Le mogadon - Tranche de Vie

 le Mogadon

Bon. A 15 ans, j'ai tenté le grand saut par la porte ouverte dans la nuit enneigée d'un train. Comme raconté sur ce site, j’ai finalement choisi la lumière verte de  l’espérance à la rouge du désespoir, accrochées toutes les 2 à la queue du dernier wagon.

Puis, à 18 ans comme également raconté, j'ai tenté la baignoire et l'hydrocution par le sèche-cheveux. Sans grands résultats. Passons maintenant à l'étape suivante.

A 22 ans je me suis procuré le bouquin "Suicide, mode d'emploi". Vite fait car il a été interdit à la vente sitôt publié. Mais j'ai fait vite, l'acheter avant le retrait de l’ouvrage des rayons.

Précisons que les auteurs du livre ne prônaient pas le suicide, mais le mode d'emploi. En résumé, si tu veux te casser, fais ça bien, sinon tu vas te retrouver tétraplégique ou légume, et ce sera pas du tout marrant.

J'ai choisi dans le livre le chapitre mort douce, médicaments, et plus précisément le Mogadon. J'ai fait 40 pharmacies pour me procurer le matériel sans éveiller les soupçons. Il me fallait 200 comprimés, et je les ai eus.

Puis, selon moi, il me fallait aussi une bouteille de whisky pour avaler tout ça dans la peine. Va pour la bouteille. Va pour la routine. J'ai avalé tout ça un soir chez moi, bon voyage.

A l'époque, j'avais un gros poste dans une agence de pub à Paris, et je sortais avec la présidente de l'agence. Elle avait 10 ans de plus que moi et était mariée évidemment puisque c’était en ces temps-là mon mode de fonctionnement sentimental. Mais je ne m’embarrassai pas du tout de ce type de considérations improbables en ces lointaines époques de ma jeunesse privilégiée.

Dans le cadre de nos loisirs, avec Dominique, nous partions souvent en week-end dans sa puissante BM direction les plages vides d’hiver à Honfleur et Etretat. Entre les régulières escapades, dans le cadre du boulot nous travaillions ensemble tous les jour, et déjeunions ensemble aussi. Et elle savait 1 / que j'allais mal, et 2 / que je venais de me procurer un flingue.

Alors, le lendemain matin où j'avais avalé tous ces comprimés bien arrosés, elle a été surprise et inquiète de ne pas me voir à l'agence. Elle a tenté de me joindre 50 fois sans succès. Alors elle a joint ma famille, une de mes sœurs, et un serrurier. Ils ont ouvert la porte de mon appart et m'ont trouvé nu comme un ver et inconscient dans ma baignoire.

Action - réaction : j'ai été transporté dans le plus proche hôpital, où j'ai eu droit à un sévère lavage d’estomac. Après quelques jours de coma, j'étais intact et j’y suis retourné, vers ma vie et mon travail quotidiens.

Qu'est-ce que je dois lui dire à Dominique ? Merci ? Ouais je suppose.