Une vie à reconstruire - Pause-Mélancolie

Une vie à reconstruire

Je ne peux pas exactement dire toute ma vie, puisqu’à l’origine comme tout un chacun j’étais enfant, mais disons dès l’âge de 12/13 ans je me suis senti différent. Déjà une conscience très marquée des inégalités sociales (je suis d'obédience aristocratique), déjà à 5 ans un sentiment très puissant de l'absurdité de Paris où je vivais, puis tous les autres sentiments encore d'absurdité, d'obscénité, d'indécence, d'indigence et d'indifférence du monde dans lequel nous vivions, de la corruption à grande échelle aux petites envies jalouses, étroites, mesquines, si basses qui nous environnent. Ce qui a eu pour effet un parcours de vie compliqué, très compliqué même, et c’est toujours le cas, pire que jamais en ce moment. Et en reprenant l’expression toute ma vie, de cette différence ressentie et cette difficulté d'adaptation au monde, j’ai craint de finir à charge des autres, comme un poids, un parasite. Je traverse en ce moment, et pour combien de temps encore, des épreuves qui font ressurgir cette crainte.

Je croyais naïvement avoir atteint une certaine paix avec l’âge. L’épreuve que je traverse depuis 3 mois, et pour combien de temps encore ?, met tout sens dessus-dessous, projette ma vie en mille morceaux et miettes à droite et gauche et je vois mon avenir s’effondrer.

Ce n’est pas nouveau : ceux qui me connaissent savent que mon désir de mort est plus important que celui de vie (même si je tente de dissocier et faire la part des choses, cette indécence et absurdité du monde plus haut évoquées me font énormément souffrir). Il y a 2 ans j’ai fait une pneumopathie sévère et - ce n’est pas de la coquetterie -, j’ai regretté de ne pas y rester. Toutes mes affaires morales et terrestres étaient en ordre et j’étais prêt. Mais une fois de plus - c’était loin d'être la première car je suis plusieurs fois un survivant -, le destin a décidé que ce n’était toujours pas mon heure. Donc je suis toujours là, avec l’obligation d’assumer et assurer. Et il m’est totalement interdit d’utiliser mon colt ou toutes mes boîtes de somnifères pour régler la question une fois pour toutes. J’ai un fils, j’ai l’obligation morale d’être courageux, fort et digne et de ne pas lui infliger ce qui serait un gigantesque traumatisme. Je n’ai pas le droit de ne pas faire face et d’être lâche.

Sauf 8 ans durant, j’ai passé les 45 années de ma vie d’adulte seul. Aujourd’hui je fais face à des choses qu’il est sinon impossible très très difficile d’affronter seul. Cela m'apparaît comme presque toute une vie à reconstruire. Cela va demander de la chance, du courage, du travail, beaucoup de confiance, de patience et d'énergie. Qu’est-ce que sera demain, le début ou la fin ? chantait sur une jolie mélodie Yves Simon. Demain sera simplement la suite mais à ce jour sa couleur est bien noire. Je crois que je n’ai jamais autant envié les croyants. Je parle des vrais croyants, les croyants pratiquants. J’en connais quelques-uns et suis toujours frappé par la confiance, la force, la joie et même l’allégresse qui les portent et même les transportent. Oui ils soulèvent humblement des montagnes. L’un d’eux m’a demandé, au vu de mes difficultés actuelles, de prier chaque jour 3 minutes Saint Joseph. Je me suis aperçu que je ne savais pas prier. Ce qui ne l'empêche pas de le faire lui pour moi en récitant chaque soir des neuvaines.

Peut-être est-ce impudique de publier ce texte. Mes petits problèmes personnels et les Ukrainiens et le fou furieux nucléaire... Tant pis, je publie. Toute aide, tout soutien, 3 mots de bienveillance ou de fraternité sont bienvenus.