La clé Pavot - Grand Scénario ou Pièce de théâtre

SCENE 3

MARIE, MAX, LOUIS puis YANN, ADELE.

LEVER DE RIDEAU

Max et Marie sont près du coffre. Louis les observe.

MARIE. - J’ai terminé.

MAX. - Bon, je referme le coffre.

Max referme le coffre, puis tombe le tableau en voulant le remettre.

LOUIS. - N’abîme pas le tableau ! C’est une peinture d’Alice.

MARIE. - Pas étonnant. C’est son autoportrait ?

LOUIS. – Parfois je me demande…

MAX. - Vous avez remarqué ?

MARIE et LOUIS. - Quoi ?

MAX, montrant le tableau tourné de 90 degrés. - Comme ceci, on dirait un trou de serrure. Suis-je le seul à l’avoir remarqué ?

LOUIS. - Faut croire que oui…

MARIE. - C’est ton obsession des clés et des serrures qui reprend le dessus !

MAX. – En quoi est-ce un vice ? Bon, ce n’est pas une vertu non plus… Allez, on boit un dernier verre avant de disparaître ! (Fort.) Les enfants !

Arrivent Adèle en sous-vêtements l’écharpe autour du cou et Yann.

MARIE. - Ne me dîtes pas que vous avez encore joué au strip poker !

ADELE. - Ben, c’est qu’on n’avait pas terminé tout à l’heure.

MARIE. – (À Adèle.) Tu peux garder l’écharpe, Adèle. Je te la donne. Elle risquerait de te faire défaut…

MAX. - Et Yann était en train de gagner ? Comme quoi tout arrive ! (À Louis.) Que nous proposes-tu comme boisson pour fêter notre départ ? Après tout, tu es notre hôte même si on t’a un peu forcé la main !

LOUIS. – Pour changer du jus de papaye, il y a du bon vin à la cave. Les vins les plus prestigieux sont au fond à droite. Il faut monter sur un petit escabeau.

YANN. - Compris ! Adèle, tu m’accompagnes ?

ADELE. - Je risque de prendre froid. T’as peur dans le noir ?

YANN. - Beuh !

Yann sort en direction de la cave.

ADELE. - Bon, je retourne me rhabiller. Je crois que nous ne finirons pas la partie aujourd’hui.

Adèle retourne à la chambre.

MAX. - Je suis tout de même déçu de n’avoir pas pu complètement déjouer les plans d’Aigle-fin.

MARIE. - C’est marrant ce nom de morue. Ça me fait penser également à aigrefin, un nom qui lui va bien aussi.

LOUIS. - Ben, l’aiglefin, de par sa nature, ça apprécie beaucoup le liquide !

MAX. – Exactement ! Il y a comme une parenté.

LOUIS. – Faut que je me calme. J’arrive à en oublier qu’on est en train de parler de ma femme. J’arrête avec ça sinon j’aurais toutes les peines du monde à la regarder en face.

MAX. - Ou de profil… Bon, tant pis pour le brevet ! Nous ne sommes pas complètement bredouilles, c’est déjà bien.

MARIE. – Bredouille est un terme exagéré. (À Max.) Un petit conseil : surveille tout de même Yann pour ne pas hypothéquer ton patrimoine.

MAX. – Je pense qu’il peut être raisonnable quand il veut. L’expérience d’aujourd’hui devrait l’y aider. Mais je suivrai ton conseil ; je ne relâcherai pas ma surveillance.

Adèle revient puis Yann avec deux bouteilles de vin.

YANN. - J’ai trouvé ça, un Château-La Frite et un Mouton euh…

ADELE. – Rothschild ?

LOUIS. - Ah tiens ? Il restait un Château-LaFri… euh Lafitte. J’étais pourtant persuadé l’avoir déjà siphonné. J'en avais une autre bouteille en Bourgogne. L'aurais-tu par hasard remarquée, hein, Max ?

MAX. - Très bien. Et même, j'avoue avoir eu une petite tentation. Allez ! Va pour le vin belge, si je puis dire !

MARIE. - J’ai bien envie de savoir quel goût ça a, vu sa renommée.

YANN. - Ah ? Bon, il me faut un tire-bouchon. (Il part au bar pour ouvrir la bouteille, puis pop ! pendant qu’Adèle met les verres.)

Les femmes d’abord. (Il croit verser du vin mais rien ne sort, il secoue). Ben, y’a quoi dedans, des frites ? (Un bout de papier dépasse.)

MAX. - Non ? Ce n’est pas possible !!! C’est le seul endroit où je n’ai pas eu l’idée de chercher !

MARIE. – Ce sont tes brevets ?

MAX. - Oui, mes brevets !

LOUIS. - Ça explique tout ! J’étais sûr avoir bu la dernière bouteille !

ADELE. - Aigle-fin l’a donc utilisée comme cachette ! C’est subtil !

Max déroule les papiers et les observe.

YANN. - Bon. Il reste l’autre bouteille. S’il y a encore du papier dedans, ce n’est plus une cave en bas mais une bibliothèque ! Allez, j’ouvre le Mouton Roch-tilde. (Il part ouvrir la bouteille.) Oh ! (Tout le monde le regarde.) Du vin !

MAX. - Je n’aurais jamais imaginé boire du Mouton Rothschild en second choix… (Il remet les papiers dans la bouteille.) Écoutez tous ! J’ai pris une décision qui va peut-être vous surprendre. (Pause.) Je laisse finalement le brevet à Alice.

ADELE. - Pourquoi ? Après ce qu’elle t’a fait…

MAX. - Tout simplement parce que je l’admire. Alice fait des merveilles. Et d’une certaine façon, elle m’a enlevé l’épine du pied. Elle a su transformer mon idée en or. Moi, tout au plus j’aurais eu mon pied avec le Lépine. J’aurais galéré à concrétiser mes brevets avec un commerce aventureux. Tout ça pour finir ruiné peut-être ou désabusé. C’est malheureusement le lot de beaucoup trop d’inventeurs. Notamment, j’ai en mémoire l’inventeur du presse-purée. Finir comme cela, réduit en purée par sa propre invention, non merci !

YANN. – Purée !

MAX. - Je suis soulagé et épanoui aujourd’hui et j’ai envie de prendre de longues vacances.

LOUIS. - (À Max.) Je considère ton geste comme généreux. Mais je te propose, et ceci est valable pour tous, l’hospitalité en cas de coup dur ou simplement pour le plaisir de se retrouver entre amis et… occasionnellement refaire le plein. En l’absence d’Alice, cela s’entend ! (Rires.)

Alice a beaucoup de qualités mais elle a un gros défaut : elle n’est pas partageuse.

ADELE. - En gros, on est là juste pour l’aider à être un peu plus généreuse !

LOUIS. – Exactement ! Mais n’oubliez pas que vous méritez votre part du gâteau ! Moi, un peu moins, d’ailleurs…

MAX. – Je porte un toast à notre amitié. Nous avons par cette épreuve scellé un lien durable et - je l’espère - indéfectible. L’union fait la force et nous l’avons démontré ce soir.

Bon, je crois qu’il est bientôt temps de prendre congé.

MARIE. - (À Max et à Yann.) Je descends dans le sud. J’ai trois places dans ma voiture. Ça vous tente ?

ADELE. - Je pars aussi ! Je prends une année sabbatique, minimum. Et l’Italie, ça me botte.

YANN. - Super !

MAX. - Les enfants, et si vous preniez l’autocar ? Vous les jeunes seriez mieux entre vous. (Petit clin d’œil à Yann.)

YANN. – OK. Adèle ?

ADELE. - C’est bon pour moi !

YANN. – Cool…

MARIE. - Parfait !

LOUIS. - Et moi ?

MARIE. – Ah ! J’allais oublier… (Elle lui tend la montre.) Je te rends ta montre. (Il la prend.) Ou je te l’offre une seconde fois. Comme tu veux.

LOUIS. - Dorénavant je la porterai en souvenir de toi. Si Alice s'avise de me demander d'où elle provient, je lui dirai, je lui dirai…

YANN. - De la boîte à outils !

MARIE. - (A Louis.) Allez, console-toi ! Aigle-fin t’attend impatiemment. Tu lui raconteras ton escapade niçoise. Et pas de salades !

MAX. - Nice, ses chatons, ses palmiers, sa tour Eiffel…

ADELE. - Ses anglais qu’on envoie promener…

MAX. - Allez ! On boit à l’amitié et au soleil !

Tout le monde lève son verre.

ADELE. - À la liberté ! Louis, Alice ne te tient plus par…

TOUS. – Le bout du nez !

RIDEAU