Viendra le feu - Critique de Film, Théatre, série...

Viendra le feu

 Film d'olivier Laxe 

 Une poésie réaliste

Voici l'exemple de ce que j'appelle un film de cinéma . Le cinéma possède une utilité indéniable , il sert à rendre compte de réalités . Qu'elles soient sociales , économiques ou écologiques , ces réalités se doivent être le témoignage d'une époque , d'un lieu , d'un sentiment , le tout , avec une vision , la vision du créateur .

 Mais je ne suis pas ici pour m'étendre sur ce sujet puisqu'il mériterait à lui seul des heures de réflexions et d'analyses .

             Et donc , malgré la volonté d'Olivier Laxe de ne pas ancrer son film dans un cadre spatio-temporel à des fins que l'on devine d'universalités , ce dernier transmet tout de même des réalités .

             Ainsi d'un point de vue économique et social observe-t-on l'enclavement de la région de Galice , son isolement , sa précarité . Cette dernière qui , par ailleurs, se révèlera dans la scène de l'incendie final ou l'on remarquera donc la vétusté des matériaux utilisés pour combattre le feu , ainsi que d'un manque d'encadrement des autorités , les villageois ayant une déconcertante facilité d'accès au feu . A contrario , remarque-t-on aussi sa bienveillance , son calme , son cadre idyllique , ses paysages qui , couplés à une certaine régulation de la photographie se révèlent en véritable anaphores de tableaux de paysages à la Nicolas Poussin , une esthétique donnant un semblant de poésie . Cette dualité subtile entre les différents aspects de la région de Galice ne peut venir que du fait que Laxe est lui-même originaire de cette dernière . 

             Outre ces aspects , on peut y voir également une fable écologique . Nous pouvons voir les conséquences dramatiques des feux , du passage d'une nature calme et florissante à un véritable no man's land , rappelant de véritables paysages de guerres tout droit issus d'un feux dans la plaine de Kon Ichikawa , d'un certain dégout à l'égard d'un capitalisme destructeur et d'un rejet du tourisme de la part de certains protagonistes , dont l'un accuse une entreprise d'être à l'origine de la mort d'une partie de la faune et de la flore de sa région .

             Mais la ou Laxe est intéressant , c'est qu'il n'appuie pas sur ces réalités , les individus ne tenant pas forcément de discours poignant sur l'écologie ou la précarité , ils vivent simplement leur vie , comme tout le monde . A nous d'observer ces réalités .

              Et vient le feu , il se fait attendre , d'une façon presque sensuelle , ce thème étant souvent relié au feu , et Laxe n'y manque pas , mais ce feu se fait aussi attendre d'une façon presque prophétique , des longues séquences paraissant au prime abord anodines , devenant presque discrètes ,  montrant le protagoniste fumer , jouer avec le feu , laissant ainsi place à une séquence finale où il apparaît , ou nous pouvons l'observer , pour de vrai  .

Ce feu qui semble inarrêtable . Et l'on ne peut être impassible face à ces flammes qui détruisent tout ce que l'on a vu durant la première heure , cette nature tout droit sortie d'un tableau , verdoyante , sublimée par Vivaldi . Incendie qui ne laissera , après son passage , qu'un cheval meurtrit et souffrant , dernier témoignage poignant , de la destruction de la faune et de la flore .

            Pour résumer , peut-on dire que ce film est vecteur de réalités socio-économiques traduisant une région isolée et pauvre mais, belle , chatoyante et calme , en proie à la destruction écologique , le tout teinté de poésie et d'un onirisme envoûtant . Un néoréalisme poétique écologique , une ode à un apaisement menacé .