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Admirabilis - Tranche de Vie

Tranche de Vie "Admirabilis" est une tranche de vie mise en ligne par "Ancolies"..

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Admirabilis

 

Avec le visage de ma mère en permanence présent dans ma tête, j’ai toujours un atout dans ma manche. Je suis la fille ainée, celle à laquelle on a dit depuis ses 15  ans qu’elle avait un cœur de pierre. C’est exact. J’ai une case en moins, celle-ci, celle du cœur. Et 50 années plus tard c’est toujours vrai, couplé au fait que les très rares avisés me désignent maintenant également comme psychorigide, ce qui est parfaitement exact aussi. Aux autres, notamment aux jeunes, je dis qu’ils se trompent. Que mai 68 a été aussi dramatique et désastreux que 1789. Qu’on ne se marie pas parce que l’on s’aime mais que l’on se marie pour s’aimer. J’en apporte la preuve avec mon époux, notre union date d’une quinzaine d’années et nos relations ont toujours été et sont toujours glaciales. Mais comptez sur moi pour ne jamais le reconnaître devant quiconque. C’est mon second mari. Le premier je l’ai essoré 20 ans durant avant qu’il ne lâche l’affaire. L’imbécile, un artiste fatalement fantaisiste, et si généreux et faible qu’il a accepté de prendre sur lui 100% des torts lors de notre divorce, tandis que vous imaginez bien que s’il y a une personne horrible dans ce fiasco c’est bien moi. Notre 3ème enfant, une fille, est pour partie autiste. Il est évident que la raison de ce problème est que lorsqu’elle est venue au monde et a vu et entendu ce qui se passait autour et au-dessus d’elle c’est-à-dire les relations sordides entre ses 2 parents, la malheureuse n’a eu assez de ses 4 mains afin de se boucher les yeux et les oreilles pour échapper à ce spectacle, ce qui a naturellement contribué à ses problèmes de développement. Mais vous pensez bien une fois encore que ce n’est jamais une chose que je reconnaîtrais, et surtout pas devant moi-même. De même que vous ne me soutirerez pas un mot sur son frère ainé, 40 ans, totalement caractériel. Récemment, chez lui, il a fichu son poing dans la figure de son père venu visiter ses petits-enfants, avant de le jeter sur le palier. Idem, ne comptez pas sur moi pour réfléchir une demi-seconde à cette histoire. Moi, une catholique de bon aloi, assistant à la messe et communiant pieusement chaque dimanche, également membre d’un groupe de discussions théologiques se réunissant une fois par mois, souvent chez moi c’est-à-dire dans le munificent château de mon second époux. Monsieur l’abbé (on dit "Mon Père") des différentes communes alentours mène et arbitre les débats de mes invité(e)s notables et l’ambiance est toute aussi glaciale que les relations que j’entretiens avec mon conjoint. Tandis que vous vous doutez bien que, organisée comme je suis j'ai mes bonnes œuvres, et que sortie de là jamais il ne me viendrait à l’esprit de tendre la moitié d’une main à mon prochain. Mais il suffit que je sorte l’atout secret de ma manche, la photo de ma mère sur mon iPhone pour que chacun me prenne pour une femme parfaite, comme elle. Elle qui n’était qu’une perverse narcissique de la pire espèce, qui a fait des dégâts considérables autour d’elle, à commencer par ses 5 enfants, son mari qu’elle a étouffé psychologiquement jusqu’il en décède à 48 ans. A 48 ans, cet être faible et second imbécile en était encore à déjeuner en cachette avec sa propre mère. Mais ma mère à moi cachait parfaitement son jeu et la plupart de ses connaissances la voyait comme une femme remarquable et parfaite. Admirabilis, tel elle le pensait d’elle-même, sérieuse comme une papesse. J’utilise le même stratagème. Et, outre la messe, le groupe théologique, les chasses à courre hebdomadaires de mon tendre et cher, mes plantations botaniques dans mes parterres, ne vous inquiétez surtout pas pour moi, j’ai bien d’autres repères. Par exemple je réserve mes travaux de couture quadri-annuels à la retransmission Eurosport des tournois de tennis des grands chelems. Je rapièce et raccommode, les yeux soigneusement posés sur mon ouvrage et ne les lève sur l’écran que lors des points importants. C’est ce que j’appelle aimer le tennis et regarder de près un match. Il va de soi que j’ai mes classeurs rigoureusement tenus à jour, avec les noms année après année des différents vainqueurs des différents tournois ainsi que des finalistes. Je surligne au stabylo vert les noms des joueurs ayant gagné au moins 3 grands chelems, au stabylo orange ceux qui en ont emporté plus de 5, au rouge ceux qui atteignent 10 etc… Bien entendu je ne sais ce qu’aimer peut bien vouloir signifier, si ce n’est le refuge des pitoyables et puériles peurs et angoisses qu’éprouvent par crainte de leur mort les êtres humains si frêles. Je suis totalement incapable de me mettre à la place d’un ou d’une autre et n’ai nullement l’intention de changer d’attitude. De même qu’il est parfaitement hors de question que je me remette une nanoseconde en question. Mon miroir me renvoie un visage sûr de lui et rassurant - les encore très rares avisés disent encore sec. Qu’importe, j’y suis comme je suis et j’y reste. Et comme la plupart des autres ne valent guère mieux que moi, nous irons tous au paradis, chacun pour soi et surtout pas pour un quelconque autre que lui.  

  

 

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Ancolies

02-07-2022

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Admirabilis appartient au recueil Nouvelles d'une vie

 

Tranche de Vie terminée ! Merci à Ancolies.

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