"Un drôle de paroissien " est une tranche de vie mise en ligne par
"Ancolies"..
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Un drôle de paroissien
Renaud, un garçon à vivre pour qui comprends si tu peux. Renaud est un être curieux, dans le sens improbable. C’est un ami de jeunesse qui doit avoir une petite dizaine d’années de plus que moi, et toujours de bonne prestance (pas de belle nan). Nous avons fait beaucoup de voilier sur la Manche et de multiples parties de tennis en Normandie ensembles (l’était raide, physiquement c’était incroyable, et vues nos conversations téléphoniques d’aujourd’hui je suis sûr qu’il l’est toujours ainsi que psychiquement). Oui il est pour le moins bien étrange ce garçon que je vous présente, bien coincé quelque part dans sa liste géologique et généalogique de principes. Ses études supérieures terminées, il est rentré comme rédacteur juridique dans les assurances Axa et y a passé sa vie, jusque sa récente retraite. Comme il a rédigé des centaines, des milliers peut-être de ces sexy contrats juridiques, il se pique d’écriture. Aussi m’a-t-il proposé à l’époque de corriger le premier chapitre de mon premier livre. D’accord. La conclusion du premier paragraphe était : Comme je ne fais plus de bateau, je fais du balcon. Voilà. Le balcon, un sport qui soulage. Il a corrigé : le balcon, un non-sport qui soulage. Un trait d’esprit que nos chers amis cette chienlit de publicitaires qualifieraient très certainement d’anti-saut créatif. Oui, l’art et Renaud ça fait deux. Ne m’a-t-il pas déclaré récemment qu’à ses yeux la littérature n’était qu’une distraction superflue dont l’usage ne devrait être que l’apprentissage de la lecture et l’écriture aux enfants. Il faut dire que passer 50 ans dans la même boîte n’est pas un des signes d’un goût de l’aventure, de l’ouverture et la curiosité, et de la découverte des plus flagrants. Renaud est un fervent croyant. Dieu le bénisse. Mais je l’ai il y a quelques années en raison de ses multiples et incessantes injonctions provocatrices (Descends de ta tour d’orgueil pour ramper nu devant ton Créateur), moi qui suis humble comme le péché, je l’ai donc envoyé promener en l’affranchissant d’un texto qu’il commence donc par se réfléchir (parce que pour ce qui est de l’orgueil il en connaît un rayon. Axa lui a offert un horrible break Mercédès et il n’en ait pas peu fier). Puis il a renoué le contact il y a quelques mois en m’envoyant en cadeau un bouquin sur Higelin que je lui faisais découvrir il y a 55 ans parmi moult groupes et artistes et nous dansions ensemble dans sa chambre à la grande horreur de sa mère qui menait son troupeau d’une poigne de fer. Achtung discipline. (Aujourd’hui il m‘assure que le rock est une musique de sauvages). Il s’est donc repointé en m’assurant qu’il laissait tomber la mission qu’il s’était unilatéralement assignée de me convertir. N’empêche que c’est un sacré paroissien, pas un intégriste mais un sacré phénomène. Il a de désarmantes positions sur la sexualité. Parlant d’un ami commun de notre génération qui a une copine avec laquelle il s’adonne à des cabrioles, Renaud me le désigne en état de péché mortel puisque le copain et son adorée n’ont pas convolé en justes noces sous les nefs dorées de Notre Seigneur. Péché mortel ? Nous sommes au 21ème siècle Renaud, lui fais-je aimablement et stupéfiamment (sic) sur le cul remarquer. Le temps n’y change rien, les règles sont les règles, me rétorque t’il. Dans le même ordre d’idée, il avait une jolie femme, hélas et c’est la vie décédée à 50 ans d’un cancer, qu’il avait cessé d’honorer une fois sa ménopause opérée. J’aurais eu l’impression de faire l’amour avec ma grand-mère, m’explique t’il. Et également l’acte de chair ne doit être pratiqué dans un couple uniquement dans l’objectif de procréer. Et encore le partage n’existe pas : si un garçon parle à une fille c’est obligatoirement de la drague. Quant aux femmes, pour peu qu’elles soient suffisamment désirables aux jeux d’un quidam, elles trompent toutes leurs maris. Il faut dire qu’il est aussi névrosé que ses 2 frères, chacun à sa façon (psychorigidité chez lui, empereur de l’ennui et du non-épanouissement pour le cadet qui n’a jamais dépassé le complexe de sa peau du visage grêlée et se réfugie dans son affolante collection de bd, et enfin alcoolisme, borborygmes et avc récent pour le benjamin), ce qui ne m’étonne guère au regard du spectacle de sa famille et particulièrement de ses parents lorsque je dînais régulièrement chez eux il y a 5 décennies. Lui et ses frères avec lesquels j’étais également ami, bien qu’ils soient entre eux d’une rivalité féroce (prends ce coup de hache) s’amusaient à me faire boire - mais c’était inutile - à table pour que j’énumère les âneries qui tournaient les têtes de leurs géniteurs. Pas du père en fait qui était un farceur lui-aussi alcoolique auquel chaque fois qu’il ouvrait la bouche sa femme lui assénait un Tais-toi, tu te donnes en spectacle. L’harmonie conjugale quoi, avec la télé toujours allumée durant le diner (comment se concentrer sur les mets et le verre de rouquin). Enfin, j’accorde une marge de clémence et patience à ce sympathique Renaud car ce malheureux a la malchance d’avoir un enfant, adulte aujourd’hui, autiste, et qui de surcroît vient d’attraper lui-aussi un cancer, ce qui explique ma compassion à son endroit Le fils passe la semaine dans un centre spécialisé probablement hors de prix et le week-end avec son père et on peut constater qu’un amour profond les unit. Ce qui est bien sûr autant très bien que précieux. Mais je ne ferai plus de traversées de la Manche avec le père, pas plus qu’une partie de tennis, auquel lui joue toujours (raide ?) mais moi j’ai un pied cassé doublé de jambes flageolantes et d’un souffle très très court. Et je n’ai pas envie de jouer avec lui, j’ai envie de discuter. Enfin, fin des hostilités sonnée, à nos âges combien de cette chose qu’on appelle le temps nous reste t’il à l’un et l’autre. En tout cas il souhaite que sa disparition coïncide avec celle de son fils, sinon qui s’occupera de celui-ci ? Je leur souhaite ce destin, cet heureux dénouement aussi. Ah Renaud, je ne te l’ai pas dit mais le bouquin (pas terrible) sur Higelin je l’avais lu déjà. Mais je vais le relire dans l’exemplaire que tu m’as envoyé. Vu qu’il s’agit d’un cadeau et non d’un ouvrage vaguement lambda emprunté parmi tant d’autres à la médiathèque, cela fera peut-être une agréable différence. Et bien que tu m’aies avant que je n’y mette fin bien et durablement gonflé avec cette ritournelle de ramper nu devant mon Créateur, (et toi tu campes où ?), merci encore vieille branche. Irradié, je te le dis mon ami, je suis le fou, le sage, le débile. |
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Un drôle de paroissien
appartient au recueil Nouvelles d'une vie
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Tranche de Vie terminée ! Merci à Ancolies. |
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