Sur papier gris (Suzie Q c'est ... - Inclassable

Sur papier gris (Suzie Q c’est moi)

C’est de cette façon que j’écris. En parlant. Grammaticalement c’est souvent incorrect, je n’entrerai pas à l’Académie des Lettres. Il y a des lecteurs qui ne supportent pas. Ils ressentent comme une agression, une intrusion. D’autres apprécient. Ils disent j’ai l‘impression que tu es là avec moi et qu’on est en train de discuter. Et qu’en pensent les éditeurs ? De cette écriture parlée ? Je ne leur ai pas posé la question. Pour mes bouquins s’entend. Du temps où j’avais mon groupe rock Le Pont de la Rivière Pleure, je prospectais : grosses maisons de disques, labels indépendants, éditeurs musicaux, artistes et agents d’artistes… Des centaines et des centaines d’envois de k7, textes, recueils de textes édités sur papier gris perlé. Effet : une réponse négative standard pour 100 envois. Multipliée par je me répète des centaines et des centaines de fois (une exception : le chanteur Christophe qui m’a appelé dans les 24 heures). Ce silence, cette indifférence, ce vide, cette vacuité… à se pincer l’avant-bras gauche (sauf mon pote Bernard le manchot), à se frotter les yeux en se demandant si l’on a effectivement réalisé toutes ces démarches. On ouvre le dossier dédié sur l’ordi pour vérifier : exact, on l’a bel et bien fait. Heureusement qu’il existe ce dossier sinon l’on pourrait douter de sa sainteté mentale. Croire que l’on a rêvé. Douter de soi. Ces envois. L’argent et l’énergie dépensés. Pfffttt j’ai totalement arrêté. Les salles d’attente j’ai arrêté. Toutes les salles d’attentes. Toute attente. Elle n’existe plus. La vie a déjà commencé non ? Et vous, attendez-vous ? Attendez-vous toujours ? C’est vain selon moi. Je connais plus simple : faire. Il n’y a pas d’autres questions au guichet sélectionné. Faire. Instant après instant, chanson après chanson, chapitre après chapitre.

Songeries sur papier gris. Ça lui a bien plu à Christophe, le chanteur que j’évoquais plus haut. Ah t’écris sur papier gris ? Moi aussi. Ah t’habites av’ nue d‘Italie ? Aline aussi. Aline ? Rappelez-vous. Et j’ai crié, crié, et j’ai pleuré, pleuré… Moi j’ai chanté. Moi j’ai dansé. Tout seul ou avec elle. A 5 heures de l’aprèm ou du mat. Avec le son ou sans. Son pour son, sans pour sans, c’est pas mal nan ? A pas d’heures ni saisons tandis que la ville bossait, ou trichait, organisait des départs de feu dans les caves, taxait des vélos. Un tit vélo dans la tête. Sans les mains. Sans les pieds. Sans les roues. A quand remontent vos 1ers souvenirs ? Aux tétines ? Aux 1ères bibines ? Celles où tout s’est déchiré, celles où vous avez tout pris dans la face, le blues, le rock, le chichon, l’état de cuite, les cours séchés, les bd volées. Vos parents s’arrachaient les cheveux. Attention ! La calvitie n’arrive pas qu’aux chauves. Chauve qui peut la vie. Rose qui peut la vie. Chanter chanter sans permis. Comme le fleuve seul dans son grand lit. Les oiseaux de mélancolie. Et puis, et puis, la rivière rêverie. La fille au bar devient jolie. Et le pourquoi est juste le temps qui passe.

Quel jour est-on ? Dans la nuit pâle brille le laiton. Le soleil est étain, le sommeil c’est chacun. Chacun pour sa peau sur son matelas de repos. Et les insomnuits ? Quoi les insomnuits ? Faîtes un journal : j’ai fumé, j'ai maté une vidéo, j’ai regardé yeux interdits j’ai bu un thé d’Irlande ou bien d’ici, j’ai prononcé de silencieux mots. A l’adresse de qui ? Eh oh, là-haut, est-c’ que c’est beau ? ici c’est laid. Eh oh, là-haut, si c’est pas beau, du balai. Allez bosse, du balai ! Les privilèges de la beauté sont immenses écrivait Cocteau. Il eut pu ajouter ceux de la jeunesse. Mais la jeunesse ne le sait pas, la jeunesse trépigne et s’impatiente, la jeunesse graffite sur des murs irréguliers Plus vite l’univers. La jeunesse chante J’ai 20 ans la vie est vieille. Ché pas, mettez-là en veille. J’ai veillé sur toi mais je n’ai pas tout vu. Je n’ai pas vu la profondeur de ta détresse. Je m’en veux, bottez-moi les fesses tirez-moi les tresses. Que puis-je pour toi aujourd’hui, petit ? Sois fort, fais que ta souffrance ne t’empêche. Ne lui laisse pas toute la place. C’est pas moi Docteur c’est ma peur, qu’a cassé sa machine à vasseur. C’est p’t-être mon cœur crevé, ou mon idioteur surchauffé, ou c’est p't-être le ciel qui s’ennuyait d’elle, ou alors la k7, la k7, à tue-tête, dans ma tête, ou encore c’est les bielles, brunes rousses belles, toutes ces bielles de rhum que j’ai touchées, touchées coulées, que j’ai touchées coulées. Mais c’est pas moi c’est ma sœur.

Quel jour est-il ? Lundi. Pour sauver Robinson tapez 1, pour sauver Crusoë tapez 2, pour sauver Vendredi rappelez aujourd’hui ou mardi. Lundi. Encore un jour qui passe. Ici-bas un peu plus d’eau et un peu moins de glace. Vanille fraise, caramel, esquimaux, chocolat. Qu’est-c’ que tu lui veux au juste à Suzie Q mon p’ tit gars ? Ah, tu lui as apporté des chocololats, c’est formidable ça ! Ben tu peux me les donner à moi tes chocololats mon bon p’ tit gars, car vois-tu, Suzie Q, c’est moi.