"Boléro, un film d'Anne Fontaine" est une critique de film, Théatre, série mise en ligne par
"Paulette Pairoy-Dupré"..
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« Boléro » un film d’Anne Fontaine
Un spectacle magnifique, envoûtant, explosif comme peut l’être le chef œuvre musical de Maurice Ravel ! Anne Fontaine, dote le film d’une belle distribution : Rafaël Personnaz, Doria Tillier, Jeanne Balibar, Emmanuelle Devos, Sophie Guillemin, Vincent Perez, Anne Alvaro… La réalisatrice s’intéresse à la vie du compositeur de 1928, date à laquelle il composa le Boléro jusqu’à sa mort en 1937. Elle nous invite à feuilleter les pages de sa vie : ses échecs au Prix de Rome, sa relation fusionnelle avec sa mère, la guerre, le naufrage de sa vie amoureuse, sa tournée aux Etats Unis, sa découverte du jazz. Elle enquête sur comment une œuvre nait de la main et de l’esprit d’un homme. La vie de Maurice Ravel ne fut que musique. Il l’entendait partout et puisait son inspiration dans des lieux ou avec des objets des plus insolites : la nature, une usine, le froissement de gants de velours, le grincement d’un parquet ou la pluie sur les tuiles d’un toit. « Tous les sons, tous les bruits deviennent musique. » Il était habité par la musique. Le Boléro est une musique de ballet pour orchestre en ut majeur composée en 1928 à la demande de l’exubérante danseuse russe Ida Rubinstein. Maurice Ravel n’eut que trois mois pour le composer car la danseuse avait réservé l’Opéra et fait éditer les programmes en même temps que sa commande. Il s’y attela au retour de sa tournée américaine. C’est une musique aux sonorités hispanisantes, un mouvement de danse au rythme simple et répétitif, un crescendo de plus en plus fort avec de plus en plus d’instruments au point d’en devenir obsessionnel. Au début de l’œuvre, on perçoit seulement une flûte puis peu à peu tous les instruments de l’orchestre. Ida dansa sur une table dans une taverne espagnole, entourée d’une vingtaine d’hommes. Le Boléro reçut un accueil très favorable de la presse nationale au lendemain de sa création. Un musicologue et historien de l’époque, Henri de Curzon, décrivit la première en ces termes : « Une posada, à peine éclairée. Le long des murs, dans l’ombre, des buveurs attablés, qui causent entre eux ; au centre, une grande table, sur laquelle la danseuse essaie un pas. Avec une certaine noblesse d’abord, ce pas s’affermit, répète un rythme… Les buveurs n’y prêtent aucune attention, mais, peu à peu, leurs oreilles se dressent, leurs yeux s’animent. Peu à peu, l’obsession du rythme les gagne ; ils se lèvent, ils s’approchent, ils entourent la table, ils s’enfièvrent autour de la danseuse... qui finit en apothéose. Nous étions un peu comme les buveurs, ce soir de novembre 1928. Nous ne saisissions pas d’abord le sens de la chose ; puis nous en avons compris l’esprit. »
Outre l’œuvre maîtresse, Anne Fontaine nous présente un homme secret et mystérieux, délicat, sensible, très introverti, toujours tiré à quatre épingles, un homme aux manies de vieux célibataire qui ne pouvait diriger l’orchestre que s’il avait aux pieds des souliers vernis. Une vie étonnante qui semble contraster avec sa musique, notamment Le Boléro qui est une œuvre charnelle, lancinante, érotique voire orgasmique. Marguerite Long, pianiste de renom, enseignante au conservatoire de Paris et grande amie du compositeur remarquera « Vous avez libéré votre nature volcanique. » Le film a été tourné en partie au Belvédère, maison de Maurice Ravel à Montfort l’Amaury, une maison à la lisière de la forêt de Rambouillet, loin de la vie parisienne trépidante, une maison à son image, petite comme lui, méticuleusement organisée, dans laquelle il vivait en ermite. Les scènes de bord de mer ont elles été réalisées en Bretagne, supposées représenter la vie de Ravel sur la côte basque dont sa mère était originaire. Mais la réalisatrice nous promène aussi dans les salons parisiens des années folles et dans un New York brumeux à la tombée de la nuit. Le film se termine en noir et blanc comme les touches du piano, les blanches octaves et les noires dièses ou bémols, le compositeur sur son lit de mort, en smoking et nœud papillon blanc, les photos des femmes qui ont fait sa vie : sa mère, Ida Rubinstein, sa muse Misia Sert, sa gouvernante, Marguerite Long et en final le compositeur dirigeant l’orchestre avec en arrière -plan, les sauts spectaculaires du danseur étoile de l’Opéra, François Alu. Certains ont vu dans le film quelques longueurs. Peut- être ! Mais ne reflètent-elles pas une certaine lenteur du compositeur à se mettre à l’ouvrage. En tous cas elles nous permettent d’apprécier d’autres compositions comme la pavane pour une infante défunte ou encore le concerto pour piano en sol majeur dédié à son amie Marguerite Long. Jeanne Balibar qui dans sa jeunesse rêvait d’être danseuse campe merveilleusement bien l’audacieuse et provocante danseuse étoile des ballets russes dont la sensualité et la voix suave firent tourner les têtes. Raphael Personnaz magistral dans le premier rôle se glisse dans le costume de Ravel au point d’habiter le compositeur et bien sûr porte le film. Il s’est remis au piano pour l’occasion et partage le clavier avec le virtuose Alexandre Tharaud qui incarne aussi le critique musical, Pierre Lalo. Doria Tillier interprète brillamment la flamboyante Misia Sert, l’amour platonique de Ravel, sa muse, flaireuse de talents et racoleuse de génies. Emmanuelle Devos joue le rôle de Marguerite Long et Anne Alvaro, la mère bienveillante du compositeur. Le Boléro, Ravel ne l’aimait pas « Je n'ai écrit qu'un seul chef-d'œuvre, le Boléro, malheureusement il ne contient pas de musique » dira-t-il. Et pourtant le boléro est devenu un tube planétaire, adapté pour tous les styles de musique, tous les instruments même l’harmonica, utilisé au cinéma, orchestré et dansé par les plus grands. « Il ne se passe pas un quart d’heure sans que le Boléro ne soit joué quelque part dans le monde. » Un film à voir !
Mars 2024, CR/PPD
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Boléro, un film d'Anne Fontaine
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