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Nom d’une pipe ! (que sont-ils ... - Texte

Texte "Nom d’une pipe ! (que sont-ils devenus ?)" est un texte détente mis en ligne par "Ancolies"..

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Nom d’une pipe !  (Que sont-ils devenus ?) 

 

Nom d’une pipe de nom d’une pipe, c’est catastrophique ! songea Tintin regardant le cendrier, comme d’habitude plein à craquer. Putain, si Olivia voyait ça, elle allait encore une fois en faire tout un plat. Le vider vite fait bien fait d’accord mais forcément son appart puait à mort le tabac. Aérer n’y changerait quasi rien, l’odeur était partout, sur les tissus du canapé, des rideaux, sur ses fringues... Et Olivia était trop finaude pour se laisser berner par un désodoriseur ou un cône d’encens. Elle allait l’incendier. Il regarda dans le miroir mural ses poumons : noirs cramés évidemment. Il se rapprocha et ouvrit la bouche. Ses dents : jaunes et grises dégueu. Cela le déprima. Fumer c’était la sale manie qu’il avait chopée lors de son 1er séjour aux Etats-Unis, quand il avait fait coffrer Capone et sa bande. C’est ce flic de Philadelphie qui lui avait tendu sa première tige. Et le truc s’était salement aggravé aux 6 gares du pharaon (Khéops, Khephren, Austerlitz, St Nazaire, Mykérinos et Montparnasse si sa mémoire était exacte). A force d’attendre et de passer des plombes dans des trains, il en était arrivé à en griller une après l’autre compulsivement. Cela ne s’était guère arrangé au fil des années. Son vieux pote le capitaine Haddock ne lui en avait jamais pipé mot (il était lui-même mal placé, tirant sans faiblir sur sa pipe) mais Tintin sentait bien qu’il ne cautionnait pas. Bon, son vieux pote c’était une chose, et Olivia une autre. Des fois, elle était vraiment trop casse-bonbons celle-là. Végane et flexitarienne (il n’avait jamais bien compris exactement), re curieusement marxiste et RPR à la fois, sportive, blonde et tout le tralala… Mais Tintin l’avait quand même à la bonne et la laissait s’immiscer souvent trop loin dans sa vie privée. Eh ouais, depuis que le Milou s’était fait aplatir telle une vulgaire crêpe par un camion-benne qui avait pris la fuite, il avait vraiment du mal à garder la frite. Eh ouais, Milou, son Milou, qui l’avait accompagné sur les 7 continents. C’est la c’est la vie, chantait avec fatalisme son ami Jacques D., qui tirait lui sur de gros havanes qui valaient la peau du cuir et sa drôle de copine anorexique, également chanteuse, n’y trouvait rien à redire, elle. Sûr, l’avait du pot le Jacquot, l’était pas tombé sur une ch... Un chanteur épousant une chanteuse, cela s’était vu plus d’une fois sur la scène nationale, c’était la loi des vases communicants, songea t’il. Il pouvait spontanément citer des exemples. Mais bon, assez rêvassé ! se secoua Tintin, Olivia venait dîner et il n’avait même pas encore fait les courses. S’y ajoutait une flemme bleue de sortir. En plus au Prisunic, tu parles d’une surprise-partie ! A ajouter à son quatrième sans ascenseur alors que les articulations de ses genoux se faisaient de plus en plus tirer l’oreille. Tiens, ça lui rappelât l’oreille caftée, encore une de ses anciennes aventures où il avait risqué gros, quand il croyait encore à son job de journaliste, à l’éthique de son métier. Ouaip, le monde avait sacrément changé depuis cette affaire qui remontait à une bonne quarantaine d’années s’il calculait bien. Plus que ça même. Bon alors, ce dîner : des endives, des poireaux ? Merde, il manquait complètement d’idées. En fait, il se demandait s’il avait réellement envie de voir Olivia. Non, la vraie question c’était d’un peu secouer sa vie de vieux garçon. Sans efforts de sa part, il finirait comme bien d’autres pauvres bougres, ours, bougon, misanthrope et aigri peut-être. Non, pas de ça, pas aigri, pas lui ! Endives braisées, maquereaux en boîte, ça le ferait ça ? Nan ! Pas de boîtes ! Alors quoi ? Du fromage ? C’est ça, bonne idée, une raclette, ils allaient se faire une raclette. Tintin se sentit soulagé. Enfin, pour commencer, il fallait remettre la main sur son appareil. C’est bon, je l’ai. Oups, un coup de vaisselle s’avérait nécessaire, le gras, le goudron des cigarettes et la poussière s’étant accumulés. Tintin enclencha l’eau chaude et attrapa l’éponge qu’il imbiba largement de liquide dédié. Mince, il faut des pommes de terre avec la raclette s’avisa t’il soudain. Pommes de terre égalent épluchage, chacun sait ça. Allez, il allait le faire pour Olivia. Il sécha ses mains dans le torchon et empoigna son imper et son cabas. On y va Milou siffla t’il dans le vide. Encore une habitude dont il n’avait pas réussi à se défaire bien que l’affaire du camion-benne remontât à presque 20 ans. Ah ce camion-benne dont il n’avait pu apercevoir l’immatriculation sur le moment, Dieu sait s’il l’avait cherché pourtant, mais force était d’admettre que déjà en ces temps-là il n’avait plus son flair d’antan. Et les chauffards se baladaient probablement toujours à l’air libre maintenant. Il était écœuré. Bah ! Il haussa les épaules, claqua sa porte et commença à descendre ses 4 étages. Flûte, mes lunettes, s’écria t’il au second. Il fut obligé de remonter. Ses lunettes, comment voir les prix sur les rayons sans elles ? Ah, vieillir ! maugréa t’il redescendant. Les articulations, la mémoire et la vue qui baissent, sans compter évidemment le souffle…. Il lui semblait également que son audition n’était-elle non plus exactement ce qu’elle était. Il lui fallait mettre le volume au maximal pour son film du soir. Et baisser le son pour les publicités qui étaient exprès enregistrées plus fort. D’abord parce qu’il détestait la pub qu’il jugeait la plupart du temps totalement stupide et dégradante, ensuite pour ne pas déranger ses voisins. Ah ça non, il n’avait pas besoin d’une guéguerre de voisinage dans sa vie. Même s’il ne voyait pas trop quoi, il avait quand même mieux à faire. Mieux à faire ? Consulter, c’est ça, pour son audition il lui fallait consulter. Ne se fiant plus à sa mémoire, il attrapa son calepin qui ne quittait jamais sa poche pour bien y noter d’appeler dès demain Ecouter Voir.

Il y avait la queue au Prisunic, une grosse femme mettait des plombes à détacher un à un ses tickets-resto de son carnet à souches et la queue commençait à s’impatienter. Tintin en profita pour réfléchir : il avait tout ? Oui. Il avait bien pensé à la bouteille de vin. En fait, seul, il préférait se lamper une bonne binouze mais Olivia avait des goûts plus raffinés. Même s’il avait laissé tomber la gym matinale depuis longtemps, il mettait quand même un point d’honneur à ne point trop se laisser aller et à se présenter correctement en société. Y compris avec le pépé Tournesol qui lui était désormais 330 degrés toujours plus à l’ouest et confondait sol et plafond. Tintin régla enfin ses achats et repartit chez lui d’un bon pas. L’heure avançait et l’épluchage de patates était toujours devant. Néanmoins, il dut s’arrêter un instant au troisième pour souffler un coup. Haddock et Olivia s’échinaient à lui répéter qu’il devrait déménager tôt ou tard, et chaque jour plutôt tôt que tard, mais il ne parvenait pas à se décider à quitter son 26 rue du Labrador, seul domicile qu’il ait occupé depuis qu’il avait quitté ses parents. Tiens, c’était une idée ça : proposer à Olivia un dimanche de se rendre sur la tombe de ses parents. Une balade plutôt qu’une énième partie de crapette. En plus Olivia trichait à la crapette, Tintin en était persuadé mais n’avait jamais réussi à la prendre sur le fait. De toute façon il n’était absolument pas mauvais joueur et au fond, peu lui importait de l’emporter ou pas. L’important c’est de vous savez quoi, comme le disait son arrière-grand cousin Pierre de Coubertintin. Allez, Tintin vérifiât qu'il avait bien ses clés dans sa poche, respirât un bon coup et enchaîna de grimper le qutrième et dernier étage, rentrer et accrocher son imper sur la patère dans la foulée, placer le vin au frais et s’atteler sans attendre à l’épluchage, non sans avoir passé les pommes de terre sous l’eau au préalable.

Finalement il n’était pas si mécontent de passer la soirée avec Olivia. A la télé c’était redif ou navets, quand ce n’était pas les deux ensembles. De plus, le film terminé, Tintin ne pouvait s’empêcher de zapper une demi-plombe voire plus sur les chaînes d’infos, même si ça le saoulait. Et puis sa généraliste l’avait averti plus d’une fois d’éviter les écrans avant de se pieuter, rien n’y faisait. Ah sa généraliste, une autre qui valait le détour elle-aussi avec ses obsessions des antidépresseurs et autres régulateurs d’humeur. Ouais, ces fichus médecins et leurs fichus protocoles ! Mais stop, Tintin reflua cette pensée pour se concentrer sur la venue qui approchait d’Olivia. Il dressa la table, juste assez grande pour deux, posa cependant une bougie sur la droite pour laisser la place à l’appareil à raclette au centre. Tout était bon ? A priori oui. Non, mieux valait quand même passer un coup d’aspi sur le petit tapis. Cete ch… d’Olivia en plus du reste avait des allergies. Allez, une nouvelle fois vite fait bien fait. En plus qu’elle le relançait sans cesse pour qu’il contacte le Conseil Départemental auprès duquel il avait droit selon elle à une aide-ménagère au vu de son âge. Eh quoi ? Il était bien capable de s’en charger lui-même et Olivia ne pouvait plus l’accuser maintenant de nager dans les poils de chien ! Il en avait déjà eu suffisamment de chagrin à l’époque, et un chagrin qui avait duré comme on s’en doute. Heureusement, de suite après que Milou ait eu son accident fatal, son pote Haddock l’avait quasi contraint à s’installer six mois avec lui à Moulinsart. Il fallait honnêtement reconnaître que cela avait été une bonne chose de lui forcer la main et Tintin en était reconnaissant au capitaine, même si le vieux Tournesol l’avait rendu parfois presque dingo alors qu’il avait les nerfs à vif. Curieusement les schémas d’antan s’étaient un peu inversés et maintenant c’était Haddock qui ne s’agaçait plus des lubies et autres inventions du vieil hurluberlu tandis que Tintin prenait sur lui pour ne pas s’énerver.    

Merde, l’apéro ! Il avait zappé l’apéro. Olivia avait l’habitude de siroter un porto avant le repas et elle avait vidé la bouteille lors de sa dernière visite. Trop juste pour retourner au Prisunic, en plus qu’il n’avait pas la moindre envie de se cogner une nouvelle fois les quatre étages. Tintin ouvrit un à un ses placards. Sauvé ! Une boîte d’olives fourrées aux anchois, Olivia adorait ça, et avec le vin ça ferait bien l’affaire. Plus qu’à l’attendre maintenant. Il se demanda s’il n’allait pas s’en griller une ou deux avant son arrivée. Qu’est-ce que ça changerait, de toute façon il y aurait droit. Au sermon d’Olivia. Bon ok mais à la fenêtre alors, inutile d’en rajouter. Tintin hésita à ouvrir la bouteille pour accompagner d’un verre sa clope mais renonça. Non, ce serait quand même plus élégant de la déboucher avec elle. Il s’en roula donc une et l’alluma appuyé sur ses avant-bras à la rambarde de la fenêtre grande ouverte, matant passants et enseignes lumineuses animant la rue. Il n‘avait pas tiré trois taffes que le carillon d’entrée résonna.

Olivia avait vingt ans de moins que Tintin et portait encore belle. Elle avait choisi un tailleur crème et de discrètes boucles d’oreilles. Il avait été un reporter précoce et elle avait suivi ses premiers exploits quand elle n’était encore qu’une gosse. Sa cervelle n’avait strictement rien à voir avec celle de la première groupie venue et ils échangeaient sur un pied d’égalité. Excepté évidemment ce côté infirmière qu’elle avait développé, comme le font souvent les femmes avec les hommes esseulés. Mariée avec un avocat, elle aimait dire qu’elle ne savait pas si elle avait au juste épousé un fruit ou un légume. Quoique qu’il en soit, l’avocat ne doutait et à juste titre un instant que sa femme ne l’aimât et ne développait pas une once de jalousie eu égard à la relation particulière qu’elle entretenait avec l’illustre journaliste retraité. Celui-ci accueillit son invitée, la délestant galamment de sa fourrure qui trouva place à côté de son imper sur la patère. Avant que de lui ouvrir la porte, Tintin avait fort peu civilement balancé sa clope demi-consumée par la fenêtre mais Olivia ne fut pas dupe. Encore à fumer ! lui glissa t’elle, mais pour une fois décida de ne pas continuer sur sa lancée. Tintin en fut plus soulagé qu’il ne s’y attendait et ils s’installèrent face à face devant la table basse.

Tu t’es garée sans trop de difficultés ? l’interrogea t’il ? Bah, j’ai juste tourné deux ou trois fois, rien de bien méchant, assura t’elle. Tant mieux dit-il, je suis quand même content d’avoir vendu ma vieille ZX il y a deux ans. Cela devient de par trop infernal et je m’accommode très bien des transports en commun. Ah ça, il faut reconnaître ! dit Olivia, plus d’assurance, de garagistes qui t‘arnaquent, plus de pleins à la pompe, et évidemment de problèmes de stationnement. Exact, dit son hôte, et last but not least, bien avantageux pour ma modeste pension. Tu sais qu’ils m’ont encore retiré soixante euros par mois. Ah bon, et pourquoi, questionna t’elle ? Je n’en sais fichtre rien, j’appelle la caisse de retraite, qui me renvoie sur les impôts, qui me renvoient sur la caisse de retraite, enfin bref ! acheva t’il se relevant pour quérir les deux verres à vin, la bouteille et le tire-bouchon ainsi que le bol d’olives. Pas de porto ce soir ? en conclut t’elle. Tintin admit honnêtement qu’il avait oublié mais pensé que la bonne bouteille ferait l’affaire. C’est parfait mon chou rétorqua t’elle. Leurs verres emplis, ils trinquèrent tandis qu’Olivia s’attaquait aux olives. Resté sur sa faim de nicotine, Tintin brûlait d’envie de remettre ça mais savait bien qu’à cet instant cela serait tout-à-fait inapproprié et se consola en songeant à la roulée qu’il s’offrirait dès après le dîner. Comment va ton mari s’enquit t’il ? Oh il avocate il avocate, mais plus pour bien longtemps maintenant. Dans trois, dans cinq ans au pire, il vend toutes ses parts à ses associés et entend bien se la couler douce ensuite, réaliser son vieux rêve de passer du barreau au bateau. Au fait, ajouta t’elle, j’ai eu Bianca au téléphone, elle t’envoie ses amitiés. Eh, les bisous de la Castafiore, plaisanta t’il, je prends je prends. Ah Bianca Bianca, je suis en dessous de tout. Depuis le temps que je dois l’appeler. Comment va son pianiste Wagner ? Olivia ouvrit de grands yeux : Comment ?! Tu ne le savais pas ?! Mais il est décédé l’année passée le pauvre homme. Tintin déglutit : Décédé ? Comment ça, comme ça ? Comme ça, simplement, discrètement, à la fin d’une gamme, rétorqua Olivia. Inutile de te dire que Bianca ne s‘en remet pas, depuis les lustres et les lustres qu’il l’accompagnait. C’est elle qui l’a trouvé, sa tête sur son clavier en un ultime accord de ré. Mince, j’en suis tout secoué dit Tintin. C’était vraiment un brave homme. Mais est-ce à dire qu’elle ne chante plus ? ajouta t'il après réflexion. Plus une seule note, rétorqua Olivia, fini pour elle tout ça. Tout a une fin n’est-ce pas mon cher Tintin ! La fin du rossignol milanais, siffla celui-ci. Voilà qui ne va pas faire de mal aux oreilles de mon ami le capitaine si j’ose dire. ! Allons allons Tintin Tintin, reprit Olivia, pas de mauvais esprit. Je t’ai toujours cru étranger au cynisme. Ce pauvre Wagner et notre amie Bianca totalement perdue sans lui. Non, c’est bien triste tout ça ! Nul cynisme en moi, où vas-tu chercher ça, pour Haddock c’est un fait c’est tout, s’exclama son interlocuteur. La fin du rossignol milanais, c’est une longue page qui se tourne. Ecoute, si nous passions à table pour penser à autre chose, qu’en dis-tu ? Olivia acquiesça, se leva tout en passant sa main sur l’arrière de sa jupe pour effacer (en vain) les faux plis.

Les pommes de terre étaient à peu près cuites à point et la raclette remplit son office de plat amusant et convivial, ce qui n’empêcha pas Olivia de noter sans qu’elle le lui dise que Tintin n’avait pas fait de cuisine et que cela traduisait la lassitude en lui qu’elle ressentait de plus en plus. Elle tentât bien d’évoquer la Syldavie et l’île noire où le reporter avait fait parler de lui en son temps mais ce dernier détourna la conversation. Se replonger dans ses anciennes aventures l’imprégnait de mélancolie bien plus qu’autre chose, et l’annonce brutale du décès récent de Wagner n’améliorait pas les sentiments gris bleu qu’il éprouvait en cette soirée. Il préférât orienter la conversation sur les préoccupantes actualités géopolitiques du moment, lesquelles ne manquaient malheureusement pas, ainsi que fulminer sur la réforme de l’Education Nationale, encore une fois bloquée alors que le niveau des élèves continuait son inexorable détérioration. Mais pourquoi le Gouvernement ne déployait-il pas enfin les écoles alternatives ? Le dîner achevé, Tintin fit comme il se l’était promis, s’en roula une qu’il alluma sans regarder son invitée. Olivia ne broncha pas. Elle était en mode indulgent ce soir. Que dirais-tu d’une petite visite au Père Balèze dimanche en huit ? proposa Tintin. Je ne me rappelle même plus la dernière fois où j’y suis allé. Oui, dimanche en huit ça m‘a l’air ok, répondit Olivia. J’apporterai du lilas. Tu m’as bien dit une fois que ton père aimait le lilas non ? En effet, confirma Tintin, mais ne te sens pas obligée. Tu penses bien que non, rétorqua t'elle.

Elle l’aida à débarrasser et ils se rassirent devant la table base devant un déca, se contentant cette fois d’échanger quelques banalités sur les avantages/inconvénients du couple et du célibat. Imperméables à tout sentiment, les aiguilles tournaient. Vingt-trois heures, dit-elle consultant son portable, un peu tard pour une crapette. Je vais y aller, mon cher avocat doit m’attendre pour se coucher. Entendu dit Tintin. Il aida son invitée à reglisser ses épaules dans sa fourrure. Dimanche en huit, confirma t’elle, et je t’en prie, pense au Conseil Départemental, fais-le pour moi. Ok je vais y penser, promit machinalement l’ex journaliste avant de lui déposer un rapide baiser sur les lèvres, comme à leur habitude et de refermer la porte derrière elle, veillant à bien  la verrouiller ayant lu sur internet que soixante pour cent des cambriolages s’effectuaient de nuit en la présence des occupants. Quand il eût terminé la vaisselle, le parfum d’Olivia flottait encore dans la pièce. Tintin bailla, réfléchit à l’opportunité d’en fumer une dernière et décida finalement que ça allait bien comme ça. Il rejoignit la salle de bain où il enfila son pyjama bleu satin, son préféré. Ah ! Il retourna dans le séjour prendre la chaise devant son bureau qu’il transporta dans la chambre et cala près du côté droit de son lit. C’est que ces derniers temps, il était plusieurs fois tombé à terre pendant son sommeil. Il s’était demandé s’il ne lui fallait pas remplacer son matelas de 90 par un 120 cm, mais cela prendrait plus d’espace dans la petite chambre et Tintin préférait l’espace, ceci sans parler bien sûr de l'aspect portefeuille. Bon, pour l’instant la chaise faisait l’affaire. Il se glissa sous la couette, chaussa ses lunettes et attrapa son thriller du moment. Maintenant il était obligé de fermer son œil gauche pour déchiffrer les lignes. Mais son esprit flottait vers Wagner et Bianca, c’était une partie de sa vie qui disparaissait, une partie de ses albums qui s’effaçait, et il n’arrivait pas à se concentrer sur son bouquin. A demain Tintin se dit-il, éteignant la lampe de chevet. Sans surprise, Milou ne répondit pas. Ah ! songea t’il soudain, une énième fois contraint à l'exil par Tapioca son sempiternel rival, Alcazar passait prendre le café samedi. Tintin fut pris de sueurs froides : sous ses aspects rustauds, Alcazar était passablement finaud. Tintin était persuadé qu’il était sur la piste, qu’il allait remonter le cours des événements, découvrir que les liens avec Tapioca dataient de 58. Tintin songea à sa défense : Je ne savais pas que… Je croyais que… Je pensais que…A ce moment Jack n’était pas au courant… Mince, les mensonges sonnaient faiblards. Bon, on n’était que mercredi. Tintin balaya ses idées sombres d'un revers de main, demain, j'y penserai demain, se dit-il tel Scarlett à la fin du bouquin. Ah ! Penser à vérifier s’il restait suffisamment de café. Dans l’obscurité il se redressa sur son céans et fit un nœud à son traversin pour ne pas risquer d’oublier. Il se ré-allongea, remonta soigneusement la couette par-dessus sa tête et s’écrasa immédiatement dans un sommeil sans rêves. Depuis quelques courtes années, la nuit signait pour lui une bienvenue trêve.  

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Ancolies

14-10-2022

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Nom d’une pipe ! (que sont-ils devenus ?) appartient au recueil Nouvelles du monde

 

Texte terminé ! Merci à Ancolies.

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