Dom Robert, poète de la laine et... - Chronique

Dom Robert, Poète de la laine et de la lumière

Tapissier, peintre et peintre cartonnier (1907-1997)

Guy de Chaunac-Lanzac après des études à l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs de Paris devient dessinateur de modèles de soieries. Il est ordonné prêtre à l’Abbaye d’En-Calcat à Dourgne dans la Tarn en 1937 sous le nom de Frère Robert et interrompt toute activité artistique pendant son noviciat. Sa rencontre en 1941 avec Jean Lurçat sera déterminante et lui fera choisir la voie de la tapisserie. Il prendra le pseudonyme pour sa vie artistique de Dom Robert.

Moine bénédictin à l’écart du monde et des courants contemporains, Dom Robert suivra sa voie sans jamais traiter de sujet religieux, sans jamais se laisser porter par la mode et ses complaisances. Grand dessinateur, il pratiquera sur sa planche patiemment l’enluminure. L’influence des tapisseries Mille fleurs et des enluminures du Moyen-Age, des sujets des tapis persans nourriront l’artiste et génèreront l’éclosion de son œuvre. Aquarelliste hors pair des champs, il trouvera l’inspiration dans la nature forte et contrastée, baignée de d’ombres et de lumières de la Montagne Noire, ultime contrefort du Massif central qui l’entoure. Il y résidera quasiment toute sa vie et y réalisera son œuvre.

Ses aquarelles au style déjà marquées deviendront sous les puissants encouragements et l’influence de Lurçat qui lui révèlera son talent cartons de tapisserie. Lurçat lui apprendra les techniques, les ateliers d’Aubusson lui transmettront le savoir-faire du tissage de la laine. Il en développera les possibilités artistiques, concevra et réalisera une œuvre sincère, unique, très rapidement reconnaissable et reconnue.

La nature luxuriante et ses couleurs éclatantes de la laine se déploient dans l’univers poétique des tapisseries de Dom Robert. Son œuvre foisonnante exalte la faune et la flore. Telles les miniatures persanes, volailles bigarrées, animaux domestiques, herbes, ombelles, fleurs, arbres, fougères, papillons, oiseaux, en couleurs, joie et bonheur rejettent tout ce qui provient de l’humain. Ni murs, ni clochers, ni fleuves, ni ponts, ni ports, ni mers. La terre et seulement la terre, la flore et la faune plutôt que le ciel et l’eau. La place de l’homme y deviendra incongrue et disparaîtra complètement. Dom Robert nous livre une terre paisible, sans prédation, sans production, sans exploitation, une terre livrée nue à ses nombreux humus, une terre dans l’harmonie. Un style unique, une école buissonnière dans les dégradés de couleurs et les camaïeux ont fait de lui un grand nom de la tapisserie d’Aubusson. 

Autant Jean Lurçat pouvait traiter l’ombre, la clarté et la noirceur du monde humain sous le joug de ses créations, autant Dom Robert glorifiera et illuminera la nature et sa lumière avec les fils de laine. L’univers de Dom Robert n’est qu’harmonie et élégance. Ses œuvres gigantesques offrent le foisonnement illimité d’un monde où la lumière devient la seule réalité qui subsiste au-delà des vérités extérieures.

Entre 1942 et 1992, Dom Robert produira près de 150 cartons de tapisserie, généralement chiffrés ou codés par zone de couleurs, une quarantaine de tons à partir de huit couleurs de base. Sa collaboration avec les ateliers d’Aubusson sera particulièrement développée avec l’atelier de Jean Tabart et celui de Suzanne Goubely.

Les années fastes s’étaleront de 1950 à 1980, l’élan donné par Jean Lurçat disparu en 1966 s’éteindra et la mode passa. « Suzanne Goubely, refusant de fermer son atelier et de licencier ses dernières licières, décida de tisser sur ses fonds propres les cartons de Dom Robert pour constituer une collection qu’elle lèguera à l’abbaye d’En-Calcat à sa mort en 1997… la même année que celle de l’artiste. »

Une partie de ses œuvres se trouvent réunies depuis 2015 dans le musée Dom Robert et de la tapisserie du XXᵉ siècle situé dans l'ancienne abbaye-école de Sorèze dans le Tarn, lieu de présentation de la collection de tapisseries de l’abbaye d’En Calcat.

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« Dans une tapisserie, on se promène … Une promenade sans but précis, on se plait à flâner. Un détail vous conduit vers un autre, un rouge mène à un bleu. Tout d'un coup, on découvre un oiseau, un écureuil qui voulait se cacher, on en cherche d'autres comme on va aux champignons, le même plaisir qu'en un sous-bois, une sorte de jeu de cache-cache. (…) En somme, la tapisserie est davantage un art du temps … Art du temps par sa facture aussi, art de longue patience … Dom Robert ».

« Et il ne peut rien d’avoir de plus saint que le travail qui consiste à réduire une aile d’oiseau à un brin de laine colorée et à fixer toutes les palpitations de notre quotidienne matière cosmique en un beau tissage, patiemment, au fil des fils de la chaîne et de la trame, au fil des jours et des heures de l’existence terrestre. Jean Cassou 1962 ».

« Une peinture que l’on a seulement devant les yeux, mais dans laquelle on entre pour découvrir cet autre monde, le monde de la lumière. Dom Robert ».

« Il n'y a qu'une chose qui ne trompe pas, c'est la nature. La nature, c'est le vrai, le réel. Dom Robert ».

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Sources : Visite de la Mairie d’Aubusson, du Musée de la Tapisserie Aubusson (Creuse).

Bibliographie : Dom Robert, œuvre tissée 1990.

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MM / 2018 05 22