer lui-même vers l’est avec ses hommes pour ramener de nouvelles bêtes au ranch ou pour les mener aux lieux de destination des acheteurs. A son décès qui remontait près de 20 ans en arrière, le ranch des Cinq Trèfles - c’était le nom qu’avait choisi l’arrière-grand-père fondateur - comptait près d’un millier de têtes. Vint alors le tour de Sam. Sa première opération d’envergure fut de faire agrandir et moderniser la déjà vaste maison, y ajoutant notamment patio et large véranda, et de faire construire des baraquements supplémentaires pour les employés. C’est qu’avec le troupeau le nombre de cow-boys avait lui-aussi grimpé. Quant à la famille, Sam comptait un oncle octogénaire, Tommy, 2 sœurs célibataires, un jeune frère. Et bien entendu sa femme Kathryn qu’il avait rencontrée lors d’un voyage à Boston et qu’il avait conquise en lui faisant une cour absolument non déguisée et assidue d’amoureux à la fois directe et virile, et non dépourvue d’attraits inconnus,. Kathryn avait accepté de quitter la ville, ses théâtres, ses restaurants et son confort pour le suivre. Alors qu’ils atteignaient chacun la petite soixantaine, Sam et Kathryn qui était plus jeune de 8 ans que son mari, étaient aujourd’hui parents d’un Peter de 16 ans et d’une plus si petite que ça Charlotte de 14 ans. Ils avaient engagé une gouvernante pour s’occuper des enfants et c’est Charly, l’un des employés en lequel Sam avait le plus confiance qui les menait et les ramenait chaque jour de l’école de Lyspstick River. Kathryn supervisait de près les devoirs. Elle-même était une grande lectrice, se faisant livrer de nombreux ouvrages des librairies de Boston, et laissait sans problèmes Sam s’échapper régulièrement le soir pour se rendre accompagné de quelques-uns de ses hommes au saloon de la ville partager quelques verres, rencontrer du monde et gagner parfois ou perdre d’autres fois au jeu de baccara. Par contre, Sam ne jouait jamais au poker.

Sam suivait quotidiennement les cours du prix du bétail. Il avait hérité des qualités de négociateur et spéculateur de son père et le ranch prospérait. Cela soulevait naturellement quelques jalousies chez certains autres éleveurs, moins habiles et chanceux, mais il n’avait jamais été question jusqu’ici de guerres de territoires ou de groupes de bêtes volées. Oui, jusqu’ici, Lypstick River était une petite ville paisible et plutôt bien cossue et lotie.   

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Comme de juste, les problèmes débutèrent avec l’arrivée de la belle étrangère. Bien qu’elle fît sa coquette face à Mike, lequel était bien trop averti pour succomber à son petit et dangereux jeu, c’est Sam Peckinpah qui tomba rapidement dans ses filets. Elle lui tourna la tête en moins de temps que nécessite la saillie d’un étalon. Dans un premier temps, Kathryn ferma les yeux ou regarda ailleurs. Mais Sam était tellement accroché qu’il ne prenait plus aucune précaution genre discrétion et rejoignait la belle désormais chaque soir à son hôtel, où ils dinaient avant de se rendre au saloon où Sam la finançait en jetons de poker et s’installait derrière elle pour suivre le déroulé de la partie. L’étrangère était particulièrement habile, on voyait immédiatement qu’elle n’était pas tombée du dernier cercle de jeu venu. Aussi, peu à peu Kathryn vit rouge. Bien entendu, en grande dame qu’elle était, elle n’appartenait pas à la famille des baroudeuses de saloon. Maîtrisant sa fureur d’une froide détermination et d’un calme impressionnant, elle contacta son père à Boston et lui demanda si le cas échéant il pourrait lui trouver une demeure où habiter avec ses enfants. Bien entendu, rétorqua son paternel. Tu demanderas à Sam une conséquente pension pour faute conjugale et tu seras à l’abri. J’ai hâte de te revoir et mes petits-enfants que je ne connais pas. Kathryn décida de conserver tout cela pour elle pour le moment, en attendant de voir comment les choses allaient tourner. Sam ne savait donc rien, excepté qu’elle l’avait banni de la chambre conjugale, ne se doutait de rien, la tête totalement enflammée par la belle étrangère. Cependant la confusion commençait à gagner les cerveaux des cow-boys des Cinq Trèfles qui ne voyaient guère d’un très bon œil le changement qui s’opérait chez leur patron. Car si Sam était effectivement bien le patron indiscuté de ses hommes sur le terrain, la majorité d’entre eux vouaient un respect et une admiration sans bornes à sa femme, la Pat’  telle qu’ils la nommaient. Celle-ci avait toujours fait et chaque nouveau jour faisait preuve d’une amicalité et d’une écoute extrême envers eux, s’enquérant et veillant en permanence qu’ils se sentent vraiment chez eux au ranch, prêtant son attention sans relâche à aménager et pourvoir de tout le nécessaire leurs dortoirs et baraquements, veillant à la qualité de leurs repas, bref faisant des Cinq Trèfles un véritable foyer pour ces hommes rudes et parfois rustauds, sans femmes ni vies de famille. Et si l’un d’entre eux justement rencontrait une femme et s’imaginait changer de vie, elle le soutenait en son projet et lui souhaitait bonne chance en lui faisant don d’un joli petit paquet pour qu’il puisse quitter le ranch et s’établir au mieux dans sa nouvelle vie.

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Ancolies

31-08-2023

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A l'ouest de l'ouest n'appartient à aucun recueil

 

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