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Texte "De la patience, la pub et la résilience" est un texte mis en ligne par "Ancolies"..

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De la patience, la pub et la résilience

 

La patience c’est la vie qui me l’a apprise. A force d’attendre sans retour des éditeurs de musique, des labels reconnus, des indés réputés, des majors établies, des programmateurs radio, des agents artistiques, des artistes, des éditeurs littéraires…, j’ai arrêté d’attendre. Oui je suis devenu très patient avec ces gens-là et il en sera probablement de même  - aucun retour - jusqu’au jour de ma disparition. D’aucuns me disent que j’existerai artistiquement posthume. Est-ce que cela m’intéresse ? Oui. J’ai le sentiment d’avoir produit un travail utile, ce qui m’a bien souvent été dit bien que je ne dispose que d’un public extrêmement limité. Si ce travail se révèle effectivement utile après ma disparition, très bien, qu’il en soit ainsi. En n’excluant pas que cette possibilité n’existe même pas et que tout ce que j’ai créé parte aux oubliettes avec moi. C’est en partie pour cela que je matérialise mon travail, j’aurai publié 5 livres cette année, mon second « essai autobiographique », un recueil de nouvelles de fiction, 2 recueils regroupant mes quelques 500 textes de chansons, et pour finir un livre de dessins. Oui, au moins comme cela c’est matérialisé et qui veut peut/pourra y accéder. Peut-être n’y aura-t‘il personne. Pour autant je ne désire rigoureusement pas infliger un devoir de mémoire à mon fils ; qu’il vive sa propre vie, ses propres créations, tel est mon souhait. J’ai cependant sur mon testament spécifié que je m’opposais à toute éventuelle exploitation commerciale de mon travail, sauf nécessité économique pour mon fils, à lui de voir. Quand j’entends le Revolution de Lennon ou la voix rauque de Janis Joplin dans des pubs, j’imagine qu’ils se retournent dans leurs tombes. Bashung lui a volontairement fait de la pub - utilisation de son titre Ma petite entreprise - et lorsque les journaleux lui ont demandé s’il ne ressentait pas une certaine contradiction dans cet état de fait il a répondu : Dutronc l’a fait, Gainsbourg l’a fait, pourquoi pas moi ! En ce qui concerne Gainsbourg, il était cependant son immense talent de poète un publicitaire. A l’exception de ses premiers albums tournés vers le jazz et restés confidentiels, à l’exception également de ses 2 concepts albums Melody Nelson et L’homme à la tête de chou, nombre de ses chansons sont en réalité des jingles publicitaires étirés en 3 minutes. Quant à Dutronc, qu’est-ce qui lui a pris de faire la pub de Citroën (avec Françoise Hardy) ? Et d’autres choses encore puisque moi qui vous parle et qui ai été un affreux créatif publicitaire de mes 20 à 30 ans, j’ai fait travailler l’opportuniste, l’hippie pipi hourra, le et moi et moi et moi comme réalisateur de films pour la marque Ricqles, et il a fait de gosses m…. (un éléphant sur un piano !). Idem j’ai beaucoup bossé avec Michel Fugain pour Monoprix (Du lundi au sam’ di, venez à Monoprix !). Il était hyper connu, il avait fait des tubes à la pelle et le tour du monde avec son Big Bazar, quel besoin avait-il de se commettre avec la pub ? Une fois j’ai eu honte pour lui. D’habitude, nous travaillions tous les 2 dans sa magnifique propriété des Yvelines avec immense parc, moulin et étang  pour mettre au point tous les 6 mois une demi-douzaine de jingles. Une fois les choses ne se sont pas déroulées de cette façon et nous avons loué un studio à Paris où devait venir l’annonceur pour écouter ce que le compositeur Fugain avait à lui proposer (les textes c’est moi qui les faisais). Fugain s’est pointé et a fait mine de chercher dans son sac la k7 sensée présenter le travail qu’il avait effectué. Il était gros comme une maison qu’il n’avait rien fait et qu’il n’existait pas plus de k7dans son sac que de goupillon dans une maison close, oui j’ai eu honte pour lui, la grande star se comportant comme un petit écolier pris en faute. Bon, comme l’hypocrisie régnait, il a plaqué 3 ou 4 accords en fredonnant sur le piano et tout le monde a fait comme si tout le monde il était content tout le monde il était gentil. Pour Monoprix, j’ai également travaillé avec Michel Berger et encore Françoise Hardy (Monoprix j’aime ça !). Là encore, la honte pour eux, à mes yeux en tout cas. J’ai même travaillé avec Bertrand Blier pour des films toujours pour Ricqles. Bertrand Blier, l’inclassable, l’iconoclaste, l’un des électrons libres du grand écran, faire de la pub ?  Eh bien si. Et j'ai fait un film pour le fromage le Vieux Pané avec Jean-Paul Rappeneau, le réalisateur de entre autres Tout feu tout flammes avec Montand et Adjani, de Cyrano de Bergerac avec Depardieu. Et Depardieu a fait la pub pour Barilla sans compter ce qu'il a fait dans le même registre pour son ami Poutine (Un pays qui a de telles recettes gastronomiques ne peut être qu'un formidable pays). Pourquoi tout ça ? Pour le fric ? Tous ils n’en avaient pas suffisamment ?   

Revenons à la patience. Je n’en ai plus besoin, je n’attends rien, je n’espère rien si ce n’est que mon fils aille bien ce qui est pour l’instant formidablement le cas. Des amis m’ont dit qu’il était triste de vivre sans espérer. Qu’espérer ? J’ai tout ce qu’il me faut. Jacques Higelin, que j’aime beaucoup malgré la flopée de ses derniers albums tout-à-fait inutiles, Jacques Higelin chante Je ne vis pas ma vie, je la rêve. Moi, que certains amis surnomment Jackie Gelin je chante Je ne rêve pas ma vie, je la vis. Qui a raison, Jacques ou Jackie ? Les 2 probablement.   

De la patience à la résilience il n’y a qu’un pas. La résilience, la vie me l’a également apprise très tôt. Lorsque l’on grandit dans la douleur et la souffrance on s’habitue comme disait Brel. Surtout si l’on a compris que, contrairement à ce qu’écrit Marguerite Duras, la maladie ce n’était pas la mort mais la vie. La maladie de la vie, tu seras guéri quand tu seras mort mon gars, alors les petits ou les gros bobos, pensez ! Ils sont écrits dans le synopsis et largement développés dans le scénario. Donc pourquoi s’en étonner, les trouver injustes, en faire toute une histoire ? Et surtout attendre que cela aille mieux pour s’y mettre. Cela n’ira jamais mieux, la mer ne sera jamais totalement étale et la vie a déjà commencé. Perso les bobos, je vis au quotidien avec une douleur de 6, 7 ou 8 sur une échelle de 10. Et je m’en fous. C’est l’une des raisons pour laquelle je pense que, quel que soit ce à quoi ou ce à qui l’on croit, la fin sera de toute façon délivrance. Si, en fait j’espère quelque chose : que la vieillesse ne soit pas trop dégradante. C’est purement théorique ce que je vais écrire mais c’est ainsi que je le ressens : si j’ai la lucidité de m’apercevoir que je me dégrade trop, je dégage (et pas la peine d’aller débourser 10.000 euros en Suisse, j’ai tout ce qu’il faut). Les images qui me restent de ma mère décédée à 85 ans de Parkinson et Alzheimer sont celles d’un pauvre légume pesant 28 kilos, le corps totalement écroulé à droite ou à gauche de son fauteuil roulant, ne reconnaissant personne et tenant à de rares occasions des discours incohérents. Ce ne sont donc pas des images d’elle à 40 ans, encore jeune et jolie. Oui, non, ce ne sont pas ces images d’un père dégradé que je souhaite léguer à mon fils. Je préfère filer à l’anglaise avant. Ô je sais qu’il peut toujours exister de la dignité dans un corps malmené, grâce à l’humilité de l’esprit et de l'âme, donc peut-être ne suis-je pas suffisamment humble. Bah, on n’est pas des anges, comme on dit quand ça nous arrange ou plutôt quand ça nous dérange. Fils, pourras-tu pardonner ? Ô mon bébé je t’aime et je pars en fumée.  

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Ancolies

06-04-2024

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