Connexion : supprimer Ou

La Passion Suspendue - Critique de Film, Théatre, série...

Critique de Film,  Théatre, série... "La Passion Suspendue" est une critique de film, Théatre, série mise en ligne par "Paulette Pairoy-Dupré"..

Venez publier une critique de film, Théatre, série ! / Protéger une critique de film, Théatre, série

La Passion Suspendue

Le Festival Théâtral de Chantilly a ouvert sa saison le 10 juillet avec  La Passion Suspendue de Marguerite Duras interprétée par Fanny Ardant, un spectacle crée en 2019 au Théâtre de l’Oeuvre à Paris.

Aimée, adulée par certains, décriée par d’autres, Marguerite Duras (1914-1996) occupe incontestablement une place importante dans la littérature des années 1980. On lui doit notamment Un barrage contre le Pacifique, Moderato Cantable, La Musica, Hiroshima mon amour, L’été 80 et bien sûr L’Amant , autofiction qui lui valut le prix Goncourt en 1984 et qui fut porté au cinéma par Jean Jacques Arnaud en 1992.

La Passion Suspendue publiée à titre posthume est une série d’entretiens qu’accorda Marguerite Duras à la fin des années 80 à une journaliste italienne, Leopoldina Pallotta della Torre, pour La Stampa.

Bertrand Marcos qui a adapté le texte a pris la place de la journaliste et recueille les confidences de l’auteure alors âgée de 75 ans, sur sa vie, les lieux qu’elle a aimés, ses passions, sa famille, son engagement politique, ses amours, ses démons et bien sûr l’écriture, le cinéma et le théâtre.

Pour tout décor, un canapé Chesterfield et son fauteuil assorti devant un tapis, une table et une chaise, et en arrière plan le paysage de verdure magnifique du parc du Potager des Princes, son plan d’eau, son cerf majestueux, sa guinguette et ses cygnes, canards et paons qui s’invitent parfois près de la scène.

La mise en scène est minimale, le texte ne se prêtant qu’à quelques déplacements des deux protagonistes sur l’espace scénique qui permettent néanmoins au spectateur d’admirer la silhouette longiligne de Fanny Ardant dont on a peine à croire qu’elle vient de souffler soixante douze bougies.

Lorsque le journaliste lui rappelle son lieu de naissance, Gia Dinh près de Saigon dans l'Indochine coloniale, des images du Mékong lui reviennent et dans une conversation à bâtons rompus, l’écrivaine évoque son enfance, sa mère, sa double culture, puis sa rencontre à 15 ans du fils d’un riche propriétaire chinois avec lequel elle aura une aventure au mépris de toutes les conventions sociales.

Elle confesse avoir écrit dès son plus jeune âge: « A onze ans, je vivais en Cochinchine, trente degrés à l’ombre. J’écrivais des poèmes » Puis «pour faire parler le silence dans lequel on m’avait écrasé pendant douze ans.»

C'est en écrivant qu'elle prétend avoir appris qui elle était. « C'est à travers la solitude vitale que l'écriture s'est faite. L'écriture contient en son essence une solitude nécessaire pour naître » précise-t-elle. « Peu importe où nous nous trouvons, l'écriture s'emporte partout. Elle est en nous. »

Elle ajoutera plus tard « qu’écrire c’est aussi ne pas parler. C’est se taire. C’est hurler sans bruit.»

Elle fait allusion à une écriture masculine « Les hommes sont incapables d’écrire avec le coeur et n’ont de cesse de parler d’eux mêmes.» « Par écriture masculine, j'entends celle qui est trop alourdie par l'idée. Proust, Stendhal, Melville, Rousseau n'ont pas de sexe.»

A la question : « Quelle est selon vous la tâche de la littérature ?» elle répondra : « de représenter l’interdit, de dire ce que l’on ne dit pas normalement. La littérature doit être scandaleuse.»

Bien sûr elle parlera de sa mère, «exubérante comme seules les mères savent l’être »,

de son frère aîné dont elle avait peur « C'est de là, je crois, que provient cette méfiance que j'ai toujours éprouvée envers les hommes.»,

de l’alcool « qui transfigure les fantômes de la solitude...»

et enfin du désir, de l’amour absolu, impossible

et de conclure que « La pire chose qui puisse arriver dans la vie est de ne pas aimer.»

Avec sa voix si particulière, mystérieuse, envoûtante, suave et sensuelle, une voix qui contraste avec le ton monocorde des questions du journaliste, dans la sobriété élégante d’un fourreau noir et perchée sur des talons aiguille, Fanny Ardant interprète magnifiquement bien l’écrivaine. Une heure durant, elle pénètre Marguerite Duras, la passion semble l’habiter à chaque réponse qu’elle donne au journaliste. Elle joue la palette de l’audace, de la provocation, du dédain, de l’aplomb dans un mélange de joies, de colères et de regrets et il est même des moments où le spectateur se demande si l’actrice joue Marguerite ou Fanny.

Fanny Ardant joue du Duras depuis plus de vingt ans (La Musica, La Maladie de la Mort, L’Eté 80, Les journées entre les Arbres, Le Navire Night, Hiroshima mon Amour). Les deux femmes ne se sont toutefois jamais rencontrées.

Un excellent moment de théâtre !

CR/PPD, juillet 2021

Partager

Partager Facebook

Auteur

Blog

Paulette Pairoy-Dupré

25-07-2021

Couverture

"Soyez un lecteur actif et participatif en commentant les textes que vous aimez. À chaque commentaire laissé, votre logo s’affiche et votre profil peut-être visité et lu."
Lire/Ecrire Commentaires Commentaire
La Passion Suspendue appartient au recueil I-Chroniques

 

Critique de Film, Théatre, série... terminée ! Merci à Paulette Pairoy-Dupré.

Tous les Textes publiés sur DPP : http://www.de-plume-en-plume.fr/ sont la propriété exclusive de leurs Auteurs. Aucune copie n’est autorisée sans leur consentement écrit. Toute personne qui reconnaitrait l’un de ses écrits est priée de contacter l’administration du site. Les publications sont archivées et datées avec l’identifiant de chaque membre.