La clé Pavot - Grand Scénario ou Pièce de théâtre

SCENE 2

ADELE, YANN

LEVER DE RIDEAU

Yann et Adèle sortent du bureau. Yann tient le sac de golf, Adèle, une balle.

ADELE. - C’était bien Curaçao, le post-it bleu. Avec ce que m’a viré maman, je vais pouvoir remplir un bassin olympique de liqueur.

YANN, montrant le sac. - Tu vois, je suis ton caddie.

ADELE. - Pfft. Maintenant que tu es riche tu peux t’offrir ton propre caddie.

YANN. - Bof. Je voulais être ton caddie. Bon, alors je vais embaucher quelqu’un ou même dresser un chien pour ça.

ADELE. - Les chiens sont interdits au golf. Ils ont la fâcheuse habitude de ramener les balles. Ce n’est pas exactement le but désiré.

YANN. - Décidément ce sport est bizarre. Si c’est un sport de riche, on devrait pouvoir réinventer les règles au fur et à mesure. Sinon, cela n’a aucun intérêt. Autant rester pauvre… J’ai toujours pensé que les riches faisaient et défaisaient des lois pour se démarquer des pauvres qui n’ont pas ce privilège. (Il prend un club et le tient comme une batte de base-ball.) Allez, envoie la balle ! Je suis prêt à la frapper !

ADELE. - Ah non, ça ne se pratique pas ainsi.

YANN. - Ben comment alors ? (Il se relâche, baisse le club.)

ADELE, posant la balle au sol et mimant le geste. - La balle doit être frappée immobile sur le sol.

YANN. – C’est ça le golf ? En quoi est-ce compliqué ?

ADELE. - C’est un sport d’adresse où il faut que la balle aille d’un point A vers un point B en un nombre restreint de coups. Bien choisir son club est important.

YANN. - Moi, mon club, c’est le Basket All Black d’Aubervilliers.

ADELE. - Mais non, le club c’est la canne de golf. Au départ du parcours, tu peux utiliser un driver et un tee. Tu connais le tee ?

YANN. - Oui. (Il chante gaiement.) « Just tea for two and two for tea. Just me for you and you for me, alone ».

ADELE, riant. - Sais-tu dans quels pays on joue au golf ?

YANN. - Facile. Dans les pays du golfe.

Rires.

ADELE. – En tout cas, jamais dans un trou perdu !

YANN. - Plus difficile ! Où un brasseur passe-t-il ses vacances ?

ADELE. – Euh, je ne vois pas… En Belgique ?

YANN. – À Malte ! (Rires.) Passe-moi la balle, je vais essayer une nouvelle fois. (Adèle lui passe la balle. Il la pose par terre et se met face à la salle.) Je vise le ficus là, à gauche (Il désigne un endroit dans la salle puis il fait mine de frapper.) ou la lampe à droite… (Il frappe et rate la balle.)

ADELE. – Bien tenté ! Si ça te console, ce n’est pas vraiment un sport de salon. À peine un sport de console de salon.

YANN, se repositionnant devant la balle. – J’aurais bien tenté de viser le coffre mais c’est un peu haut perché, comme les coffres en Suisse. À propos, crois-tu que c’est facile d’avoir la nationalité suisse ?

ADELE. - Pourquoi ? Pour le golf ? Pour les coffres ? À cause de ton statut de nouveau riche ?

YANN, se relâchant. - Pas seulement. Je trouve le pays rassurant même jusque dans son drapeau avec son design de sparadrap sur un fond rouge Mercurochrome. Sur le formulaire de naturalisation j’écrirai : je pense pansement donc je suis suisse.

ADELE. – Alors, selon toi la Suisse est une grande pharmacie ? Et pour une demande de naturalisation Suisse, on court. Bon, laisse tomber le golf pour aujourd’hui. On a une autre partie, monsieur Descartes, à terminer. On y retourne ?

YANN, ramassant la balle. – OK. (Il prend le matériel de golf.) Euh, je peux l'utiliser comme mise ?

ADELE. - Seulement ce que l'on peut porter sur soi !

YANN. - Et là, je le porte bien ?

ADELE. - Tu fais tout pour devenir mon caddie si je comprends bien ! Accepteras-tu alors que je te paie avec un chèque au porteur ?

YANN. – Tope-là ! On check ?

Yann tend la main qu’Adèle tapote puis ils partent dans la chambre avec le matériel de golf.

RIDEAU