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Les Retrouvailles - Nouvelle

Nouvelle "Les Retrouvailles" est une nouvelle mise en ligne par "Valerie Pocard"..

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Le professeur avait beaucoup voyagé lorsqu’il était un jeune. Il avait ainsi des connaissances aux quatre coins du monde. En France, il s’était principalement lié avec Edmond Panet, un historien passionné par le Brésil. Avec le temps, la distance, les contacts étaient moins fréquents, mais ils se rappelaient mutuellement au souvenir de l’autre avec un réel plaisir. Ainsi lorsque le professeur avait appelé son ami pour lui demander de l’aide pour ses jeunes protégés, celui-ci avait proposé de les accueillir avec enthousiasme. Veuf, il habitait désormais seul dans une grande maison remplie de chambres vides. Il avait deux enfants qui avaient convolé en justes noces et qui désormais vivaient leur vie.  Avoir un peu de jeunesse autour de lui ferait le plus grand bien.

 

            Muni d’une affiche portant le nom de Ricardo et Carmela, Edmond attendait le jeune couple à l’aéroport. Le professeur lui avait par ailleurs envoyé une photo de ses invités, il pourrait ainsi plus facilement les repérer. C’est alors qu’ils les aperçut au milieu de la foule des voyageurs : lui, grand, bien bâti, cheveux noirs, peau hâlée ; elle, de taille moyenne, svelte, cheveux châtains foncés, teint mat. Tout à fait le couple du cliché !

            Edmond s’avança vers eux, main tendue :

« - Bonjour jeunes gens, je suis Edmond Panet, le vieil ami de Paolo Cortès ! Avez-vous fait bon voyage ?

- Bonjour monsieur. Je suis Ricardo et voici mon amie, Carmela. » 

Passées les formules d’usages, Edmond les entraîna vers sa voiture et les conduisit chez lui.

            Il habitait un coquet pavillon de banlieue à Suresnes situé à l’intérieur d’un parc arboré. La maison comportait une grande cuisine, une salle à manger spacieuse, un salon équipé d’un home-vidéo, un bureau rempli de livres et de papiers, 4 chambres avec salle de bain. Ricardo et Carmela étaient stupéfaits. Jamais ils n’avaient imaginé une telle demeure.

 

            Entre Edmond et les deux jeunes gens, ce fut un coup de foudre amical immédiat. Edmond avait été touché par la situation difficile du couple, mais il le fut encore bien davantage par leurs qualités humaines : écoute, bienveillance ; jamais ils ne se plaignaient de ce qu’ils avaient vécu. Les deux jeunes brésiliens étaient habités par une joie communicative et une foi dans la vie sans pareil.     

            Quant à Ricardo et Carmela,  ils découvrirent en la personne de leur hôte un père de substitution, adorable en tous points. Il avait à cœur de les épauler, de les conseiller sans jamais se montrer intrusif ou directif. Il leur accordait une attention qu’ils n’avaient jamais connue et surtout il les encourageait, il les poussait à extérioriser le meilleur d’eux-mêmes.

 

Pour Ricardo et Carmela, cette rencontre était une bénédiction. Les conseils avisés d’Edmond les accompagnaient sur le chemin de la confiance. Avec cet homme à leurs côtés, tout leur semblait possible. Les obstacles s’estompaient d’eux-mêmes. Les solutions à leurs problèmes surgissaient spontanément.

 

Plusieurs années s’écoulèrent ainsi au cours desquels les deux jeunes gens poursuivirent de solides études. Ricardo se dirigea vers le professorat : il avait envie de partager le bonheur de parler sa langue natale, le portugais. Il obtint un poste à l’université, toujours avide de transmettre également les beautés de son beau pays.

Quant à Carmela, la douce Carmela, elle avait réussi des études en pédiatrie. Elle partageait son temps entre l’hôpital et la Croix-Rouge. Elle ressentait un besoin intense de secourir les autres, une façon pour elle de remercier la vie qui lui avait permis de sortir des favelas de Sao Paulo.

 

A la fin de leurs études, les deux jeunes gens décidèrent de se marier. Ils avaient depuis quelques années quitté la belle maison d’Edmond pour un modeste logement mais ils étaient restés toujours très proches. Désormais, Ricardo et Carmela étaient considérés comme des membres de la famille d’Edmond, parfaitement intégrés, invités à toutes les festivités. Et tout naturellement, Edmond et l’un de ses fils furent témoins de mariage ; la fête fut mémorable. Le bonheur coulait à flot, malgré une ombre au tableau : le couple avait tenté de faire venir ses parents, mais ces derniers ne leur pardonnaient pas d’avoir quitté le pays et ils refusaient de leur parler, se sentant trahis.

 

Quelques années plus tard, naquit Teresa. Bien qu’ayant toujours vécu en France, l’enfant grandit baignée par la culture brésilienne. Ses parents avaient à cœur de lui transmettre leurs racines, leur histoire. Ils avaient espéré que l’arrivée de cette petite fille changerait les relations avec leurs propres parents, mais ce ne fut pas le cas, à leur très grand regret.

Teresa fut choyée, entourée par ses parents, par Edmond et les siens. Elle intégra parfaitement ses doubles origines, françaises et brésilienne, se promettant un jour de découvrir le pays de ses parents.

 

Elle réalisa ce rêve dans le cadre d’un voyage humanitaire : devenue médecin, elle décida d’apporter son aide à une ONG dont l’action était d’intervenir dans les favelas pour soigner les gens qui ne pouvaient pas se déplacer. C’est là qu’elle rencontra Filipe, jeune médecin comme elle. Très vite, ils tombèrent amoureux, ce qui conduisit Teresa à s’installer au Brésil.

 

La jeune femme avait en tête le projet fou de réconcilier ses parents et ses grands-parents. Elle connaissait l’histoire et la rancœur qui habitait ses grands-parents, ses oncles et tantes,… Mais le lien du sang était le plus fort ; il guidait son cœur. Elle ne pouvait s’imaginer être rejetée par ces personnes auxquelles elle était liée par le sang. Pire ! Il aurait été impensable de ne pas chercher à les rencontrer.

Elle ne s’était pas précipitée chez eux en arrivant au Brésil. Bien au contraire, elle cherchait la meilleure façon d’entrer en contact avec eux, sans les brusquer, sans les heurter. Et le destin s’est mêlé de la partie, par l’intermédiaire de Felipe. Ce dernier était déjà intervenu dans la favela où vivait la famille de Teresa. Il avait déjà rencontré notamment Roberto, le grand-père, et Louisa, sa femme. L’homme était aussi volubile et tonitruant que son épouse se montrait discrète et effacée. Une force de la nature alliée à un colibri, léger et aérien.

Mais Louisa tomba malade et Roberto réclama Felipe, le seul médecin en qui il avait confiance. Il était déjà intervenu auprès d’eux pour quelques maux sans gravité. Et surtout Roberto l’avait observé pendant qu’il prodiguait des soins au petit Miguel, quand il s’était cassé la jambe. Felipe savait s’y prendre avec l’enfant et réussissait même à le faire rire. Et surtout, il était présent, attentif ; il passait tous les jours s’assurer que le petit prenait bien ses médicaments, qu’il respectait bien les consignes pour que sa jambe se consolide. Du coup, pour Roberto, Felipe était de tout évidence le médecin en qui on pouvait avoir confiance.

Felipe rendit visite à Louisa et ne put que constater que la maladie dont elle souffrait n’avait pas de guérison possible : les atteintes liées à l’âge ne se guérissent pas. Le colosse reçut cette réponse comme une gifle retentissante, prenant conscience de ce qu’il refusait de voir depuis bien longtemps : sa chère Louisa diminuait, mentalement et physiquement et rien ne pourrait y remédier.

Le jeune médecin proposa des solutions pour soulager les douleurs, quant à l’esprit qui se perdait dans les méandres de la démence sénile, il n’avait guère d’aide à prodiguer. Toutefois, il passait trois à quatre fois par semaine voir comment évoluait Louisa.

Teresa l’accompagna une première fois. Quelle émotion ! Voir ses grands-parents et en même temps savoir que l’âge allait les absorber peu à peu. Bien sûr, elle ne se fit pas connaître au début. Elle prit l’habitude d’accompagner Felipe à chaque visite ; et chaque visite était un crève-cœur : elle voyait sa grand-mère s’affaiblir et il lui semblait de plus en plus urgent de leur apprendre sa véritable identité.

Un jour, Felipe et Teresa arrivèrent au moment où Louisa et Roberto étaient plongés dans un album photos. Louisa avait en main une photo de famille : deux couples d’adultes et deux enfants, un garçon et une fille ; Ricardo, Carmela et leurs parents. Roberto expliqua à Teresa et Felipe que les deux enfants devaient avoir une douzaine d’années. Le cliché avait été pris à l’occasion de l’anniversaire de Carmela. Louisa pleurait doucement en écoutant son mari raconter le départ des deux enfants devenus adultes, la douleur qui avait été la leur, … et à présent le regret d’avoir coupé les ponts, ne sachant plus comment renouer. Avec le temps,… tout devient plus difficile.

Teresa se décida alors à leur révélé qu’elle était leur petite-fille, qu’elle souhaitait tellement les retrouver,… ! Mais qu’elle ne savait pas comment leur dire… Les deux vieillards la fixèrent, interloqués. Il leur fallut quelques minutes pour réaliser la teneur de ce que cette jeune inconnue venait de leur apprendre… Leur petite-fille… Et contre toute attente, ce fut Louisa qui rompit le silence en premier :

« Mais bien sûr, Roberto ! Regarde, elle a les yeux de Ricardo et le beau sous sourire de Carmela !

-          Et ce petit grain de beauté, là, en bas de la joue, comme sa mère ! renchérit Roberto. »

Le grand-père serra sa petite-fille dans ses bras et l’amena jusqu’à sa grand-mère qui l’embrassa avec effusion. Tous les trois, pleurèrent abondamment dans les bras les uns des autres. Chacun débordait de tendresse et d’amour, après toutes ces années…

Les pleurs et les embrassades terminés, Roberto et Louisa voulurent tout savoir sur la vie des parents de Teresa. Cette rencontre inattendue avait généré chez Louisa un regain d’énergie et de lucidité qui faisait plaisir à voir.

            Attirée par le bruit, une voisine fit irruption dans le logement afin de savoir ce qui se passait. A l’annonce des retrouvailles avec la petite-fille, elle se précipita pour aller chercher les parents de Carmela qui habitaient un peu plus loin. Leur arrivée amplifia les pleurs et les effusions de joie.

            Les voisins se succédaient pour découvrir cette petite-fille que personne n’espérait voir un jour. Et de visite en visite, de réjouissances en émotion, une fête impromptue s’organisa collectivement pour saluer le retour de Teresa sur les terres de ses origines et pour remercier la vie et ses belles surprises.

            S’ensuivit un défilé de tantes, oncles, cousins, cousines,… Tous voulaient rencontrer la fille de Ricardo et Carmela, cette jeune femme venue d’ailleurs et qui pourtant faisait partie de la famille. Ce fut une joyeuse immersion dans de multiples bras, des pleurs à n’en plus finir, des démonstrations de joie,… Bien loin des retrouvailles qu’avait osé espérer Teresa et tellement plus belles et émouvantes.

 

            A présent, tout le monde était réuni pour les préparatifs du mariage. Ricardo et Carmela étaient arrivés quelques semaines plus tard. Finis les rancœurs, les regrets, place à la joie et au bonheur des retrouvailles. Roberto et Louisa remerciaient chaque jour le ciel. Quelle bénédiction de partager leurs vieux jours avec leur fils, sa chère épouse et leur petite-fille !

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Auteur

Valerie Pocard

12-11-2022

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Les Retrouvailles n'appartient à aucun recueil

 

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