La Lune sinon rien - Grand Scénario ou Pièce de théâtre

SCENE 4

CELESTE, ALEX, MARTIN et ZOE

Même bureau. Céleste, Alex et Martin sont affairés. Entrée de Zoé.

ZOE. – Coucou les Kourouciens, c’est moi !

CELESTE. – Bienvenue !

ALEX. – Une revenante ! Priviet !

ZOE. – Priviet !

MARTIN. – Bonjour, Zoé !

Zoé fait la bise à tous les trois en terminant par Martin de manière plus soutenue.

ZOE. – J’étais à Baïkonour pour encourager des camarades cosmonautes. Assister à des lancements qui réussissent fait également partie de l’entraînement… Quelles sont les nouvelles ici ?

CELESTE. – Il y a une bonne et une nouvelle. La bonne est que le lancement aura bien lieu.

ZOE. – Et la mauvaise ?

CELESTE. – Que certains indices nous laissent supposer un sabotage en préparation.

ZOE. – On s’y attendait un peu… Il faudra rajouter des procédures de contrôle à nos check-lists. (Affectueusement.) Comment va mon premier copilote ?

MARTIN. – Ça gaze ! J’ai terminé ma préparation avant toi, à Houston.

ALEX. – C’est fou le nombre de désistements qui ont eu lieu. Après toi, Martin, il n'y a plus de remplaçants. L'équipage de quatre spationautes est au complet. Pour un peu, il ne resterait plus que des chiens à expédier sur la Lune ! (Toisant Martin.) À condition de ne pas les perdre, bien sûr…

ZOE. – Dîtes, il y avait une scène étrange tout à l'heure… Le cuisinier était dans tous ses états et criait « la boulette, la boulette ! ».

CELESTE. - Une boulette venant d'un cuisinier, cela m'inquiète moins que venant d'un ingénieur de chez nous.

MARTIN. – Au fait, j’ai discuté avec les ingénieurs de Bubble.

ZOE. – Tant que vous n’avez pas bullé…

MARTIN. – Ils m’ont communiqué les coordonnées définitives de la zone d’alunissage et m’ont fourni les deux robots explorateurs.

ZOE. – Super ! Tu me passeras un robot que je lui fasse faire des exercices.

MARTIN. – Moi, le mien, je lui ai déjà appris à faire le beau !

ALEX. – Tu lui as donné un su-sucre ? Vous n’allez pas vous ennuyer là-haut sur la Lune !

ZOE. – Tu ne crois pas si bien dire…

ALEX. – Ah bon ? Je vous laisse un petit instant. J'ai un portrait-robot à diffuser sur interpol. Je pressens, mais allez savoir pourquoi, qu'à sa lecture, ils vont être morts de rire.

Alex sort.

SCENE 5

CELESTE, MARTIN et ZOE

ZOE, prenant la main de Martin. - Dis Céleste, tu as réfléchi sur la faisabilité de notre petit secret.

CELESTE. - Cela ne devrait pas poser de problème. J'ai eu les papiers du ministère. J'ai eu l'accord des deux autres spationautes. Tout devrait aller comme sur des roulettes pour cette première mondiale.

MARTIN. - Pour une première, ce sera une sacrée première !

ZOE. - Merci Céleste !

MARTIN. - Oui, merci !

CELESTE. – Et vous deux, vous ne vous défilerez pas au dernier moment ? Hein ? On a déjà vu des précédents ! Des éclipses de dernière minute.

ZOE. – Pas de risque de mon côté…

MARTIN. – Moi, non plus.

CELESTE. – Très bien parce que j'ai sacrifié en peu de mon temps et que le temps nous est compté et même décompté. Bien sûr, peu de monde est au courant, pas même Alex qui a la critique facile. Je dois admettre que l'originalité du projet m'a séduite et que vous m'avez finalement convaincue. Personnellement, j’aime bien qu’on me demande la lune – la stimulation par le défi -. Le tout premier réflexe est de considérer une telle demande comme saugrenue, voire irréalisable. Ensuite l’idée fait son bonhomme de chemin pour finalement obséder au point où le cerveau se met en ébullition – surtout la nuit, pleine lune ou pas - et tous les paramètres sont finalement traités un à un jusqu’à ce que tout devienne très limpide. Je vous promets que tout se passera bien. En attendant, je vais dans la pièce à côté régler quelques détails. Soyez sages !

Céleste sort.

SCENE 6

MARTIN et ZOE

Zoé et Martin s’enlacent.

ZOE. – Alors, comment se porte mon Pierrot Lunaire !

MARTIN. – Très bien, ma Colombine !

ZOE. – Je t’ai manqué ?

MARTIN. – Le temps m’a paru long loin de toi y compris pendant l’entraînement hyper-intensif. Dans une journée il y a toujours des périodes de flottement où les pensées vagabondent et cherchent un réconfort.

ZOE. – Que c’est joli ! Question flottement, dans l’espace nous allons être servis. À propos d’entraînement, veux-tu réviser notre langage des signes ?

MARTIN. – Pourquoi ? Tu crois qu’on risque de perdre le contact sur la Lune ?

ZOE. – On ne sait jamais ! Mais comme j’ai appris le langage des Russes et toi des Américains, il risque d’y avoir quelques malencontreuses divergences…

MARTIN. – Décidément tu es perfectionniste !

ZOE. – Comment dis-tu oui ?

MARTIN. – Comme ceci.

Martin met le bras droit en équerre, paume vers le haut.

ZOE. – Et non ?

Martin fait une croix avec les bras.

ZOE. – En langage des signes, décris-moi la recette du bœuf Stroganoff.

MARTIN. – Le quoi ?

ZOE. – C'est pour plaisanter ! Allez, que signifie ceci ?

Zoé pointe Martin du doigt, fait un toit avec les mains, puis un bras d’honneur.

MARTIN, mettant la main sur la tête puis le signe « non » avec les bras croisés. – Je ne saisis pas.

ZOE. – La fusée est partie sans toi, gros bêta !

Rires et embrassades.

Irruption d’Alex.

SCENE 7

CELESTE, ALEX, MARTIN et ZOE

ALEX, essoufflé. – Catastrophe !

MARTIN et ZOE. - Quoi !

ALEX. – Les champignons !

Céleste, qui a entendu, entre rapidement.

TOUS. - Les champignons ?

ALEX. – Les champignons du panier étaient toxiques !

MARTIN. - La boulette !

ALEX. - Un commis du cuisinier a confondu avec une commande. Il y a eu une intoxication alimentaire !

CELESTE, se mettant la main sur le front. - Ne me dis pas que…

ALEX. - Si !

MARTIN et ZOE. - Hein ?

ALEX. - Les deux autres spationautes seront indisponibles pour le prochain vol. L’empoisonnement est sérieux et a endommagé leur système digestif. Sans parler des risques de complication. Il faut reporter.

CELESTE. - Mais c'est impossible ! Nous ne pouvons pas nous permettre de différer et changer notre fenêtre de tir ! Cela nous reporterait au mois prochain, minimum !

MARTIN. – Mais le contrat avec l’entreprise Bubble va être caduc. Nous arrivons à la date buttoir indiquée dans l’une des clauses.

ALEX. – Au mieux, il faudrait trouver de nouveaux sponsors, non ?

MARTIN. – Et Moon-X ? Lui pourra peut-être nous aider ?

CELESTE. – Pour transformer la Lune en un gigantesque musée d’art moderne à ciel ouvert ?

ALEX. – Quelle horreur ! Raison de plus pour trouver d’autres sponsors.

ZOE. – Toute cette préparation pour en arriver là ! C’est désespérant.

MARTIN. – Juste au moment où j’avais commencé à dresser mon robot lunaire je vais devoir le rendre… C’est injuste !

ALEX. – Ah, tu veux travailler dans un cirque maintenant ? C’est vrai que sur la Lune y’a potentiellement un débouché…

ZOE. - Il existerait bien une solution de secours…

LES AUTRES. - Quoi ?

ZOE. - C'est à dire… que… Ben, je suis désolée mais j'ai bien peur qu'elle ne vous fasse pas vraiment plaisir…

RIDEAU

ACTE III

SCENE 1

Avant le lever de rideau. Devant le rideau.

L’espion 1 va à la rencontre de l’espion 2 qui arrive par le côté opposé.

ESPION 1. – Alors ? Aurez-vous les mêmes résultats que la dernière fois ?

ESPION 2. – Normale…ment, oui !

ESPION 1. – Je me suis permis d’aller jeter un œil sur place.

ESPION 2. – Le chapeau de paille, c’était donc vous !

ESPION 1. – Oui et ma combine donnera un résultat bien meilleur pour un investissement moindre.

ESPION 2. – Que voulez-vous dire ?

ESPION 1. – Que votre bombinette ne sera pas très utile cette fois-ci. J’ai eu des résultats probants avec peu de moyens. De plus, j’ai eu des échos de chez Bubble selon lesquels ils allaient signer avec la concurrence, c’est-à-dire mes employeurs. C’est une question de quelques jours, voire d’heures. Donc j’annule votre contrat de facto.

ESPION 2. – Ce n’est pas normal !

ESPION 1 – Eh si ! Et si vous n’êtes pas d’accord, allez au bureau des plaintes !

ESPION 2. – Ce n’est pas normal !

ESPION 1, repartant. Normal ou pas, c’est fini ! Ter-mi-né ! Fin de l’histoire !

L’espion 1 sort. L’espion 2 sort une arme à feu, la pointe en direction de l’espion 1 hors champ et tire.

ESPION 2. – Ça, c’est cent pour cent gratuit ! Parfois dans notre profession, il faut savoir improviser et faire le petit geste commercial adéquat… Ça crée des liens, comme on dit. (Pause.) J’ai tiré sur sa bobinette sans passer par la chevillette et elle a bien chu. Son compte, de fait, est bon. Dans « le petit chaperon rouge » c’est toujours le loup qui mange mère-grand et non l’inverse. (Pause.) J’en aurais eu une sous la main, je lui en aurais bien collé une de bombinette à lui aussi. (Pause.) Et si la fusée décolle malgré tout, je suis navré pour ses occupants. Impossible dorénavant de faire marche arrière. Ils avaient l’air si sympathiques… ces petits robots lunaires. Dommage !

L’espion 2 s’en retourne tranquillement.

SCENE 2

CELESTE, ALEX puis MARTIN et ZOE

LEVER DE RIDEAU

L’action se passe sur la Lune. On voit en fond la Terre. Sur la droite on aperçoit le module lunaire. Une webcam est installée sur un trépied. CELESTE et ALEX sont en scaphandre de spationaute avec plein de sponsors cousus dessus. Idem pour MARTIN et ZOE. ALEX porte un drapeau français rigide avec un trépied.

CELESTE. – Le paysage est magique !

ALEX. – Un peu monotone quand même. Ça me paraissait plus intéressant vu de notre arbre… On ne peux même pas faire une grimpette ici.

CELESTE. – Ne te plains pas ! Nous avons une chance incroyable.

ALEX. – Une chance incroyable d’être vivants !

CELESTE. – Oui, nous avons réussi cette fois-ci à déjouer les plans de sabotage. Tu as pu corriger le programme informatique en un temps record et ainsi désamorcer la charge explosive.

ALEX. – Tu ne m’aurais pas aidé, on serait éparpillés dans l’univers.

CELESTE. – Eh, oui ! Réduits en poussière cosmique.

ALEX. - Ce qu'il y a de bien ici, c'est qu'il n'y a pas de nuage, ni de vent d'ailleurs. On peut observer le ciel sans souci. Ça ne change jamais. Nul besoin de madame ou de monsieur météo.

CELESTE. – Sauf pour les jours de pluie… de météorites ! D’ailleurs je n’ai même pas pensé au parapluie !

ALEX. – On aurait l'air de quoi, dis, parés d'un parapluie ? On tourne singin' on the moon ? Imagine la tête des gens qui regarderont nos images d'archive !

CALESTE, Regardant vers la Terre. - On pourrait presque observer les terriens, nous les séléniens. Nous sommes à l’autre bout de la lorgnette. Dire qu’on était de l’autre côté il n’y a pas si longtemps…

ALEX. – Je le mets là, le drapeau ? (Il pose le drapeau.)

CELESTE. – Ça devrait faire l’affaire.

ALEX. - Que peut-on trouver sur la Lune ? Crois-tu qu’il y ait des champignons ? Il y a de l’eau à l’état solide sous nos pieds.

CELESTE. – C'est surtout plein de cailloux.

ALEX. - C'est peut-être le moment de sortir une petite phrase qui doit marquer les esprits et l'histoire. Allez ! Vas-y ! Lance toi !

CELESTE. – Voyons voir… C'est un petit pas pour la femme mais un grand bond pour l'égalité.

ALEX. - Bof ! Ça casse pas trois pattes à une canette.

CELESTE. – Et toi ? Allez, toi aussi passe à la postérité !

ALEX. - Avant je portais des lunettes. Maintenant c'est la lune qui me porte !

Arrivée de Martin.

MARTIN. – « La Truffe » au pied !

CELESTE. – Quoi ? Tu as emmené ton chien avec toi pour chercher des champignons ?

MARTIN. – Ah non ! « La Truffe » est le nom du robot lunaire. C’est moi qui l’ai affublé de ce nom. Ce robot est parti pour cartographier les environs. Je ne sais plus de quel côté il est allé.

ALEX. – Faudrait lui trouver un autre nom, parce que tu les perds tout le temps, les « La Truffe ».

ZOE. - « La Truffe » au pied !

CELESTE. – Zoé, tu cherches aussi le robot lunaire de Martin ?

ZOE. - Ah non ! Moi, j'ai mon propre robot qui doit indépendamment couvrir son propre secteur !

ALEX. - Encore un « La Truffe » ! C’est du déjà-vu. Par pitié, ayez plus d'imagination pour les noms de vos compagnons ! On ne peut même pas être tranquille sur la Lune !

ZOE. – Bon, j’y penserai les prochaines fois.

ALEX. – Moi, je dis que vos robots sont en train de s’accoupler pour cartographier en 3D. Vous devriez méditer le proverbe « Qui se ressemble, s’assemble ».

MARTIN. – (À Zoé.) C’est peut-être le moment de lui annoncer ?

ALEX. – De m’annoncer quoi ?

ZOE. – Notre mariage.

ALEX. – Toi et moi ! Non… je plaisante. Bravo ! Félicitations ! C’est quand ?

MARTIN et ZOE. – Aujourd’hui !

ALEX. – Hein ? Pas possible ! Vous blaguez ?

MARTIN. – Non, sauf si vous refusez d’être notre témoin.

ALEX. – Si je refuse ? Si je refuse, vous êtes mal partis pour trouver un remplaçant… Ça ne court pas les rues par ici. Même vos robots se défilent. Tu entends ça Céleste ?

CELESTE. – Moi, j’ai déjà donné mon accord.

ALEX. – Hou, la cachottière ! Voyez-vous ça, elle était au courant ! Bon, il est où Monsieur le maire ?

CELESTE. – Dis plutôt Madame, tu l’as en face de toi.

ALEX. – Maire de quelle commune ? De la Lune ?

CELESTE. – La Lune est devenue officiellement la septième commune française sans habitant quand tu as posé le drapeau et j’ai été nommée Maire par un préfet à l’instant par texto.

ZOE. – (À Alex.) Alors, tu acceptes ?

ALEX. – Faudrait être con comme la lune pour refuser… Oui, mais je n’ai pas les anneaux. Vous ne m’en voudrez pas ? Vous m’auriez prévenu, on serait passé par Saturne.

MARTIN. – Merci.

Céleste sort une écharpe tricolore et se la met sur l'épaule.

CELESTE. - Si vous voulez, la cérémonie peut débuter. Rapprochez-vous Zoé et Martin.

Zoé et Martin se rapprochent et se prennent la main.

Je suis heureuse, en tant qu'officier de l'état civil, de vous accueillir sous le toit étoilé de la République, dans notre commune de la Lune afin de célébrer l'union de Zoé et de Martin. Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance et cetera, et cetera. Zoé, acceptez-vous Martin comme époux ?

ZOE. - Oui.

CELESTE. - Martin, acceptez-vous Zoé comme épouse ?

Pas de réponse.