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Le jour - Histoire Très Courte

Histoire Très Courte "Le jour" est une histoire très courte mise en ligne par "FuturTibetain"..

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Le jour

Dans ce monde-là, les jours sont beaux. Oh, pas nécessairement heureux, sereins ou idylliques, non, loin de là. Mais ils semblent offrir à chacun le plus beau cadeau qu’il soit : la possibilité de construire sa vie jour après jour...

Sébastien est un ouvrier accompli. Non pas qu’il dénigre son côté intellectuel, bien au contraire, mais les activités manuelles c’est vraiment son truc, ce qu’il a dans les tripes, sa passion, sa foi. Avant toute chose il aime le bois, son odeur, ses couleurs multiples, sa variété de textures insondable, l’espace de créativité qu’il dégage et cette noblesse unique du matériau mariant à la fois la solidité de l’inerte à la fragilité de l’organique. Une ode constante à la nature pourrait-on dire, à son éphémère éternité, à ses lumineux mystères. Mais par-dessus tout, ce qu’il aime c’est apprendre, transmettre, porter haut sa foi et sa flamme de génération en génération. Il enseigne à tous et à toutes, mais son élève préféré et assidu c’est son fils. Son fils qui est l’œuvre de sa vie, sa chair, son sang, sa fierté éternelle. Le souffle qui donne son sens et son oxygène à toutes ces passions et ses rêves. Construire une telle vie, jour après jour, effort après effort, patience après patience, avec tous ces bons moments et tous ces obstacles, c’est pour Sébastien chaque jour l’occasion d’un accomplissement. Oui mais...

Vanessa semble avoir trouvé sa voie depuis toujours: les enfants. C’est son métier, éducatrice, c’est sa mission, c’est son ADN. On ne peut pas dire qu’elle n’ait jamais eu à chercher, tant l’évidence était là depuis le début. Et même si elle ne pourra probablement jamais complètement expliquer pourquoi, elle s’en fout, elle a ça dans le sang, ça la définit et ça la rempli. Ca la représente et ça l’alimente de sens.  Elle n’a jamais tenu de discours utopique ou mielleux, elle n’est pas du genre à les idéaliser, ni à les mettre sur un piédestal. Pour ça non, elle est claire, hors de question que les gosses soient traités comme des rois, il ne s’agit pas d’en faire d’éternels égoïstes angoissés et angoissants allant suralimenter la pyramide mondiale de gamins pourris-gâtés et malheureux à vie. Mais ce qu’elle sait faire comme personne, c’est être juste avec eux, avoir cette vraie présence qui les canalise naturellement, arriver à guider leurs joies et leurs peurs vers un avenir solide et rassurant, dans un monde qui ne l’est pourtant pas si souvent ! Finalement, ce qu’elle réussit si bien avec et grâce aux enfants, c’est dessiner à merveille la toile de sa vision de la vie, juste, progressive, constructive, optimiste. Et globalement elle est très fière de son œuvre. Oui mais...

Oscar à choisi une toute autre vie. Extrêmement solitaire, mais c’est réellement un choix assumé et entériné. Il a bien essayé de se marier, a réussi d’ailleurs, mais tout ce bonheur si classique, si attendu, si semblable à une autoroute des grands déserts américains l’a bien trop vite lassé et éloigné de sa véritable nature. Il a découvert, à vrai dire un peu pour fuir son ennui au tout début, que ce qui l’appelait au plus profond de son être c’était les grands espaces, la liberté absolue et intègre. Il n’a jamais été aussi puissamment heureux qu’en solitaire sur l’océan, enfin au contact de son destin. Il pourrait jurer qu’il n’a jamais vraiment eu peur de mourir, même s’il a très objectivement côtoyé la mort de très près et à maintes reprises. Mais sa peur la plus profonde, après avoir traversé ces épreuves et cette folie, c’était de perdre à nouveau sa liberté, son bien le plus précieux, ce que chaque cellule de son corps réclamait à présent comme un unique but dans sa vie. Alors il était heureux, sur son ile quasi déserte. Il mangeait peu mais bien. Côtoyait quelques personnes, pas si souvent mais toujours avec grand plaisir et fidélité. Il possédait très peu si ce n’est une cabane, quelques maigres objets et son chien. Mais il avait entièrement construit son bien-être, sa liberté, sa vie. Et chaque jour il se sentait comblé. Oui mais...

A présent que le jour déclinait et que la nuit allait déposer - officiellement pour quelques heures - une parenthèse sur chacune de ces vies, la terrible réalité commençait à gagner la conscience de toutes ces âmes, jusque là dupées par le mirage d’une existence construite sur la durée. Car dans ce monde-là, en réalité, rien, absolument rien n’avait jamais existé avant ce jour. Toutes ces vies, glorieuses ou miséreuses, fortes ou aseptisées, merveilleuses ou douloureuses, entourées ou solitaires, tout avait été imaginé de A à Z et construit en une nuit par un dieu capricieux et joueur. Tout leur passé, tous leurs souvenirs, tout n’était qu’une pure illusion. Seul cet unique jour, le jour actuel, existait vraiment. Et bien entendu, aucune forme de futur n’aurait lieu non plus car dès la nuit tombée, chacune de ces vies serait méticuleusement figée, démontée, désintégrée jusqu’à la dernière molécule et oubliée par la divinité perverse et impatiente qui régissait ce monde-là. Leurs vies à tous se résumaient à ce misérable et dérisoire « aujourd’hui », ce jour orphelin égaré dans un monde stérile sans veilles ni lendemains, cette tranche de vie ridicule, cette miette d’existence à la dérive dans un cosmos de néant, cette goutte de lumière perdue dans un océan d’obscurité intégrale. Ainsi, alors que l’astre solaire commençait à flirter paisiblement avec l’horizon, chacun comprit intuitivement que la fin de leur jour unique était proche. Alors serrant la main de ceux qu’ils aimaient tendrement,  leur amis, leurs compagnons, leurs enfants, leurs parents, leurs animaux de cœur, ils levèrent les yeux et firent l’adieu au soleil, car ils savaient qu’ils ne le reverraient pas.

Dans ce monde-là, les jours sont beaux. Oui mais... il n'y a qu'un jour.

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FuturTibetain

02-07-2021

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Le jour n'appartient à aucun recueil

 

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