De l'âme - Chronique

Mes chroniques ne sont que mon humble avis. Je ne suis que moi...

4ème de couverture :

« Lorsque j’ai reçu votre première lettre, chère amie, je vous ai répondu immédiatement. Avoir de vos nouvelles plus de trente ans après m’a procuré une telle émotion que ma réaction ne pouvait être qu’un cri instantané. Votre deuxième lettre, que j’ai sous les yeux, je l’ai gardée longtemps avec moi, c’est seulement aujourd’hui que je tente de vous donner une réponse. La raison de ce retard, vous l’avez sans doute devinée, puisque votre missive contient une singulière requête : “ Parlez-moi de l’âme ”… Votre phrase : “Sur le tard, je me découvre une âme ”, je crois l’avoir dite à maintes reprises moi-même. Mais je l’avais aussitôt étouffée en moi, de peur de paraître ridicule. Tout au plus, dans quelques-uns de mes textes et poèmes, j’avais osé user de ce vocable désuet, ce qui sûrement vous a autorisée à m’interpeller. Sous votre injonction, je comprends que le temps m’est venu de relever le défi… »

Ce qu’ils en disent :

Culture Box :

Ni encyclopédie, ni précis, "De l'âme" est une invitation à vagabonder sur un chemin de pensée, en très bonne compagnie.

La Croix

Petit livre, grand livre, beau livre dense et profond.

Telerama

Beau jeu d'assonances pour clore un livre qui avait commencé avec le mot « amie » et qu'on referme avec la sensation grisante d'avoir trouvé un compagnon pour cheminer à ses côtés.

Le Figaro

L'académicien célèbre en de superbes pages la part immatérielle de l'homme.

Ma chronique :

Ce livre est un chef-d’œuvre. On est emporté dans la profondeur de la pensée de François Cheng. Pour parler de l’âme, il nous fait part d’un échange de correspondance, avec une femme qu’il a retrouvée après plusieurs années.

Ces lettres sont d’une beauté formidable. Pour nous parler de  ce sujet délicat, l’auteur nous parle de la beauté, de la guerre, de la nature, des autres traditions religieuses : Le judaïsme, le bouddhisme, le taoïsme. Il nous parle de Paul Valery, d’Albert Camus et surtout de Simone Weil.

Ce livre n’est pas un roman mais une réflexion sur la notion de l’âme. Il me serait donc très difficile de faire un compte rendu précis de cette œuvre. La pensée est si profonde et la culture de cet homme est si grande, que je préfère vous en livrer deux extraits.

Le premier interroge : Pourquoi ce mot « âme » est si malvenu dans notre monde contemporain ? :

« Où sommes-nous en effet ? En France. Ce coin de terre censé être le plus tolérant et le plus libre, où il règne néanmoins comme une "terreur" intellectuelle, visualisée par le ricanement voltairien. Elle tente d’oblitérer, au nom de l’esprit, en sa compréhension la plus étroite, toute idée de l’âme- considérée comme inférieure ou obscurantiste-- afin que ne soit pas perturbé le dualisme corps-esprit dans lequel elle se complaît. A la longue on s’habitue à ce climat confiné, desséchant. Chose curieuse, il semble que ce phénomène soit avant tout hexagonal, qu'ailleurs le mot en question se prononce plus naturellement, sans susciter grimace ou haussement d’épaules, bien que là aussi son contenu soit devenu souvent vague et flou ».

A la suite de ce constat, l’auteur déploie toute sa réflexion sur ce thème. Pour ce faire, il n’hésite pas à parler de sa propre expérience de la guerre en Chine mais aussi de ses nombreuses contemplations de la nature.

Mon passage préféré est le moment où l’auteur nous invite à contempler le lever et le coucher du soleil :

« ….je suis sûre que vous êtes comme moi, vous faites partie de ceux qui prennent le temps d’assister au lever et au coucher du soleil, de se laisser éblouir de leur magnificence…Je ne me lasse pas de l’apparition du grand astre au sommet d’une montagne…La première fois ce fut au sommet d’un vieux mont situé au sud de la Chine…Brusque silence quand un trait de lueur trace l’horizon, coup de gong nous frappant au cœur, coup d’épée déchirant les ténèbres, la lumière fait signe, la vie s’annonce, plus rien ne peut l’en empêcher, pathétique mais sûr, centimètre par centimètre, le disque lumineux émerge des ombres, happé par le sacré, les yeux inondés de larmes, nous nous taisons jusqu’à ce que l’astre s’offre dans toute sa rondeur, aussi impérieux qu’irrésistible, c’est alors que nous explosons en applaudissement….Devant tant de splendeur un sentiment d’accablement peut nous saisir. Qui sommes-nous ? Que faisons-nous là ? Grain de poussière, n’avons-nous pas l’air penaud, un peu ridicule ?...On pourrait effectivement céder à un petit ricanement cynique mais une autre voie cependant se fait entendre : Grain de poussière, oui, mais tu es celui qui a vu. Avoir vu n’est pas une mince affaire. Personne ne peut plus faire que tu n’aies pas vu. Le fait d’avoir vu est ineffaçable. On a beau te répéter que l’univers existe depuis des milliards d’années, toi, tu es là, pour la première fois, tu vois le ciel se lever, éclairer le monde comme si tu assistais à son avènement. L’univers advient à mesure que tu adviens. Cet instant de rencontre donne sens à toi comme à l’univers. Instant rejoignant l’éternité. Instant d’éternité ».

Ce livre est merveilleux. C’est une ode à la vie, un regard unique sur le monde et sur l’être humain. C’est un chant délicieux, une pensée d’une rare profondeur. Son style d’écriture est de surcroît exquis, d’une grande fluidité. Il y a beaucoup de pureté dans cette intelligence hors normes.

Je conseille vivement la lecture de ce livre, tout en finesse. Il ne comporte que peu de chapitres et sa lecture est vite terminée. Mais il y a une telle sagesse qu’on peut le lire et le relire sans se lasser jamais.

C'est un petit bijou ! Une merveille d'intelligence et de bonté.

Le mieux encore est de l'écouter :

* : Si vous voulez connaitre la vie et le cheminement spirituel de François Cheng, il existe plusieurs vidéos sur Youtube. Dont : "Enfin le royaume"....