Connexion : supprimer Ou

Les couleurs - Histoire Courte

Histoire Courte "Les couleurs" est une histoire courte mise en ligne par "Cathou inafrica"..

Venez publier une histoire courte ! / Protéger une histoire courte

 

Les couleurs

313c8ab2c6f1d6e843fca9de522bdbd84d76098b.png

Il est né tout blanc.

Alors, ses parents se sont inquiétés.

Je n’ai pas dit albinos, non, j’ai dit blanc. Blanc comme le lait, comme la porcelaine blanche et comme le ciel lorsque le soleil est trop chaud, trop haut, trop lumineux. Ses cheveux, sa peau, ses sourcils étaient blancs ; blancs comme neige, blancs comme cygne. Blancs comme… blanc.

 

Seuls ses yeux étaient couleur noisette. Parce que des yeux blancs, ça ne peut pas exister. Déjà dans son berceau à la maternité, il ouvrait grands les yeux, pas comme un nourrisson, non. Il ouvrait les yeux sur le monde et se demandait où il était arrivé ! A deux jours à peine, il avait fait le tour de la chambre, mesuré les couloirs si longs, si lisses et il regardait par-dessus l’épaule de sa maman pour voir plus loin.

 

Il se souvenait d’un temps…mais non, un nourrisson ne se souvient de rien… pourtant… Mamie a dû lui souffler dessus un tout petit peu alors, il lui semble que...Mais non, pas si tôt…pourtant….

Voila des années de prime enfance qui passent fort vite, à toute allure dans sa petite dauphine à pédales. Le Père Noël ne le distrait pas, ses frères sont déjà grands et écoutent Johnny en l’envoyant promener.

Ses yeux, ses billes brunes roulent et se promènent sur l’univers, sur la nature. Il commence à faire siennes les images de sa terre, la terre de chez Marboeuf qui a enseveli le grand père au prénom d’archange.

Puis vient l’aube de son adolescence et sa blancheur toute pure devient son bâton de pèlerin.

A quatorze ans il connait tant de choses. Il a commencé si tôt à regarder autour de lui, à relever les odeurs, à emmagasiner les couleurs. Les jumeaux sont partis à l’armée, il en a profité pour chaparder un de leurs vélos et il connait maintenant Toulouse mieux que n’importe qui. Le long du canal du midi, autour du Capitole.

La ville rose, n’est ce pas un nom prédestiné pour lui ?

Vient le temps des filles. Il est amoureux, elles sont si jolies toutes de printemps vêtues. Mais, mais quelle est celle qui va aimer un beau jeune homme… tout blanc… si blanc… ?

 

Et c’est le grand saut dans sa vie d’adulte. Puisqu’il est né blanc et bien, il va se colorier. Oui, oui oui vous lisez bien. Il va se colorier, se choisir, ne pas être comme tout le monde, non, non juste être lui, en couleurs.

Il est temps d’ouvrir l’atelier. Allons donc, des étagères, quelques pots et voici alignés les déclinaisons de rouge, les bleus de Prusse et indigo, les orangers, jaune poussin, jaune soleil et jaune d’or. Les verts. Mais où va-t-il mettre tous ses verts ?  Car il a un secret dès le départ. Il fabrique les couleurs qu’il voit. Aucune ne doit manquer. Vous vous doutez sûrement que sa blancheur a une raison. Je vous la donne, il est blanc d’enveloppe car son âme, elle, voit des couleurs que personne ne perçoit. La forêt, les prés et les champs, les fleurs du jardin, tous ont plus de couleurs que nous ne pouvons l’imaginer sans ses yeux. Ça flamboie le soir au coucher. Lorsqu’il regarde l’océan, les bleus les plus sombres l’enlèvent aux blancs d’écume les plus purs. Ses palettes sont infinies.

De pot de couleur en dorure, de terre de sienne en blanc d’Espagne, de tempête en calmitude, de nuit noire en bois de rose et d’ivoire en rouge sang, il a tout essayé. Il a tout réussi.

Ce sont les patines qui l’ont retenu. On vient de loin, qui pour redonner vie à une veille maie, qui pour rénover ce bas relief décoloré par trop de soleil du sud. Dans l’atelier, il va et vient, il court et ne tombe pas.

Nul n’a jamais osé imaginer la justesse de ses colorations. Les pigments les plus sombres, les patines les plus délicates, celles qui semblent mystérieuses, rien ne lui résiste. Aucune couleur ne lui tient tête, aucune ne s’oppose.

 

Il colore, décolore, observe, fonce, découvre, ensoleille, il ravine, il dilue, il teinte, il laque, tout lui est réussite.

 

Un soir, ivre de couleurs, il a pris ses brosses, il a nettoyé ses pinceaux, il a tourné ses chiffons usés. Puisque le monde entier reconnait ses qualités, il va essayer. Le temps est venu, le moment est là. La blanchattitude ne saurait durer.

Il a ouvert tous ses pots. On le dit alchimiste, il va le devenir pour lui.

Les portes de l’atelier sont fermées. L’alchimiste est nu au centre de son antre.

Une seule nuit, il se donne une nuit pour se colorier ainsi qu’il l’a souvent rêvé.

Il sait exactement ce qu’il doit faire. Aucune technique ne lui échappe. Il a pensé et repensé ces heures à venir, il les a d’abord vécues en songes puis les a étudiées. Il a essayé les mélanges, calculé les proportions, chiffré les quantités.

 

 

Le matin se lève sur l’atelier au centre de Toulouse.

Un homme sort et ne referme pas la porte.

A l’intérieur, les pots sont vides. Les outils en vrac dans les grands coffres à rangement.  Sur les étagères règne un désordre organisé, son désordre, celui qui l’a mené à la connaissance.

 

 

Quelqu’un a frappé à ma porte et l’a poussée sans attendre, un bel homme brun qui semblait arriver de nulle part.

Ses yeux couleur noisette roulent sur le décor, il prend la mesure du paysage.

Il n’est pas reparti.

Nous parcourrons le monde, j’apprends à lire les couleurs, j’apprends à lire ses couleurs. Celles qu’il a ramenées de toutes ses vies, celles qu’il voit chaque matin, lorsqu’il ouvre les yeux sur un nouveau panorama.

Avec lui, les couleurs ont des formes, des odeurs, des sourires et des larmes.

Les couleurs de la vie, celle qu’il me colorie. Les rouges de la violence, du sang de la naissance, les bleus de nos océans, les verts de ses forêts. Les noirs du taureau de combat et de la mort. Toutes les palettes que l’on peut imaginer quand on pose le regard sur les splendeurs de la planète.

Mais de blanc, jamais il ne parle.

Illustration Ch. Guerry

Texte Ca. Valmalette

Partager

Partager Facebook

Auteur

Blog

Cathou inafrica

10-01-2021

Téléchargement

PDF Certifié Ebook gratuit
"Soyez un lecteur actif et participatif en commentant les textes que vous aimez. À chaque commentaire laissé, votre logo s’affiche et votre profil peut-être visité et lu."
Lire/Ecrire Commentaires Commentaire
Les couleurs appartient au recueil Chéri, oui, pour deux mille ans et plus

 

Histoire Courte terminée ! Merci à Cathou inafrica.

Tous les Textes publiés sur DPP : http://www.de-plume-en-plume.fr/ sont la propriété exclusive de leurs Auteurs. Aucune copie n’est autorisée sans leur consentement écrit. Toute personne qui reconnaitrait l’un de ses écrits est priée de contacter l’administration du site. Les publications sont archivées et datées avec l’identifiant de chaque membre.