M'avez-vous lue ? - Texte

M'avez-vous lue ?

Les Excuses

J’ai une drôle d’envie ce soir

Celle de me moquer, gentiment, de toutes les excuses

Que les gens donnent quand de manière aléatoire

Je leur demande : « M’avez-vous lu ? »

Il y a les : « J’ai pas l’temps ! »

Les « J’ai pas l’temps » sont les plus nombreux

Ce sont les plus habiles, ceux-là sont multitude.

Ils ont dans leur poche tout un tas d’arguments qui va

Des mômes à la maison jusqu’au vacances à préparer

En passant par les courses et les rendez-vous médicaux

Il y a les « j’suis Cosette »

Ceux-là sont très variés

Ce sont les plus inventifs, toujours en train de cumuler.

Devant tant de douleurs, je ne peux qu’acquiescer

L’alcool de papy André, les notes de Théo,

Le passé des horreurs, les maladies de tata Ginette

Il y a les « Politiques tic tic »

Les « politique tic tic » sont très informés

Ce sont les plus bavards, toujours les plus au courant

De tout ce qui les préoccupe, et dont ils vous assomment

Des manifs, des guerres, des prix, des séismes, des journaux

Des élections, des drapeaux, du monde où tout fout le camp.

Il y a les « j’ai mal partout »

Ce sont les plus ennuyeux, une véritable plaie

Ils énumèrent tous leurs maux plus vite qu’il ne faut

Des radios des os en passant par la dentiste

Sans compter les articulations et le dernier médicament

Et que dire des « y’a qu’moi qui compte » ?

Ils sont si fréquents que j’en ai le tournis

Très adroits à vous couper la parole pour vous déclarer

Tout de go ce qui, je vous l’assure, vous saoule tout aussitôt :

 « Moi je », « Je voulais », « Je suis sûre », 

« Je dis que »,  « Je » « Je » « Je ».

Inutile mieux vaut passer mon chemin

Son moi prend toute la place.

Il y a, je ne dois pas les oublier, les « mystico décollé »

Ceux là sont terribles, il me faut bien l’avouer

Très dévots, ils vont vous avancer tout leur programme

De prières et de célébrations, de dons bénévoles,

Des heures à la paroisse et tant de saintes occupations

Qu’à vrai dire, je finirai par m’en vouloir

Si par malheur mes pauvres écritures couraient le risque

De les mener tout droit en purgatoire !

Il y a les « pt’être bien qu’oui, pt’être bien qu’non »

Ils sont redoutables car ils vous donnent de faux espoirs

En fait ils font semblant de bien s’intéresser

En vérité, ils s’en foutent complètement et

De son oui, et de son non, alternatif comme le courant

Je n’aurai rien de plus que leurs atermoiements !

Enfin il y a les « J’ai la critique facile, je suis un littéraire »

Ils sont tellement remplis d’eux-mêmes qu’y’a plus la place

Pour lire mes petites, que dis-je ? Mes touts petits,

Que dis-je ? Mes minuscules, Mon Dieu que dis-je ?

Mes ridicules petits morceaux d’écrits, moi, la vantarde,

Inapte à bien rivaliser leur magnifique « égo »

Et puis il y a les « J’ai pas le temps ! »

Ah, je les avais déjà cité ?

Ah, oui, mais, c’est qu’ils sont en boucle !

C’est pour ça, j’ai l’impression qu’ils sont en mode « repeat »

Sur leur audios à toujours réciter :

« Faut du temps », « si j’avais le temps », « On a si peu de temps »

« Que j’aimerai avoir le temps » « Dès que j’ai le temps ! »

« C’est ce qui manque le plus voyez-vous : le temps »

« Ah mon Dieu, encore un peu de temps »

« C’est que ça prend du temps ! »

Au secours, ce temps depuis le temps qu’il manque autant

J’ai comme le temps de lui laisser tout le temps !

Moralité : Je ne demanderai plus : « M’avez-vous lue ? »

Ils sont si occupés, c’est peine perdue

Mieux vaut manger mes chocolats devant un bon bouquin

Qui m’fera oublier tous leurs bidules et leurs machins

Qui vous racontent toutes leurs excuses et baratins.