Dans les forêts de Sibérie - Critique de Film, Théatre, série...

Dans les forêts de Sibérie

18H00, Théâtre du Potager des Princes à Chantilly, ce Dimanche 6 septembre 2020.

Un décor sobre et tout de bois sur la scène : quelques étagères faites de rondins sur lesquelles reposent maints ouvrages philosophiques, quelques polars, de la poésie chinoise, et la photo d’une bien aimée, un lit, une table, un tabouret, un poêle à bois, un nichoir, des bouteilles de vodka, un encadrement de porte donnant sur le plan d’eau du parc.

Aux premiers mots de William Mesguich qui nous accueille dans son isba, nous ne sommes plus à Chantilly mais au fin fond de la taïga sibérienne, à la pointe du cap des Cèdres du Nord, non loin du lac Baïkal et en février. La température extérieure est de moins trente degrés. Une heure trente durant le comédien nous fait revivre au jour le jour les six mois de retraite que Sylvain Tesson, philosophe et aventurier, s’est imposée dans les montagnes russes, avec pour uniques voisins à une demi-journée de marche, deux gardes forestiers.

En quête de solitude, de silence, et de liberté, loin de toute civilisation, dans un univers hostile où il lui faut lutter contre la neige, le vent, les tempêtes, la présence des ours, notre ermite redécouvre les petites joies simples du quotidien : la pêche et la cueillette, la coupe du bois. Il rêve, contemple la nature environnante, converse avec une mésange, se nourrit des lectures de Rousseau, Kierkegaard et réfléchit sur le sens de la civilisation, ce qu’elle a d’utile et de superficiel. Il réapprend à prendre le temps et à vivre l’ennui. Avec beaucoup de sagesse, il dénonce un monde en péril et mène une réflexion écologique tout en nous donnant un bel exemple de volonté.

« J’ai connu l’hiver et le printemps, le bonheur, le désespoir et, finalement, la paix. Au fond de la taïga, je me suis métamorphosé. L’immobilité m’a apporté ce que le voyage ne me procurait plus. Tous les jours j’ai consigné mes pensées dans un cahier. Le génie du lieu m’a aidé à apprivoiser le temps. Mon ermitage est devenu le laboratoire de ces transformations. »

(Sylvain Tesson Préface de « Dans les forêts de Sibérie »)

« Et si la liberté consistait à posséder le temps ? Et si le bonheur revenait à disposer de solitude, d'espace et de silence – toutes choses dont manqueront les générations futures ? Tant qu'il y aura des cabanes au fond des bois, rien ne sera tout à fait perdu. »

William Mesguich a brillamment adapté et mis en scène le texte de Sylvain Tesson, un texte sublime, poétique à souhait et plein d’humour, ponctué de citations philosophiques et qu’il a agrémenté de bruitages et de brefs extraits musicaux remarquablement choisis.

La diction parfaite de l’acteur, sa présence sur scène et son regard envoûtant contribuent à en faire un moment fascinant.

William Mesguich se produira à nouveau au Théâtre de Poche à Paris dès le 5 octobre.

Un texte à déguster, un acteur de talent à applaudir, un spectacle à ne pas manquer !

CR/PPD 9/09/2020