Qui de nous s'aime lui-même ? - Texte court

Qui de nous s’aime lui-même ?

Aime ton prochain comme toi-même, nous incite l’un des dix commandements. Ô comme c’est vite dit ! Franchement ça ne me paraît pas évident. D’aimer son prochain, si, en tout cas ce n’est pas un problème pour moi, je n'ai pas de mérite je ne suis pas misanthrope c’est tout-à-fait naturel, mais s’aimer soi-même éh bé voilà aut' chose ! Pourtant ça semble une pure évidence dans cette invitation mais en réalité qui s’aime en ce bas monde ? Vous peut-être, moi pas. Et je me demande si je suis un cas isolé ou si c’est pour nombre d’entre nous comme ça. Non, on doit être très nombreux dans mon cas isolé j’en suis plus que sûr et certain. S’aimer ? M’aimer ? Et puis quoi encore ! Non. Attention : je ne me déteste pas non plus, je me suis plutôt parfaitement indifférent voilà tout. C’est d’ailleurs peut-être tout simplement la source de ma mélancolie profonde. Peut-être une carence due à  mon éducation. Oui, comme quelque chose d’étranger à soi-même de s’aimer lorsque tes parents ne l’ont pas fait, t’aimer, n’ont pas considéré qui tu étais, faisant simplement de toi un objet de projection de leurs propres aspirations. Reprenons : aime ton prochain comme toi-même. Bon, j'entends bien le lien avec  Ne fais pas aux autres ce que tu n'aimerais qu'ils te fassent, mais cette question bille en tête, s'aimer soi-même ? Connais-toi toi-même, disait dans le même ordre d’idées Socrate ou l’un de ses copains. Pareil. Connaître ce que je suis oui, mes actes d'enfant et d'homme, par contre qui je suis, pas la moindre foutue idée. Dans ces conditions le commandement ne serait-il pas écrit à l’envers, ne devrait-il pas plutôt s’énoncer : aime-toi comme tu aimes ton prochain ! Pour moi déjà ce serait plus facile ou plus logique. Ô Esprit Saint, viens donc me secourir en mon confus destin ! Comment fait-on pour s’aimer ? On se regarde dans une glace et on embrasse la bouche embuée du miroir en susurrant un Je t’aime je t’adore pur et sincère dans une nappe de lumière parée d’argent et d’or ? Non sans blagues, est-ce le relent de mon éducation judéo-chrétienne (aux orties depuis longtemps) qui m’empêche, genre s’aimer soi-même relèverait de l’orgueil et du narcissisme ? Ben à priori non puisque cette injonction nous vient directement de la Bible, de la Table des Commandements de Moïse descendant de la montagne à cheval pour être au plus précis. Certes je suis vivant, me lève chaque matin, me rase ou pas et vaque à mes occupations, mais dans un état second. Je suis spectateur de ma vie même si c’est moi qui la dirige, non ce n’est pas incompatible. Bon j’y retourne, ce commandement à jamais gravé dans le marbre. L’en a des bonnes Notre Seigneur ! L’a essayé Lui ? L’a-t’Il testé Son truc ? S’aime-t’Il comme Il aime ses brebis ? Se trouve-t’Il à Son goût ? Beau, intègre, tolérant, respectueux et bienveillant ? Serait-Il devenu pote avec Lui-même s’Il s’était rencontré par hasard dans la rue de Vaugirad ? Est-Il satisfait de Sa création ? Naître ou ne pas naître, ce n’est pas le petit enfant niché en chacun d’entre nous qui en décide, Ce Dieu de bonté ne nous laisse pas trop le choix. Non, n’en déplaise à William ce n’est pas une question. Tu seras un homme ma fille, point barre.

Par où vais-je commencer pour m’aimer ? Lentement, doucement, me regarder de la tête aux pieds et juger des ébats et des dégâts ? Faire deux colonnes débit crédit ? Non c’est rationnel tout ça. La résolution du souci passe par la case émotionnelle. Autrement dit filer du flouze, du pèze, des radis, des flèches, des pépettes à un psy afin qu'il vous débloque tout ça. Merci j’ai donné, payé au moins la moitié de la limousine de l’homme de l‘art. Et même des parce que je n'en ai pas pratiqué qu'un. Je vais vous dire : en 50 ans de psychiatrie, je peux à peine compter sur les doigts d’une main les véritables soignants que j‘ai rencontrés. Mais peut-être qu’on se retrouvera, après les dégâts, oui peut-être que tout l’ monde sera là, après après après les dégâts… Ok, je regarde ce qu’il reste de la forêt et chez moi, le verre est toujours à moitié vide à moitié plein mais pour sûr il est ici et las.