Un monde à refaire - Coup de gueule

Un monde à refaire

Dans la rue j’ai vu un vieil homme pleurer et plus loin le fleuve continuait à couler et à charrier ses alluvions, déchets toxiques, plastique, caddys rouillés d’hypermarchés jetés là par des sans-abri fatigués et sans espoir… Comment en sommes-nous arrivé là ? Inutile de répéter et paraphraser ce qui a déjà été 1000 fois dit. Dans les années 2000 des producteurs m’ont demandé d’écrire des textes pour Johnny Hallyday. J’en ai fait une demi-douzaine. Parmi eux, un dont le refrain était « On refait pas le monde, on le fait chaque seconde ». Qu’est-ce qu’on attend ? Toute la déférence et toute la tendresse et toutes les aspirations de la vie vont aux âmes ardentes. L’adolescent ailé, le poète, l’ami des muses, le pèlerin du monde, l’idéaliste enflammé, tous vont aux âmes ardentes et il n’en sera jamais autrement. Il est étrange et terriblement désespérant de constater que c’est d’abord en milieu d’abondance que la culture de l’individualisme émerge - lépreux sans clochettes - alors même que là où les biens sont moindres, les solidarités semblent plus naturelles. En réalité il n’a jamais été question que le progrès technologique s’opère au service du progrès social. Cela n’a jamais été qu’un leurre pour le peuple des pantins. Le monde contemporain s'assimile de jour en jour à une dystonie digne des romans SF les plus remarquables. Nous avons basculé dans une dynamique non plus ascendante impliquant un devenir certain, mais à un présent « désenchanté » pour la multitude, et ce depuis longtemps finalement, puisque du haut de ses 24 ans, mon fils a toujours eu la sensation de vivre non pas ce moment de crise sanitaire actuelle mais 24 années de crise généralisée. Le système néo-libéral est à bout de souffle, à bout de rêves, et la nature nous le fait violemment savoir. Où est-elle la pensée de Karl Marx ? Les exactions staliniennes d'hier ou chinoises actuelles n’y changent rien. Resterons-nous encore longtemps dans le cataclysme de l’abandon ? Nous faudra-t-il jusque nos derniers souffles demander pardon à nos enfants et petits-enfants ? Parce que nous avons été endormis, parce que nous n’avons pas eu le courage de nous réveiller, préférant rester la tête plantée dans la terre. La révolution est nécessaire. Mais dans une de mes vieilles chansons titrée Mille neuf cent quatre-vingt con, je chantais « Révolution piège à cons ». Avec réticence cependant eu égard à tous ceux qui dans l’Histoire ont sacrifié leur vie à l’autel de la liberté. Mais comme le chante Brassens, « Le pluriel ne vaut rien à l’homme et sitôt qu’on est plus de 4 on est une bande de cons ». Tous ces ego mal placés, ces personnes éduquées à la discorde incapables de s’entendre. Le plus. Le plus ? Quel est l'imbécile qui a engendré cette locution stupide ? Le plus beau, le plus intelligent, le plus puissant, le plus brillant, le plus riche ... C'est la plus basse et la plus stupide part de nous-même qui l'a inventé, cette stupide compétitivité qui nous empêche de vivre ensemble en harmonie, en paix, en égalité, en fraternité. Ou alors existe-il une révolution responsable, intelligente ? Qui nettoierait comme une avalanche la corruption, les cartels politiques, économiques et également pharmaceutiques, qui brûlerait les drapeaux ? La crise qui nous frappe en ce moment sera-t’elle suffisamment violente pour réveiller les esprits, abrutis de publicité, de propagande, d’intoxication au pouvoir d’achat, de surconsommation, d’inutile, de télé-réalité débile ? Hélas j’en doute. Selon mes observations, selon mes conversations avec les uns les autres, selon mes estimations les plus optimistes, de cette crise ne naîtront que des changements profonds certes mais mineurs, qui se développeront et s’amplifieront avec le temps. Et c’est paradoxalement sans doute tant mieux car si ces mouvements se montraient dès demain trop visibles, ils seraient immédiatement étouffés dans l’œuf. Oui ces mouvements seront les balbutiements de ce monde à refaire, qui prendra au mieux ses effets en 2030. Bah, au point où nous en sommes, le monde meilleur peut bien attendre.