Connexion : supprimer Ou

Jean Lurçat, poète du fil de laine - Chronique

Chronique "Jean Lurçat, poète du fil de laine" est une chronique littéraire mise en ligne par "Aubussinne".N'hésitez pas à proposer vos critiques littéraires sur des Auteurs, Artistes, Artisans d'art...

Venez publier une chronique littéraire ! / Protéger une chronique littéraire

Jean Lurçat, poète du fil de laine

Artiste peintre et peintre cartonnier, céramiste, poète et grand voyageur (1892-1966), Jean Lurçat, créateur inépuisable, est le plus illustre représentant de la tapisserie du XXe siècle. 

La vie de Jean Lurçat se raconte en termes de patience, de ténacité, d’entêtements, de recherche, de longs tâtonnements, engagé dans son époque et passionnément curieux du monde marqué par les guerres, la résistance, le communisme. Formé aux sciences et la médecine dont il abandonne les études, il choisit les beaux-arts. Il est habité dès son adolescence par un puissant idéal de liberté, une profonde conscience poétique de la réalité et de la vérité monde qui lui fera faire des choix décisifs et imprègnera toute son œuvre. 

Peintre à succès de grand avenir et de renommée internationale, il abandonne le chevalet et choisit de produire de grands canevas peints brodés à l’aiguille au petit point par sa mère puis Marthe Hennebert son épouse et donne ses premières expositions à partir de 1917. L’étape décisive est franchie lorsqu’il s’approprie la technique de la tapisserie de lisse et s’implique dans la technique du langage de la laine. L’Apocalypse d’Angers qu’il découvre en 1938 confirme son intuition. Il perçoit le potentiel immense et l’originalité de cet art. Il n’aura de cesse de prôner les avantages d’une méthode d’utilisation d’un nombre limité de couleurs qu’il emprunte aux fondamentaux de la technique du Moyen âge, période qu’il estime celle des plus grands chefs d’œuvre de la tapisserie. 

Il devient l’architecte et le peintre cartonnier d’œuvres gigantesques qui feront son renom. La dernière et la plus importante Chant du monde est le plus grand ensemble contemporain de tapisseries de dix panneaux commencé en 1957, terminé en 1965 de 80 mètres de long sur 4,40 m de haut. Léguée et exposée au Musée de Jean Lurçat et de la tapisserie contemporaine situé dans l'ancien Hôpital Saint-Jean  à Angers, cette œuvre magistrale fait écho au plus grand ensemble de tapisseries médiévales connu, la Tenture de l'Apocalypse. Les dix panneaux de tapisserie évoluent progressivement de la destruction. Jean Lurçat met en scène la Mort, l'anéantissement de la vie par la bombe atomique d'Hiroshima et  Nagasaki au Japon pour célébrer ensuite l'harmonie dans la création, l'intelligence humaine, la conquête de l'espace et conclure par une ode à la poésie.

Entouré d’artistes, des peintres Picasso, Braque, Derain, Dufy, du poète Rilke avec lesquels il ne cesse d’échanger sur la création, Jean Lurçat réinvente, adapte avec le soutien inconditionnel des manufactures nationales essoufflées dans les copies d’anciens de tentures murales, réveille tous les grands ateliers des manufactures d’Aubusson et de Felletin et entraîne un grand courant d’intérêt de nombreux créateurs peintres cartonniers pour la tapisserie contemporaine. Il encourage avec François Tabard les patrons-lissiers à toutes ces productions. Il fallait un chef d’Ecole, naturellement, il le devient. Le cœur de la Creuse revit, une onde puissante et créative redonne à la tapisserie française un grand éclat international.

Du chevalet au mur, du canevas à la tapisserie, Jean Lurçat s’enferme, grimpe à l’échelle face à de grands murs et compose. Epuisé par sa création, il s’enfuit, court infatigablement le monde, se ressource puis reprend la tâche. Il a laissé une œuvre de plus d'un millier de cartons, peints ou simplement numérotés par couleur. 

Comme un musicien sur une portée, il pouvait composer un foisonnement de couleurs sans fausse note et sans ouvrir un seul tube de peinture, uniquement en jouant, en chinant les entrelacs de fils de laine. "Harpiste", comme l'appelait Jean Cocteau,  Jean Lurçat jongle avec le dessin, la peinture, la richesse de la laine, de ses couleurs, ses ombres et ses lumières. Il livre une œuvre où matière, chaleur, contraste, texture et variation se jouent des imaginaires et des émotions. Le bestiaire défile, la forêt, les plantes se développent, s’entrelacent, le soleil, la voute céleste, l’univers se déploient, l’homme est là dans le tout, le tout devant soi, infini et sacré.

Son talent l’a conduit à une célébrité, une gloire, une reconnaissance artistique muséale internationalement méritée soutenue par son seconde épouse Simone et la Fondation Lurçat qu’elle a créée.

L’art de Jean Lurçat est d’avoir fait de chaque muraille où se déploie ses immenses tapisseries une baie illuminée ouverte au monde où la réalité des choses et la vérité du cœur s’entrelacent savamment en une féérie savante de laines de couleurs. Il est difficile de donner des images de son œuvre cathédrale, chaque détail devient clef de voute, galaxie, les yeux s’évadent et s’immergent dans l’infini des thèmes de sa création. Un abandon à la  vie. Il développe une cosmogonie humaniste portée par une jaillissante créativité qui éblouira les générations. 

Le réel et la vérité se rejoignent en un immense déploiement de poésie.

 

___________________

« La poésie est pour moi la chose importante. La poésie est le langage parfait parce que ses significations sont multiples. Je prends parfois des vers dont je ne comprends pas du tout le sens, mais je sais que je dois les prendre J.L.

« La terre, c’est rond, c’est broussailleux ; c’est du liquide et du solide, et c’est surtout des êtres humains, de toutes mesures, de tous calibres, de toutes les couleurs. Et tout, germes, êtres, végétaux, vents qui sont comme l’haleine de la terre, tout cela est solidaire. J.L. »

« Nous sommes feuillages, flore, faune ; nos composantes sont de minéraux, de vapeurs, de feu, d’eaux, et le tout cimenté par un liant fait de courage, de témérité et de volonté. J.L. ».

___________________

Sources : visites des musées des Tours Saint Laurent Saint Céret – Musée de la Tapisserie Aubusson et Felletin (Creuse) – Musée Jean Lurçat et de la Tapisserie contemporaine Hôpital Saint Jean Angers.

Bibliographie : Jean Lurçat G.I. Edition Toulouse 1992 – Dialogues d’écrits de Jean Lurçat et de Claude Roy 1992 - Jean Lurçat Le combat et la victoire Aubusson 1992 Centenaire – Jean Lurçat Compagnon de route et passants considérables Felletin 1992 Centenaire.

Partager

Partager Facebook

Auteur

Blog

Aubussinne

09-05-2018

Auteur public

Jean Lurçat

Couverture

"Soyez un lecteur actif et participatif en commentant les textes que vous aimez. À chaque commentaire laissé, votre logo s’affiche et votre profil peut-être visité et lu."
Lire/Ecrire Commentaires Commentaire
Jean Lurçat, poète du fil de laine n'appartient à aucun recueil

 

Chronique terminée ! Merci à Aubussinne.

Tous les Textes publiés sur DPP : http://www.de-plume-en-plume.fr/ sont la propriété exclusive de leurs Auteurs. Aucune copie n’est autorisée sans leur consentement écrit. Toute personne qui reconnaitrait l’un de ses écrits est priée de contacter l’administration du site. Les publications sont archivées et datées avec l’identifiant de chaque membre.