Pas là pour perdre - Texte

Pas là pour perdre

Sommes-nous des victimes ? De quoi, de qui ? Dans la gorge j’avais - pourquoi ? - un goût amer. Plaf je l’ai dégagé vite fait ! L’amertume, pas de ça chez moi. Non elle n’est pas la bienvenue dans mes pétales même si elle s’essuie bien les panards sur le paillasson. Pourquoi pas l’aigreur tant que vous y êtes ?! Ou encore les geigneries, plaintiveries, pleurnicheries, les jérémiades par myriades, les pourquoi tout ça pourquoi moi, les c’est pas moi, les c’est ma peur qu’a cassé sa machine à vasseur… Ouste l’incompris de Comencini tiens même ! Ouste, dehors ! Forbiden interdit verboten. Rien à discuter avec ces sentiments-là, l’auto-apitoiement. Vous n’allez pas me faire dégobiller avec votre permanente pétoche de votre solution finale que vous tentez pathétiquement de masquer derrière qui des addictions, qui de l’argent, qui de l’hyperactivité, qui de l’hypondiacrerie… L’intelligence c’est d’être heureux. Si tu décides de pas te flinguer, pas faire sauter ton bouchon et éclater ton youmanide caisson, alors sois intelligent, sois heureux. C’était la fête de la musique à Toulouse. Exceptionnellement j’y étais - je déteste les rituels et les foules, même quand elles la jouent cool. Cools les gars de la grande fratrie avaient commencé une manif pour la liberté quand la police municipale avaient arrêté les sound systèmes à 4 heures du matin, sound systems qui déversaient leurs 4000 décibels depuis 19 heures dans de tranquilles ruelles, à la grande terreur résignée des riverains, boum boum boum boum etc… Cools les gars ? Je dirais plutôt méchamment plouctons. Z’avez dû être biberonnés au plancton iodé. 19h/4 h ça vous suffit pas ? Allez dans des raves les mecs. Inconvénient : y’aura les flictons. Eh quoi ! T’as quelque chose à cacher ?

Bon ça va, on arrête les frais et je me promène à l’écart des lacrymos dans cette nuit de printemps. A 5 plombes, je croise un jeune couple d’amoureux un peu éméché sur le vieux Pont-Neuf. Ils viennent sans doute de le découvrir, voilà qu’ils me branchent direct et ravis sur ce philosophe de Cioran. Ils l’adorent. Et vous ? Vous le connaissez ou pas, c’est cet auteur très brillant qui fait des livres d’aphorismes non moins brillants. De l’inconvénient d’être né est par exemple le titre de l’un de ses opercules. Séduisant mais négatif tout le temps. Prince des crétins donc. Bon il est tard ou il est tôt, on va pas s’éterniser : Cioran est un imbécile, si tu vis l’intelligence c’est d’être heureux, je leur tranche dans le l’art. Le couple se regarde pensivement en hochant la tête. Pas con c’ que tu dis là, man ! ils me sortent. Ça y est, une bonne action pour la journée, 2 âmes sauvées et je reprends mon chemin en piétinant maintenant de mes pompes souples des rues pavées. Nan mais j’en connais trop - d’ailleurs j’en ai fait partie - des Je souffre donc je suis. Allez, du vent du balai de l’air et vogue peinarde la galère. Y’en a qui me disent Mais c’est pas gai ton affaire ! Alors pagaies mon gars, allez rameurs ramez si ça vous chante, j’aurai fait mon possible pour vous aider. La plupart n’ont pas voulu, être aidés, je ne leur en ai pas voulu. Même si y’a des beignets qui se perdent. Tu vois cet homme, tu vois cet homme, il a travaillé pourtant, pas pour du vent, tu vois cette femme et son enfant, elle est usée et lui est né pourtant, pas pour du vent. Pas là pour perdre, pas là pour perdre, et à la fin, le boulot fait, fait, fait, pas là pour perdre !