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Les âmes à la mer - Texte

Texte "Les âmes à la mer" est un texte mis en ligne par "Ancolies"..

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Les âmes à la mer

 

« Un beau matin, on vient au monde, le monde n’en sait rien, puis on grandit, on recommence la danse de la vie… ». Ainsi chantait sur son album primal Maxime Le Forestier. C’est ainsi : sans rien avoir demandé ni à Dieu ni à Diable, nous passons du néant au statut de fœtus bouche cousue puis d’être humain. Au début il y a - ou pas - nos parents. Avec un peu de pot ils sont aimants et tentent de comprendre qui est leur enfant pour l’accompagner au mieux dans son développement. Cela prouve qu'ils ont compris le poème hindou "Vos enfants ne sont pas vos enfants". D’autres fois, d'autres naissances, tu tombes pas de pot chez des branques de première, des névrosés pas possibles qui te refilent toute la purée. Ça ! t’en auras du boulot pour tout déconstruire et tout reconstruire à partir de tes propres observations, au cas où, pas si évident, il te viendrait à l’idée de le faire, des fois que ça serait mieux. Bon, mais nous voici donc dans le grand bain où les règles sont impitoyables. En Occident, et ailleurs également, au Japon notamment, la règle ce n‘est pas Prends un enfant par la main, ce n’est même plus Marches ou crèves c’est Gagnes ou crèves. Oui, nous voici dans le grand bain, dérisoires petits bouchons prêts à être ballotés au gré des humeurs du ciel, ballotés au gré des caprices du vent, de la marée et des flots. Que fichons-nous donc là ? Des 3 ans, dès la crèche, nous découvrons l’absurdie du monde. Cela ne s’arrange pas à l’école. Où nous nous rendons comme en exil, années mortelles où tout nous vole, nous avale. Là on nous formate. L’Histoire est trafiquée ou pas, la géographie colonialisée. C’est comme ci, pas comme ça, fais pas ci fais pas ça. Pour faire de nous de bons petits soldats de la pensée uniformisée. On nous apprend à dépenser, dans le sens faire le contraire de penser par soi-même. Panurge s’appellent nos professeurs (ce n’est pas leur faute, eux aussi avaient des parents et des maîtres d'écoles). Sauf les exceptions, il y a toujours et c’est heureux des exceptions. Des maîtres meilleurs que d’autres qui te font comprendre les rouages. Hélas ils sont rares. Perso j’ai dû attendre la terminale pour rencontrer un vrai prof de maths, une vraie prof de maths. Avec elle, cette matière n’était plus une abstraction. Les ellipses et les ordonnées devenaient vivants. La terminale, un peu tard quand ses parents t’obligent à passer un bac C (maths) avec pour seuls objectifs Polytechnique ou l’ENA (quand en fait t’es un littéraire mais qu’importe). Un prof de l’ENA justement a demandé à ses élèves Pourquoi êtes-vous là ? Sans hésitations ils ont répondu Parce que nous sommes les meilleurs. Faux, a rétorqué le prof. Si vous étiez les meilleurs vous ne seriez pas là, à 26 ou 28 ans sur les bancs d’un amphi. Vous auriez déjà fait votre truc, votre vie. Ah ! on a sauté les années d’adolescence. Pas joyeux ça l’adolescence, l’acné pour les malchanceux, la libido mystérieuse et maladroite pour tout le monde. Et le rejet. Ah ça fait du bien un bon coup de rejet. De rejets. Mais trop tard pour foutre en l’air, amour bizarre, bel amer, rencard cafard concert. On croit qu’on le fait mais oui, trop tard, nous sommes conditionnés pour cela aussi. On écoute selon époques les Stones ou les Sex Pistols ou Depeche Mode pendant 5 ans et voilà, on croit qu’on a fait le boulot, qu’on est émancipé. Pauvres imbéciles, c’est bien trop ancré, nous somme et restons des bourgeois de la pensée unique et nous nous débattons comme des mouches, comme les copains dans ce grand bain. Tout ça est du politiquement, du socialement correct. Certains choisissent la délinquance. Ils ne sont pas moins paumés que les autres pour autant. La vie, c’est une machine à salir, rendez-vous tous les soirs au z’enzyme-bar. Ah ça, pour peu que tu aies un peu de jugeote tu t’en poseras des questions, le Bien, l’origine et le pourquoi du Mal, de la souffrance, l’existence d’un Dieu bienveillant alors que nous subissons vacherie sur vacherie, ah ça non t’es pas sorti de l’auberge et ça dure longtemps, longtemps. Sûr on apprend (un peu, faut pas exagérer), on refait pas - quoique ! - toujours les mêmes erreurs, on finit par exemple si on est mélancolique par arrêter avec le temps de prendre toute la misère du monde sur ses épaules, oui on apprend un peu à dissocier. On dit communément que c’est compliqué, je crois que c’est plus difficile que compliqué. La simplicité est une vertu lente et difficile à acquérir mais si par chance - et désir et volonté - on y parvient, la vie devient bien plus fluide et facile, on arrête de se prendre la tête pour des conneries, des broutilles, vraiment des broutilles sans blague. Ouais, ça devrait être comme cela mais ce n’est pas tellement ce que l’on observe autour de soi, pas vrai ?! Ah oui et c’est pas nouveau, et puis si tous les vieux savaient à 20 ans ce qu’ils savent à 60, 70, 80… la vie serait beaucoup plus encore une fois simple et harmonieuse. Une vie si long si court, cours toujours mon ami tu m'intéresses, t’échapperas pas à la fin, la délivrance selon moi, quel que soit ce que en quoi on croit ou pas. C’est dans la page de mon premier livre, Plutôt la Vie : c’est pas la mort le problème, c’est la vie, la maladie de la vie. T’es vivant t’es malade c’est normal, tu seras guéri quand tu seras mort mon pote. Donc c’est pas la peine d’attendre sans fin la fin des bobos, attendre un mieux en toutes choses qui n’arrivera jamais pour commencer à vivre, la valse a déjà commencé. Perso les salles d’attente j’ai arrêté, on perd tout son temps avec ces machoins, ouais ces machoins. Les médecins sont en général bien gentils mais un peu lourds souvent. D’ailleurs l’un des objectifs de la médecine et de la science est de prolonger la vie humaine. Grands Dieux pour quoi faire. Laisse faire et rame, voilà le truc. Ce n’est pas compliqué, on fait son boulot et on regarde le score s’afficher. Marre de vos prises de tête polyvalement inutiles. On est né c’est comme ça pour être ballotté par les humeurs du temps, se prendre plein de flotte dans la tronche quand le vent est de travers, renversé sur le pont ou dans le carré par la tempête, rester humble et patient dans le calme plat etc… Laisse faire c’est tout, une fois que t’as choisi de faire usage de ton libre-arbitre bien entendu. Ah ça, si tu l’utilises pas ce truc-là, ton libre arbitre, alors t’étonnes pas si tout va de traviole. Note que si tu te sens enfin à peu près ok dans ta peau, tout ce monde va tout de traviole nonobstant mais tu ne t’en étonnes plus. Tu fais ta vie la plus droite, la plus intègre, la plus éthique que tu puisses et tu remplis ton contrat dicté par la Bible ou le simple bon sens : qu’as-tu fait de ton talent. Même et loin s’en faut si j’ai pas toujours été exemplaire, fièrement et prétentieusement moi je peux y répondre à cette question. Oui j’ai fait ça, ça et ça, et c’était des trucs biens. Je le sais, j’ignore le mal. C’est comme ça voilà tout. Je suis donc une proie rêvée pour les prédateurs et ils ne se sont pas gênés. A chaque fois ça me surprend, à retardement, je n’avais rien soupçonné avant. Dieu que j’aurai été escroqué ! C’est pas terrible mais je préfère cette position relativement à mon approche du monde. Je n’ai pas envie d’être un paranoïaque aigri avant l’âge qui adopte d’emblée une position de défiance face à tout un chacun. Cette posture-là m‘emmerde, ce n’est pas le rapport que je veux à la vie et je l’aurai payé et pas qu’une fois cher. T’es trop con je me dis, une véritable poire. Ainsi va la vie, ainsi allons-nous, vaille que vaille. Voiles qui fasseyent, corps qui s’écaillent, voix qui s’éraillent, plaisirs et déplaisir sans gouvernail. Et les adultes, ai-je suffisamment parlé des adultes ? Mes préférés ceux-là. Les adultes : un mot pour les mômes ça, qui croient que ces grands-là savent ce qu’ils font tandis qu’ils vont à l’aveuglette de n’importe quoi en n’importe quoi. Les adultes ! Tous des ados mal dégrossis. En majorité incapables de tenir un cap. L’amour : la belle affaire ! Le méli-mélo, le sac de nœuds que nous sommes capables de produire, tous des ados vous-dis-je. Et la libido, cette chienlit de libido qui fout les trois quarts des trucs en l’air. Gouvernés par son pantalon, par les jeux de séduction, voilà la situation. C’est mature et grand et élevé n’est-ce pas ?! Alors voguez mes oiseaux, alors voguez mes agneaux, voguez dans vos beaux bateaux, c’est qui qu’aura qu’aura le plus gros ? C’est comme ça que ça marche, les grosses bites, les grosses tires, les champions en fric, je vous le dis, tous des extra-termites. Ah ! Et le malheur des alcoolos, vous y avez pensé à ça, à leur foutue prison. Sous ses rires tonitruants ou égrillards, l’alcool rend malheureux. Profondément, très profondément malheureux. Et si d’aventure un bienheureux parvient à s’en sortir, il fait la rencontre de l’euphorie, la liberté retrouvée. Incroyable, formidable, fini de se cacher et de mentir tout le temps à ceux qu’on aime et aux autres. Et ceux qui vous aimaient vous aiment-ils toujours ? Vous les rendiez malheureux aussi, c’était pas la même douleur mais c’était le même dool. Oui, cool Papa cool, on n’est pas fait du même moule, toi t'es rocher moi pierre qui roule, on ne choisit pas. Ça c’est Cabrel, une de ses chansons de jeunesse. C’est pas parce que ton monde s’écroule qu’il faut que tu tires sur la foule tout autour de toi. Oui, ici on parle de naviguer, tous naviguer à vue chacun dans son yacht ou son frêle esquif de bois, supporter les tempêtes ou le calme plat de cette chienne de vie à laquelle on n’a à la base rien demandé. A 48 ans, à l’âge où est mort mon père, il déjeunait en cachette avec sa mère. En cachette de ma mère, la perverse narcissique en chef. Il était trop faible pour faire face à cette reine des fines mouches, il ne savait pas taper du poing sur la table et les mettre sur les i. Je m’en suis chargé pour lui bien des années plus tard et hop ! comme par magie, vous haussez le ton et la perverse narcissique chope la trouille bleue et il n’y a plus personne. Elle aussi avait eu sa barque à mener, benjamine de 4 filles avec une mère veuve durant la seconde guerre mondiale. Et  c‘était un peu chacun pour soi et elle, la petite dernière, un peu laissée pour le compte. C’est pour cela qu’elle avait sa revanche à prendre, avoir un mari plus réussi que ceux de ses sœurs ainées, des enfants plus réussis, un appartement plus réussi, des diners bridge mondains plus réussis… Et cette revanche s’étendait par tache d’huile à toutes les femmes de la terre. Ce n’était pas beau à voir ni à vivre. Ses enfants étaient ses singes savants et il fallait surtout cacher leurs défauts ou leurs manques qui auraient terni son image de femme parfaite. T’as eu des mauvaises notes à l’école ! non t’as eu les meilleures notes de l’école chez tes oncles, tantes, cousins, cousines. Le linge sale bien en famille. A coups de cravache généreusement distribués par mon père le samedi après le déjeuner à la lecture des bulletins scolaires. Ma mère : elle nous, nous ses rejetons, faisait apprendre par cœur et à coups de triques les noms et les dates de règne et les épouses des monarques français, idem pour les chefs-lieux des départements, la musique classique… Puis elle organisait des goûters culturels avec nos petits camarades d’école (de notre milieu social s'entend) et nos cousins cousines et on jouait aux questions sur les rois de France, les chefs-lieux des départements, à reconnaître l’andante du 21ème concerto de Mozart… Evidemment, nous ses enfants on l’emportait haut la main. Preuve était qu’elle était la meilleure mère, la femme parfaite. Pfffttt… les autres s’y prennent comme de pauvres manches, disait-elle. Et qu’en pensions-nous, ses enfants ? Croyez-vous donc qu’elle s’embarrassait de ce type de détails ? Eh oui, sa traversée à elle fut difficile. Je m’en foutais, cette femme était une étrangère pour moi. Et n’oubliez pas que les carences affectives de l’enfance sont le terreau des futures addictions. Oui j’ai donné plus, bien plus même qu’à mon tour. Mais je me suis débarrassé de tout, j’ai fait ça, moi qui vous parle. J’ai traversé l’Atlantique également, en course à 5 gars sur un 18 mètres, sans compter la Manche, la Méditerranée, la Mer Egée. Ça c’est mon parcours. J’ai traversé la pub, le rock’n’roll, le bâtiment, l’homme de ménage, l’aide-soignant en maison de retraite…, bref un nombre suffisamment important de métiers petits ou grands pour remplir un maousse chapitre de mon second « essai autobiographique », très justement titré La Joie Mélancolique. Eh oui, que pouvait engendrer une telle femme ? Selon moi, je m’en suis bien sorti mais j’ai mis le temps. Un temps pour subir, un temps pour réfléchir, un temps pour s’enfuir, un temps pour comme je le disais tout déconstruire et tout reconstruire. Fallait tout balayer, fallait rien garder, contrairement à l’héroïne de Brassens chez laquelle tout est bon chez elle, il n’y a rien à jeter, sur l’île déserte il faut tout emporter. Moi rien, je ne veux rien de toi. De vous, bien sûr on lui disait vous, à ma mère. D’ailleurs même mes parents se vouvoyaient entre eux. Familles, écoles, machines à salir. Famille, travail, patrie, et tourne la machine ! Nous naissons vierges et purs et, en 2 temps 3 mouvements, entre famille et école oui, nous voici salis, souillés, pollués, corrompus à vie. Encore une fois sauf les exceptions, trop rares, bien trop rares. Rêvons d’un monde fait d’exceptions, réécoutons Imagine de Lennon. Sa femme Yoko est en train de faire les démarches pour se voir attribuer une partie de la paternité du texte. A juste titre c’est sûr. Même si quasi tout le monde, moi compris la déteste (Yoko ? Oh no !) en tant que responsable de la séparation des Scarabées, il faut lui reconnaître que c’est elle qui a éveillé la conscience sociale et humaine de son mari. Fallait pas la jouer à flamber, quand on n’a que ses yeux pour pleurer, car avec nous y’a pas d’amour tu dois toujours t’attendre au pire, tu files ton blé sans rien dire, t’as pas le choix, faut pas réfléchir, tu payes ou tu te fais démolir, te plains pas, t’es gâté, t’es né du bon côté, il te restera toujours bien assez. Ça c’est d’un certain Fred Blondin, un rocker français de seconde zone pour lequel j’ai écrit les paroles de quelques chansons. Dégoûté, fatigué, lassé, usé, il était chauffeur de personnes âgées lorsqu’un producteur l’a récupéré par le col élimé pour le faire rechanter de sa voix éraillée. Ça m’a rapporté quelques euros mais, bien qu’il m’eût assuré que ma carrière de parolier était faite, le dit producteur m’a jeté parce que je n’ai pas joué le rôle du laquais et du courtisan dans la grande petite courre du show-biz. Non je ne suis pas un courtisan. Moi j’ai le vrai pouvoir, celui de la relation, être capable de parler aussi bien avec un sdf qu’un banquier. Où ça m’a mené ? A ce que je voulais, la solitude. Il navigue en solitaire, et nul ne l’oblige à se taire, il chante la terre. A attendre que le temps me vide, me sorte de ma coquille, comme un œuf, comme un chien, dans ce jeu de quilles, je sais d’où je viens. Et je le renie. C’est moi qui le renie mais rendons à Jules ce qui est à Jules, ces phrases c’est du Manset. Les âmes à la mer ?! Il y a aussi le bluesman Paul Personne : Regarde là-bas, c’est Barjoland, le jeu de massacre est gratuit, le coin où tout l’ monde se dit j’ t’aime mais où tous les coups sont permis. Matelots, marins ou bien terriens, nous sommes tous des âmes à la mer. Ce n’est pas seulement pour les chiens que Dieu a créé l’eau et les océans. Nous sommes tous et toutes fils et filles du néant. A devoir se démerder seuls dans ce grand merdier comme des grands. Ils sont combien qui y parviennent correctement ? Bah, sortez une poignée de doigts pour compter. Mais si, vous avez suffisamment de mains. Quel fleuve est-il, quelle vallée est-elle ? Le jour se lève et c’est la fin.   

   

 

 

 

 

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Ancolies

06-11-2023

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Les âmes à la mer appartient au recueil Nouvelles du monde

 

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