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Mon voyage page à page - Carnet de Voyage

Carnet de Voyage "Mon voyage page à page" est un carnet de voyage mis en ligne par "Rico11"..

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Mon voyage page à page…

35 jours sur le chemin de Compostelle

du Puy-en-Velay à Pamplona

J.0. Prologue

L’écriture c’est comme la randonnée. Il faut quelque temps pour que la main et l’esprit se coordonnent et d’un commun accord se mettent à avancer. De façon hésitante au début, puis progressivement avec de plus en plus de fluidité.

Nous en sommes là. Journée prologue, le voyage avant le voyage. Un peu comme dans « la Montagne Magique » de Thomas Mann. Des moyens de transport, des attentes, des changements pour atteindre le point d’arrivée qui est celui du départ. Me voici donc au Puy…

Départ ce matin de Béziers avec Kate qui m’a accompagné à la gare. Petit câlin et demi-étreinte. A nouveau l’impression que cette aventure risque de nous éloigner et pas seulement physiquement. Je sais que nous nous posons tous les deux la même question. Que sera notre couple après ces 40 jours de pèlerinage en solitaire ? Mais j’évacue vite cette interrogation de mes pensées. Je ne veux pas trop gamberger et j’ai travaillé dur les semaines précédentes pour partir l’esprit dégagé de tout ce qui pourrait venir me perturber émotionnellement, : famille, amours, amitiés… Sac à dos plein, tête vide.

Arrivée à Lyon-Part-Dieu. Mon frère Marco m’attend pour me voir le temps d’une correspondance. Je suis heureux qu’il soit là pour moi avant mon grand départ. Je le trouve beau, plutôt détendu, mais je le sens assez ému. Sans doute aurait-il aimé partir avec moi. Il a promis de me suivre étape après étape avec le Guide du Pèlerin. Il va faire lui aussi le voyage, mais par procuration.

Un train régional, un autocar plus loin. Nous traversons les plateaux enneigés du Velay, un deux avril ! Je m’inquiète un peu en pensant qu’il va falloir marcher dans la neige pour la première étape.

De toutes façons ce jour zéro est celui des inquiétudes avant le grand saut. Je m’écoute, je m’ausculte, et la légère douleur au petit orteil droit provoque déjà en moi des angoisses existentielles. Et si je n’allais pas plus loin que le bout de mes pieds ?

Demain… nous verrons bien demain.

J.1. Le Puy / Saint-Privat- d’Allier (23.5 kms)

Une première journée dans et sous la neige. Paysages blancs à perte de vue. La capuche qui me protège du froid, m’isole un peu du monde. Je n’entends pas le bruit de mes pas, ni le chant de l’hiver qui revient aux affaires en ce début de mois d’avril.

Les premières heures sont difficiles et je suis de mauvaise humeur. Mes appuis sont hésitants et j’ai déjà mal aux pieds. Je regrette mes vieilles chaussures. J’ai le sentiment soudain que mon voyage va très rapidement se terminer. Entre les ampoules naissantes et ma douleur au tendon d’Achille, je me sens mal dans mon corps. J’aurais dû casser mes chaussures avant de partir, j’aurais dû aussi entraîner mon corps à l’effort. Et pourquoi être passé chez la podologue faire enlever cette corne qui me protégeait ? Je m’en veux et je suis inquiet car je sais que des pieds douloureux peuvent rapidement mettre un terme à l’aventure. Le scénario catastrophe d’un retour piteux et précipité à Narbonne m’effleure l’esprit.

Mais mon corps reprend petit à petit le dessus et dit à ma tête de s’occuper d’autre chose. Je marche de mieux en mieux et je commence à m’imprégner de cette nature ouatée par l’hiver qui m’entoure.

Rencontre de deux gars dans l’après-midi et je termine la route avec eux. Au final je suis plutôt satisfait de la journée, de cette première étape. Mes pieds couverts d’ampoules restent cependant une source d’inquiétude. C’est bien la peine d’avoir autant l’expérience de la randonnée. Grrrr !

J.2. Saint-Privat-d’Allier / Saugues (19.8 kms)

Après une bonne nuit de sommeil dans un gîte agréable, je démarre à 8 heures sous un froid polaire.

Je randonne alternativement avec mes deux compagnons de chambrée. Sur la route le matin avec l’un, pour éviter les congères, dans la neige tout l’après-midi avec l’autre. Belle étape dans cette Margeride toute blanche.

Je m’attendais cependant à marcher beaucoup plus souvent seul, mais instinctivement au vu des conditions météo difficiles, la plupart des randonneurs du jour se sont regroupés. Comment passer les congères ? Peut-on trouver un autre itinéraire ? Toutes ces questions obligent aux échanges rassurants. Le temps du parcours en solitaire viendra plus tard. Plus tard ? Voire ! J’ai les pieds plus ampoulés que les discours de Valérie Pécresse !

J.3. Saugues / Le Sauvage (19.3 kms)

Un départ de pèlerin comme je les aime. Seul, dans le froid piquant du petit matin juste après avoir refermé la porte d’une chambre d’hôte bien chauffée et chaleureuse par son accueil.

J’aime ces premiers pas, ces premières enjambées quand le corps et la tête se mettent progressivement en route. Mes pieds ne me font pas souffrir, c’est bon signe.

Devant une maison à l’écart du village, je photographie un panneau de bois sur lequel est inscrite une citation de Philippe Tesson : « Qui m’aime me suive, disait le vent ». Je l’envoie à Kate, c’est un petit message de tendresse pour lui signifier que je ne l’oublie pas.

J’ai marché toute la journée d’un bon pas, sans difficulté, même si le parcours était somme toute assez vallonné. Mes pieds ont tenu, je vais pouvoir commencer à penser à autre chose, à d’autres choses.

Demain grosse étape de 28 kms, si mes ampoules ne s’aggravent pas je devrais pouvoir poursuivre mon chemin plus sereinement.

J.4. Le Sauvage / Aumont-Aubrac (28 kms)

Départ très stressant ce matin. En rangeant mes affaires je me suis aperçu que je ne trouvais plus mes lunettes de vue de soleil. Panique et presque l’envie d’envoyer tout balader. Je descends à l’accueil, rien. J’ameute toutes les personnes présentes au petit déjeuner, rien non plus. Je suis d’autant plus déprimé que je suis persuadé que quelqu’un les a trouvées et les a gardées pour lui sans savoir qu’il s’agissait de lunettes de vue. Soudain une lueur s’allume dans mon cerveau et je me revois ranger l’étui dans une poche au fond du sac. Une fouille minutieuse et je retrouve mes lunettes avec la même joie enfantine que lorsque je ramassais des œufs de Pâques dans le jardin.

Je montre fièrement l’étui à la tablée. Bronca amicale avec l’impression que les gens étaient vraiment soulagés pour moi. Voilà le fait du jour.

Sinon une rencontre amusante avec un habitant de Saint-Alban-sur-Limagnole qui se déclare ravi de voir un nombre croissant de « coquilles » traverser le village, et qui compare notre passage à l’arrivée des hirondelles. Annoncerions-nous le printemps ?

J.5. Aumont-Aubrac / Nasbinals (26 kms)

Pluie et vent en tempête sur l’Aubrac aujourd’hui. J’ai reçu toute la journée les gifles de la nature. Randonnée difficile mais grisante. La tête basse et encapuchonnée, j’ai tout de même ressenti ce « vertige de l’horizontalité » qu’évoquait Julien Gracq.

De façon inattendue j’ai cheminé toute la journée avec Carole, une femme magnifique de 35 ans environ. Nous avons su sans nous gêner, profiter chacun pour soi de cette atmosphère enivrante, et la partager aussi par moment. A l’arrivée nous nous sommes remerciés mutuellement avant de nous séparer pour aller rejoindre nos gîtes respectifs .Beau parcours dans un monde à part, riche de sensations bien éloignées de ma vie quotidienne.

J.6. Nasbinals / Saint-Chély-d’Aubrac (16.3 kms)

Ce matin pour le petit déjeuner une partie des randonneurs s’était donné rendez-vous dans le café du village. Une vingtaine de pèlerins attablés par affinités, car depuis six jours des groupes formés par le hasard des rencontres ont eu le temps de se constituer.

J’ai moi aussi ma petite tribu, mais en rentrant dans le café et en saluant un peu tout le monde j’ai eu l’impression d’appartenir à une communauté, celle « des gens du chemin ». Et même si je sais bien que tout cela est éphémère, illusoire aussi peut-être, ce sentiment tribal m’a procuré une forme de joie intérieure.

 

A Saint-Chély j’ai partagé la chambre avec Philippe. Il m’a plu tout de suite par son attitude un peu détachée, et son phrasé nonchalant…qui ne l’a pas empêché de me poser des questions quasi-existentielles sur le sens que le chemin avait pour moi. C’est lui d’ailleurs qui m’a soufflé la belle expression de « frères et sœurs de chemin » à propos des pèlerins.

 

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Rico11

16-06-2022

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