Mon amoureux, devant Dieu... - Journal intime

Mon amoureux, devant Dieu...

  Boucher - Héraclès et Omphale - Musée Pouchkine - Moscou

   ... je t'écris cette lettre.

Depuis des semaines et des mois, tu t'emploies à me répondre que je suis amoureuse lorsque je te cite mes projets pour toi. 

Les êtres comme toi sont rares. Ce n'est pas ta présence qui me le dit car lorsque tu es là, tout concourt à bleuir les cieux les plus ternes, tout s'emploie à poser des horizons sur les paysages qui n'en ont pas. Il est facile de dire que je t'aime dans le refuge de tes bras caressants. Quand tu es là tout est simple car la vie réserve aux amoureux ces moments si préservés, si loin des fatigues du monde. Ils sont un privilège que je déguste lentement, ne perdant pas une miette de toi qui me fais fondre à la chaleur de chacun de tes regards. 

Je sais que tu es vraiment comme tous les hommes et toutes les femmes dans leur quotidien sauf qu'il t'arrive parfois de voir passer une étoile qui te salue, ça ne dure que le temps d'un passage d'étoiles car elles ont pour habitude de ne pas s'attarder. 
Puis, comme beaucoup de gens, il te faut dire bien des sottises pour espérer exprimer un ou deux trucs sympas.

Oui, et lorsqu'il t'arrive d'être un artiste, un peu malgré toi, tu devines alors la vie dans ses parties cachées.

Je pense que notre rencontre est un cadeau du destin, il va nous falloir respecter ce cadeau pour mieux l'apprécier et en être dignes. Un cadeau du destin ou un encore un présent d'origine divine. De l'un je ne saurais démêler l'autre.

C'est lorsque tu t'absentes que s'offre alors à ma conscience et devient évidente la singularité de ton être. Le temps s'arrête et je mesure enfin combien tu es capable, lors du passage de cette étoile, de saisir en un instant tout ce que l'homme a de pitoyable pour en déduire et dicter la lucidité dont a besoin l'humanité afin de se reprendre.

Il suffit de ramasser et lire tous ces messages que tu laisses après toi, tous ces poèmes que tu écris, toutes ces traces qui sont les tiennes pour savoir. Savoir que marcher dans tes pas, c'est s'offrir le luxe de vivre pleinement. Et même si nous n'y pouvons encore rien, avancer ma main serrée dans ta paume, c'est se donner les moyens, avoir l'immense chance de pouvoir alerter les générations futures. Quelle incommensurable certitude que d'imaginer que l'on aura participé à la renaissance de l'être humain.

C'est lorsque tu t'absentes que dans les empreintes laissées en moi par tes réflexions et tes pensées, je trouve source de vie. Ce que tu lis entre les lignes, ce que tu repères dans les coins obscurs du quotidien qui t'entoure, tu le transmets. La passation faite par les êtres d'exception est l'unique qui permettra à nos enfants de ne pas tomber, de relever la tête du joug posé par ceux qui nous ont enchaînés, pour mieux reparaître. 

Ta grande perspicacité a toujours su que l'on ne connait pas le monde une bonne fois pour toutes, tu n'affirmes jamais ni n'imposes, tu suggères afin que les autres disposent. C'est du domaine des grands. Tu écris les troubles dont tu perçois le sens, générant ainsi chez ceux qui te lisent une possible acuité visuelle qu'il ne tient qu'à eux d'élargir. Tu leur fournis la moëlle, à eux de s'en débrouiller. Tu es là aussi, encore, défenseur acharné de toutes les libertés.

C'est lorsque tu t'absentes que les broderies laissées par ta main sur ma peau me racontent à quel point tu as voyagé avec les muses. Ce sont ces périples avec Calliope, Euterpe, et Clio, entre Thalie et Erato qui t'ont offert la sensibilité et l'émotion propres à décliner les souffrances et les joies de la vie. Une fois de plus, ta passion pour l'être humain te donne le courage de porter à bouts de bras les défaillants du chemin.

Je suis amoureuse me dis tu?  Non, bien plus que ça. 

Je t'aime parce que TU ES.

Illustration : Ch.Guerry

Texte : Ca.Valmalette

Le 13/02/2015