"Madame de Sévigné, un film d'époque" est une critique de film, Théatre, série mise en ligne par
"Paulette Pairoy-Dupré"..
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« Madame de Sévigné », un film d’époque
Mais voyez plutôt ce qu’en dit Madame de Viarmes à son amie Madame de Groslay …
Ma Tendre Amie,
Serait-ce d’avoir trop dansé au bal donné par le Roi pour le mariage du Duc de Bourgogne avec Marie Adélaïde de Savoie, d’avoir bu trop de rosé des Riceys ? Ou encore Monsieur du Plessis que j’avais éconduit, aurait-il à mon insu verser dans ma coupe quelque philtre d’oubli ? Dois-je y voir la main de Dieu et sa colère pour avoir médit sur Charles Sévigné qui honore son père en honorant celles qui furent ses maitresses ? Je ne sais … Toujours est -il, ma très Chère Amie, que la semaine écoulée, je fus projetée quelques heures dans le temps. Oui, vous avez bien lu ! J’étais ce jour- là fort mal, une colique fâcheuse, des flatuosités que je ne pouvais contenir. Il me semblait que l’on m’arrachait les entrailles. Brûlante de fièvre et trempée de sueur, je supportais l’intolérable. L’excès de douleurs était tel que je faisais des bonds dans mon lit. Je me sentis d’un coup au bord d’une autre vie et puis plus rien. Je me réveillai bien cotonneuse en l’an 2024. Oui, vous m’avez bien entendu ! Que je périsse à l’instant si je ne vous disais vrai ! Et dans une bien curieuse salle de divertissement ! Rien à voir avec la grande Salle de Comédie de Versailles, ou le Théâtre du Marais ou encore de l’Hôtel de Bourgogne, non, une gigantesque pièce toute sombre, avec des gradins comme dans un amphithéâtre, et des fauteuils très inconfortables fixés au sol. Dans pareilles circonstances, on eût pu entendre Mademoiselle de Scudéry s’écrier que ces fort laides commodités de la conversation étaient blessantes pour son charnu et froissaient sa friponne. Enfin, tout le monde de faire face à ce qui se nomme un écran, une sorte de gigantesque drap blanc sur lequel apparaissent des personnages et des paysages. Je ne saurais dire comment ça marche bien qu’il y ait là -dedans comme une énorme lanterne magique. En François du XXIème siècle c’est un cinéma. Il faudra que je vous rédige un petit glossaire de tous ces mots nouveaux que j’ai découverts dans cette autre époque. Et figurez -vous ma toute belle qu’on y ressuscitait feue notre charmante Madame de Sévigné. Je n’en croyais pas mes yeux. Peu s’en est fallu que je me pâme. Elle était bien là notre marquise, avec ses jupes bouffantes, son corsage aux courtes manches ornées de galants, ses petites frisures et sa gorge légèrement dénudée, ornée de bijoux. Et il y avait aussi Françoise et Charles, ses enfants, le Comte de Grignan, le Cardinal de Retz, La Rochefoucauld qui déclamait ses maximes sous le regard ébloui de sa chère Madame de Lafayette, Mademoiselle de Scudéry, Pomponne et bien d'autres encore. Dans cette salle avec autour de moi tous ces gens vêtus comme des manants, sur ce grand drap blanc avec des gens de notre temps, je me demandais ce qui allait se passer. C’est alors que je compris. Nous devions ce divertissement, pardon ce film à une certaine dame Isabelle Brocard. Nous savions tous que Madame de Sévigné avait la plume facile, drôle, rebelle, badine et parfois virulente. Nous n’étions pas sans ignorer qu’elle écrivait à sa fille exilée en Provence où le roi avait nommé son mari gouverneur. Mais nous étions loin d’imaginer que toutes ces lettres, près de sept cents me suis-je laissé dire feraient d’elle une grande écrivaine, une épistolière renommée. Car figurez -vous que c’est sa petite- fillotte qui les fit publier vers 1725. Sachez donc que cette Dame Brocard s’appliqua à déceler dans cette correspondance ce qui empoisonna la vie de Françoise, l’amour passionnel, possessif, dévastateur, aliénant de sa mère. Cette dame s’est aussi penchée sur notre condition de femme, comme d’ailleurs notre chère Marie qui voulait que sa fille soit « heureuse, indépendante et maîtresse de sa destinée. » Mais le destin en décida autrement puisqu’elle fut contrainte d’épouser le vieux François Adhémar de Monteil de Grignan, deux fois veuf et ruiné, à qui elle apporta une coquette dot. Je parlais du destin des femmes. Ce n’est un secret pour personne que notre marquise fut mal aimée, blessée par les hommes, presque ruinée par son mari tué dans un duel pour sa maîtresse. Elle souhaitait une vie toute autre pour son petit ange de Françoise et ne supportait pas l’idée que cette dernière puisse appartenir au comte, se consacrer à lui corps et âme. Encore moins accepta-t-elle les nombreuses maternités de sa fille, « le grand péril » car il est vrai que plus d’une meurt en couches. J’ai cru entendre, qu’en 2024, on ne meurt plus d’enfanter. C’est une vie étrange que celle de ce siècle. La femme n’a plus à s’excuser d’avoir mis au monde une fille. Les jeunes filles ne sont plus envoyées au couvent pour que leur père n’ait pas le débours d’une dot et les femmes sont libres de leur corps. Imaginez ma toute belle, qu’en ce moment dans ce pays, de grossesses on parle beaucoup. Que je n’oublie pas de vous dire quelques mots de Bussy Rabutin. Nous étions loin de tout savoir sur lui. On le connaissait libertin, amoureux de toutes les femmes, avec un goût très vif pour celles mariées, très proche de sa cousine avec laquelle il avait des souvenirs de jeunesse joyeuse et turbulente. Mais saviez- vous qu’il était loin d’être indifférent à Marie, en un mot comme en deux, elle le trouvait irrésistible. Allez savoir ! N’avait-il point ces travers qu’elle détestait chez les hommes ? Une femme bien curieuse tout de même, très courtisée, toujours flattée d’être regardée, séductrice à ses heures mais dont Grignan qui un temps la convoita, avoua qu’il avait moins peur d’un tigre que de Madame de Sévigné. Quant à Bussy Rabutin, il trouvait « qu’elle faisait mieux l’amitié que l’amour. » Voyez comme j’appris bien des choses dans ce divertissement ! Il fut aussi question de la guerre, de la révolte des paysans écrasés d’impôts, de la vie à la cour, du salon de Madame de Lafayette … J’avoue que le rendu était exceptionnel, les décors sublimes, ce qu’ils nomment prises de vue, magnifiques. Je n’avais jamais vu le château de Grignan dans la Drôme provençale. Il est somptueux, celui des Rochers à Vitré aussi. J’en oubliai l’obscurité et l’inconfort de mon fauteuil ! On y jouait de la belle musique composée par Florencia di Concilio avec flûte traversière et guitare et une petite jeunette qui chantait joliment au son du luth. On entendait des bruits aussi, les sabots des chevaux sur les pavés, le cri des cochers, le crépitement du feu dans la cheminée, le crissement de la plume sur le parchemin, le craquement du cachet de cire que l’on rompt pour ouvrir le message. C’était enchanteur. Les comédiens étaient brillants. Pour sûr leurs noms ne vous diraient rien mais dans cette époque on les dit talentueux et ils le sont : Karine Viard, Ana Girardot, Noémie Lvovsky, Robin Renucci, Cédric Khan, Laurent Grevill, Alain Libolt, la délicieuse petite personne, Cyrille Mairesse et un certain Antoine Prudhomme de la Boussinière dont j’ignore le pédigré. Karine Viard était on ne peut plus charmante, naturelle. Elle parlait bien, elle parlait juste. Son visage attirait les regards et son esprit charmait les oreilles comme aurait dit Mademoiselle de Scudéry à moins que ce ne fut Madame de Lafayette. Vous auriez trouvé Ana Girardot sémillante, très sensuelle sans compter que la tenue lui sied à ravir. Le Cardinal de Retz que « l’habit religieux n’a jamais empêché de combler ses désirs » avait l’œil suffisamment lubrique et la main coquine. La petite personne, qui servit de secrétaire à Marie lorsqu’elle tomba malade, était ravissante, d’une fraîcheur exquise, le sourire franc, toujours la bonne répartie au bon moment. Ah notre chère marquise, ma petite aventure dans le temps m’enseigna combien elle restera un témoin de notre époque. Je voudrais ma Tendre Amie que vous eussiez vu ce spectacle ! Votre fidèle amie, Madame de Viarmes
CR/PPD 5 mars 2024
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Madame de Sévigné, un film d'époque
n'appartient à aucun recueil
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