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Merci Papa merci Maman - Tranche de Vie

Tranche de Vie "Merci Papa merci Maman" est une tranche de vie mise en ligne par "Ancolies"..

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Merci Papa merci Maman

 

Il se trouve qu’à 13, 14, 15, 16 ans j’étais mignon, que voulez-vous. Ce qui me valait les faveurs d’innombrables pédophiles que j'attirais comme des mouches. Il m’était déjà arrivé plusieurs désagréables aventures lorsqu’une culminante eût lieu. De bonne famille aristocratique, j’étais naturellement dans un collège privé catholique. Je passe les détails et les épisodes précédents mais à 2 mois d’intervalle, un élève de terminale et un gars, laïc, médecin de son état, de 35, 40 ans qui s’occupait des activités sportives extra-scolaires pour le collège m’ont sauté dessus. L’élève de terminale je m’en suis sorti en me débattant comme un furieux sur son lit et en lui enfonçant mes doigts dans ses yeux, mais le médecin, dans son hôtel particulier, ça a été une autre paire de manches et je suis passé sévèrement à la casserole. Lorsque je suis retourné chez moi en fin d’après-midi, mes frère et sœurs regardaient Skippy le kangourou à la télé. Je me suis installé dans un fauteuil l’esprit ailleurs mais ma mère est passée par là et m’a trouvé l’air bizarre. Elle m’a entraîné dans sa chambre, m’a cuisiné comme un flic interroge le pire des suspects, point par point, détail par détail, ne m'épargnant rien : "Et ça t'est déjà arrivé ?" etc...et je lui ai tout raconté (l'élève de terminale, les louveteaux et les scouts, et y compris mes récurrentes mésaventures depuis plusieurs années avec un prêtre du collège qui se trouvait être l’un de ses amis d’enfance). Puis elle m‘a congédié, sans l’ombre d’un soupçon d’empathie ou de compassion. Le soir, à son tour elle a tout raconté à mon père qui le lendemain matin, ça alors, me faisait la gueule. Je me croyais suffisamment intelligent pour comprendre qu’il réagissait comme ça parce qu’il était lui-même blessé - enfin je l’ai supposé à l’époque, aujourd’hui je n’en sais plus rien, peut-être n'étais-je que naïf et con et m’avait-t’il considéré coupable - mais, après la bonté de ma mère, en guise de réconfort sa gueule à lui m'était d'un grand soutien.

Je vous épargne encore les détails mais l’affaire avec l’élève de terminale s’est ébruitée au collège, d’autres élèves ont organisé une expédition punitive qui a très mal tourné et mon nom s’est retrouvé sur toutes les lèvres, associé à l’injure permanente Sale pédé. Je ne pouvais plus donc rester dans ce lieu et mes parents ont décidé de m’envoyer terminer l’année scolaire dans un pensionnat en Angleterre. Choix judicieux s’il en est puisque la veille de mon départ j’ai croisé ma mère qui m’a dit mot pour mot d’un ton badin « Tiens ! On en parle parce qu’on en cause, les anglais sont assez portés sur la chose ». Voilà, j’étais prévenu, et glacé, ils me renvoyaient directement dans la gueule du loup, C'est ça chéri, retournes-y. Et je peux vous dire que ce séjour en Angleterre a été un véritable enfer de plusieurs mois dont je vous épargne une nouvelle fois les détails. Une première fois Merci Maman merci Papa, tous les ans on voudrait qu' ça r' commence enenence, youkaïdi, aïdi, aïda.

Autre sujet de gratitude, d'un niveau certes bien moindre mais tant qu'à y être au chapitre des remerciements... J’ai passé un bac C (maths) parce que pour mes parents il n’y avait pas d’autre choix pour moi depuis ma naissance que faire math sup, math spé et l’ENA ou Polytechnique. Sauf que j’ai renâclé. J’ai obtenu ce foutu bac C comme ils le voulaient mais refusé le programme prévu et me suis donc retrouvé à négocier avec eux. Le compromis a été Les Beaux-Arts section Architecture (je voulais Arts Plastiques mais il y avait quand même des limites), associés à une maitrise de droit. La fac de droit j’y suis allé une fois, suis rentré dans le hall, ai regardé autour de moi, suis ressorti et n’y ai plus jamais remis les pieds. Quant à l’archi, j’ai compris dès le 1er jour que ça m’intéressait comme l’an 40 et que je n’avais rien à faire là. Aussi, au bout d’un mois j’ai trouvé un boulot de vendeur dans une librairie à St Germain des Prés, et au bout de 4 mois j’ai trouvé une chambre de bonne où me loger. Fort de cette autonomie toute nouvelle j’ai donc annoncé le soir à dîner dans la vaste salle à manger familiale que je m’en allais. Leur première stupéfaction passée, mes parents ont réfléchi et m’ont contre-proposé de partir finir l’année aux Etats-Unis et reprendre math sup à la rentrée suivante. Math sup on verra bien me suis-je dit mais les Etats-Unis ok. J’avais jusque-là un horizon bien trop limité entre les aristos et les curés pour être déjà fan du Velvet Underground de New-York et du rock psychédélique californien, mais ça me bottait quand même, aussi j’ai dit banco. Mais vous vous en doutez c’était un piège et le collet s’est resserré pour que je parte finalement en Allemagne faire un stage chez Thomson. Et j’ai accepté.

Pourquoi ? Il faut revenir un peu en arrière, au début de l’année universitaire. Les cours n’avaient pas encore commencé aux Beaux-Arts lorsque rentrant chez moi un jour en fin d’après-midi, je tombe sur mes frère et sœurs hyper excités : « L’assistant de Robert Bresson a téléphoné, il veut te rencontrer pour un rôle dans un film. Oublie pas d’emporter des photos de moi et moi et moi et moi » (Ah les sales rats !) Pour qui l’ignorerait Robert Bresson était un grand cinéaste qui faisait des films d’auteur. Or donc je rappelle l’assistant, lequel m’explique qu’il a vu ma photomaton dans les dossiers d’inscription des Beaux-Arts, que Robert cherche l’acteur principal de son nouveau film et qu’il lui semble que je pourrais faire l’affaire. Rendez-vous est pris ans un café du Quartier Latin, où il se pointe avec un photographe qui me prend sous toutes les coutures pendant que nous discutons. Quelques jours passent avant qu’il ne me rappelle : « Robert a vu les photos, c’est ok t’as le rôle, on débute le tournage dans un mois et demi ». Bon. Ensuite il me rappelle tous les 15 jours pour m’annoncer que le tournage est retardé parce que la subvention ceci ou le crédit cela n’ont pas encore été débloqués.

Vous comprenez donc pourquoi j’accepte l’Allemagne : si le film se fait je reviens. Si je suis aux Etats-Unis c’est trop loin. Je pars donc pour l’Allemagne, où au passage je traîne à peine mes guêtres chez Thomson pout partir plutôt rejoindre fissa diverses communautés hippies du pays (nous sommes en 1975). Et plus de nouvelles du film.

Année suivante de retour à Paris (en m’offrant pour rejoindre la France en stop un crochet par l’Autriche parce que je suis recherché par les flics). J’ai refusé de faire math sup et ai commencé des petits boulots, manutentionnaire, livreur, pompiste… Un jour le téléphone sonne, je décroche et tombe sur l’assistant de Bresson. « Robert voudrait savoir pourquoi tu n’as pas voulu faire le film. Ça l’intéresse de connaître les raisons pour lesquelles des personnes refusent de travailler avec lui ».  Bien entendu je tombe de haut et j’apprends que mon interlocuteur a téléphoné l’année précédente 15 jours après mon départ pour l’Allemagne pour annoncer que le tournage commençait, mes parents répondant alors que non, je ne voulais plus faire le film. Re-Bling ! Re Merci Papa merci Maman. Qui sait, mon destin en eût peut-être été changé, ce qui au vu de mon parcours n’aurait pas été forcément du luxe ?

Je suis plutôt fataliste genre Ce qui devait a été et l’on ne peut le changer. Alors je n’ai rien dit. Le temps a (largement) passé, mes parents sont décédés (mon père juste après cette période, à 48 ans, étouffé psychologiquement selon moi par ma mère, personne perverse narcissique s’il en fut), et je m’aperçois aujourd’hui seulement que je leur en veux pour les faits plus haut relatés (entre tant d'autres). Donc il va falloir que j’explore cette colère sur le dos des morts pour m’en débarrasser. Entendu. Comme on dit quand faut y’aller ! Je lance une recherche Google : psychothérapeutes Toulouse ». Franchement, à mon âge et avec ce qu’il me reste à vivre… Ah ! Ne pas oublier dans ma recherche : regarder les avis ! Les pédophiles, les parents graves je ne sais pas, mais les incompétents et les charlatans ce n’est pas ce qui manque chez les psys.

 

 

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Ancolies

18-06-2022

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Merci Papa merci Maman appartient au recueil Nouvelles d'une vie

 

Tranche de Vie terminée ! Merci à Ancolies.

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