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Bonbons, esquimaux, rubis, carats - Texte

Texte "Bonbons, esquimaux, rubis, carats" est un texte mis en ligne par "Ancolies"..

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Bonbons, esquimaux, rubis, carats  (apocalypse chamallow)

 

Bonbons, esquimaux, chocolats ! criaient-on d’un côté de la place. Rubis, saphirs, diamants, carats, criaient-on de l’autre. Décidemment le fossé des inégalités sociales ne décreusait pas, même si tout ce petit monde cohabitait cahin-caha sur la seule langue de terre qu’avait encore laissée émergée le dernier déferlement en date des océans. La Garde Républicaine se trouvait en permanence debout entre les 2 parties et nul bonbon acidulé ou chocolat même truffé ne se risquait à tenter de changer de côté sous peine de se voir immédiatement trucidé et jeté dans les flots. C’était naturellement les carats qui réglaient les émoluments des Gardes, lesquels ne dormaient plus jamais grâce aux amphétamines chargées en crack que leur fournissaient les derniers diamantaires survivants d’Anvers. Et c’était toujours les carats qui regrettaient les bons vieux grands espaces d’antan qui les préservaient de la vue de la misère populaire. Mais aucun de ceux qui restaient encore n’avait le choix. Malgré les séculières rodomontades de leurs ancêtres, la nature s’était montrée la plus forte. Et de plus la nature s’était fichue comme d’une guigne du concept de parité, pire encore il n’existait sur la langue de terre pas la moindre représentante de la gent féminine. D’une certaine façon et pour une fois, l’égalité avait été respectée : des 2 côtés, bonbons comme carats, question turlutte c’était la disette. Chacun s’en accommodait comme il le pouvait. Pour certains, cela se révélait plus ardu, preuve si besoin en était que la libido elle non plus n’avait jamais été égalitaire. Quoiqu’il en soit, cette situation signait à plus ou moins brève échéance la disparition de l’espèce mais c’était là un élément sur lequel des 2 côtés aucun ne songeait à plus avant se questionner.

La vie sur la langue de terre s’était ainsi organisée. Les bonbons esquimaux chocolats dormaient à même le sol tandis qu’en face on disposait de matelas encore en état. Les carats avaient même acheté au schtroumpf bleu les derniers oiseaux pour disposer encore d’un semblant de musique, couvrant l’incessant gémissement lugubre planant en permanence côté miséreux. Et ils s’étaient bien évidemment de la même façon encore appropriés les derniers arbres, essentiellement des peupliers, des saules siffleurs et des platanes, qui leur dispensaient l’ombre nécessaire durant les journées pour se protéger du soleil cuisant qui brillait en permanence, tandis qu’en face ce n’était que peaux brûlées, rongées de pelades et de cloques. Cependant, question alimentation, tous étaient logés à la même enseigne, plancton le matin, plancton à midi, plancton le soir. Non sans âpres négociations, les carats avaient également acheté au schtroumpf bleu un lac naturel qu’ils utilisaient à la fois comme abreuvoir et baignoire. Le schtroumpf bleu était bleu car en ce temps-là telle était la couleur de la corruption. Quant aux esquimaux, ils avaient de leur côté négocié avec les bonbons que ceux-ci s’organisent par solidarité en murs pyramidaux durant la journée, murs derrière lesquels les esquimaux s’abritaient pour ne pas fondre comme un seul homme, fondre comme neige au soleil ma belle jeunesse.

Les miséreux ne se devaient d’être encore en vie que grâce à l’espoir des prochains et obligatoires Jeux Olympiques. En l’occurrence, le schtroumpf bleu s’était montré intransigeant envers les rubis, saphirs, diamants, carats : les Jeux Olympiques étaient inscrits depuis les siècles des siècles aux 110 Commandements et une telle manifestation ne pouvait s’acheter ou se désacheter. Si les carats perdaient, ils perdraient tout, leurs oiseaux et leurs arbres, leur lac majeur sur lequel il ne neigeait au grand jamais, sans compter naturellement les rivières de diamants et l’ensemble de leurs ressources. La date approchait et les carats se rongeaient tandis que les bonbons chocolats esquimaux sans relâche s’entraînaient : saut à la dèche, saut en langueur, polyarthrite, marathon glacé… et surtout l’épreuve-reine auquel tout un chacun sans exception quelques soient son âge et sa condition se voyait contraint de participer, le foufoute baballe. Cette épreuve-reine serait arbitrée par les Gardes Républicains et il n’était plus question ici d’émoluments ou tout autre avantage. Ce serait l’épreuve de vérité. La situation était claire : d’un côté on n’avait rien à perdre, de l’autre on avait tout à perdre. Les carats pouvaient espérer l’emporter en quelques épreuves mineures grâce aux dons naturels d’un certain nombre de leurs membres ainsi qu’il arrive souvent dans les classes aisées, mais le véritable nœud de l’enjeu c’était le foufoute baballe. En plus d’y être né, de tout temps ce sport s’était pratiqué majoritairement dans les milieux populaires. Monnayé dans les grandes largeurs, le schtroumpf bleu avait accepté de faire venir pour les carats un entraîneur réputé dépêché de la Galaxie Verte, lequel entraîneur, fort de plusieurs ligues des champions à son arc,  exhortait ses troupes aux dribbles, petits-ponts, grands-ponts, longues passes latérales, talonnades, tactique du une deux etc… Mais malgré tous ses efforts d’auto-persuasion, l’entraîneur ne pouvait que constater qu’il avait affaire pour grande part à une équipe de vieux clous rouillés. Puisqu’il en fallait un, il avait désigné un dénommé Alex en tant que gradien (sic) de bubuts et l’entraînait à part. Mais là-encore, force lui était d’encore constater que le gars Alex s’intéressait plus à contempler la lune qu’à se concentrer sur la cage qu’il était supposé protéger. Une frange des carats en avait d’ailleurs parfaitement conscience et avait monté de façon spontanée un mouvement baptisé TSA, Tout Sauf Alex. Le problème c’est qu’il ne se trouvait absolument personne dans toute la troupe des carats pour se porter volontaire afin d’occuper cette place ô combien cruciale, et dont le sort en cas de défaite ne laissait planer l’ombre d’un doute, les carats étant par nature des personnages dangereux et rancuniers. Et la date des Jeux inexorablement approchait. Les TSA eurent une idée : ils organisèrent dans les rangs de toute leur colonie la plus grande collecte qu’il se puisse et tentèrent de convaincre le schtroumpf bleu de leur faire venir un gradien de bubuts performant de la Galaxie Verte. Cette fois-ci ils se heurtèrent à un véritable mur d’intransigeance. Le schtroumpf bleu leur annonça clairement la couleur : s’il acceptait leur offre, il perdrait à tous les coups son poste, poste auquel il tenait comme à la prunelle de ses yeux bleus, et quand bien même, qui sait par qui il serait remplacé, si le nouveau-venu se montrerait aussi accommodant que lui-même relativement aux arbres, aux oiseaux, au lac naturel, fermerait les yeux sur le crack etc… Bien que fortement anéantis par l’intransigeance du schtroumpf bleu, les carats étaient naturellement totalement déterminés à conserver leurs privilèges et reprirent alors l’entraînement plus rageurs que jamais. Eux qui avaient dans un 1er temps regardé d’un peu haut l’homme dépêché de la Galaxie Verte en raison de son origine relativement modeste se plièrent désormais sans discuter à toutes ses consignes, même si la plupart d’entre eux n’avaient de leur vie pratiqué le moindre footing ; et même plus d’un prit sur son propre temps libre pour travailler psychologiquement le malheureux Alex (lâche un peu ta lune, merde !), lequel n’en pouvait plus, en plus de ne rien comprendre à ce qui lui arrivait. Lui l’innocent rubis, destiné au plus haut romantisme, se retrouvait sans avoir jamais ni demandé rien ni nui à personne gradien de bubuts pour une épreuve qui allait se révéler déterminante pour son avenir et celui de tous ses camarades. La tension montait.

Fatalement la date fatidique arriva. Bonbons esquimaux chocolats remportèrent un nombre équivalent d’épreuves que rubis, saphirs, diamants, carats. Les premiers se dirent C’est dans la poche. Alors s’ouvrirent les portes du grand stade climatisé et l’épreuve-reine débuta. Appelé un par un par le chef des Gardes Républicains, chacun pénétra à son tour sur le terrain. Pour connaître le nombre exact de participants, il fallait tenter de compter le nombre de jambes et le diviser par 2. Le coup d’envoi fut sifflé et la grande partie de foufoute baballe débuta. Premiers surpris, les carats ne s’en sortaient pas si mal, l’entraîneur avait réalisé du bon boulot. Même Alex restait concentré (les carats avaient acheté le schtroumpf bleu pour que la lune soit absente de ce match qui se jouait en soirée). A la surprise générale, les carats marquèrent en premier à la 11ème. Avantage qu’ils ne conservèrent guère longtemps, les bonbons égalisant à la 18ème. Puis passèrent devant à la 25ème Alex se fit copieusement engueuler par un bon nombre de ses co-équipiers tandis que d’autres plus diplomates s’empressèrent plutôt à l’encourager. Alex suait à grosses gouttes et son cœur n’avait jamais battu aussi vite ni cogné aussi fort. C’est alors qu’une main fut sifflée dans la surface de réparation des bonbons. Et c’est alors que les choses se dégradèrent à la vitesse de l’éclair. Les bonbons contestèrent violemment cette main, les carats contestèrent violemment les bonbons, les bonbons contestèrent violemment les carats, et l’arbitre et l’ensemble des Gardes Républicains se virent en un rien de temps débordés par le nombre, et les coups de poings, de pieds, de coudes, de dents fusèrent de partout. La bagarre se révéla tant générale que confuse que des bonbons comme des carats, chacun empoignait sans discernement quiconque passait à sa portée, ne voyant plus que rouge et nul ne sachant plus qui était qui. Totalement dépassée par les événements la clim rendit l’âme d’un claquement sec. Il en fut de même aussitôt pour le groupe électrogène. La lune donc absente, ne restaient signes de vie que les ahanements et hurlements des combattants et le choc des poings sur les nez et les dents. Au fur et à mesure que la nuit avançait, de moins en moins de combattants étaient encore debout tandis que les hurlements se transformaient peu à peu en gémissements et murmures. A ce stade des choses, le schtroumpf bleu jugea préférable de déserter. Ne planait plus maintenant que la plus sombre obscurité.

Du haut de son mirador nuageux, Dieu le Père contemplait la situation. Ainsi c’était finalement "ça" à quoi avait été réduite Sa création. Une partie de foufoute baballe entre mâles favorisés et mâles défavorisés qui avait tourné au gigantesque pêle-mêle et nulle part plus nul garant de l’autorité ! Il était écœuré. Pour commencer, sa propre nature l’avait trahi. Sans la moindre représentante d’Eve, où était passée la poésie qui avait eu pour mission d’élever Ses créatures et d’apaiser les cœurs ? Il se lissa lentement de haut en bas Sa longue et proverbiale barbe qu’il conservait blanche sans déplaisants reflets jaunâtres grâce à un shampoing spécial que lui fournissait en loucedé les Aphrodite’s Child, contempla de guerre lasse l’étroite langue de terre désormais silencieuse et noire, sortit de Sa grande poche - trifouillant non sans mal entre trousseaux de clés, codes nucléaires, paquets de clopes et de chewing-gums - Son portable. Il fit défiler céans la liste de Ses contacts et s’arrêta sur le numéro de Son grand général des Eaux Neptune, lequel avec ses colères et représailles incontrôlées avait déjà si souvent fait la une. C’est Toi, Dieu ? questionna l’intéressé décrochant son bigot. Qui veux-tu que ça soit bougre d’imbécile ?! Débarrasse-Moi vite fait de ce qui reste de ce foutu plancher des vaches, et une bonne fois pour toutes c’est compris ! ordonna d’un ton sec le Boss. Et Me laisse. Merci. Il raccrocha, régla Son portable sur le mode avion, ouvrit l’un des placards muraux de Sa sacristie pour y attraper le calice qui voulait être calice à la place du calice, se servit une bonne dose de whisky irlandais, Son péché mignon, et déroula sur Sa longue table le plan titanesque de Ses galaxies, juste histoire de voir avant de s’en aller coucher - sans lune donc - s’il restait quelque chose à sauver dans Son univers ou s’Il avait définitivement perdu la guerre.

C’est alors qu’une voix fluette s’éleva : « Bonbons, esquimaux, caramels, chocolats ? » Ah ! Il y avait eu un vainqueur finalement ! Dieu le Père ne changeât pas Ses plans pour autant et ainsi et pour la dernière fois ici-bas en emportât le vent. 

 

 

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Ancolies

19-10-2022

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Bonbons, esquimaux, rubis, carats appartient au recueil Nouvelles du monde

 

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