Connexion : supprimer Ou

Le verger - Domaine Public

Domaine Public "Le verger " est un texte du domaine public mis en ligne par "Anna de Noailles".Vous voulez partager avec la communauté de DPP, un texte appartenant au domaine public. C’est ici !
Chacun peut ressentir l'envie de faire découvrir les œuvres de certains auteurs.
Alors n'hésitez pas à le faire, les auteurs et textes à découvrir seront mentionnés sur votre profil.

Venez publier un texte du domaine public ! / Protéger un texte du domaine public

Anna de Noailles (1876-1933)La comtesse Anna-Élisabeth de Noailles, née princesse Bibesco Bassaraba de Brancovan, est une poétesse et romancière française, d'origine roumaine, née à Paris.

Seule femme poète de son temps à recevoir les plus hautes distinctions publiques.


 

9b644ba600faa52a0baa4d0a688e7b9b5f38d9e3.jpg

 

 

 

 

Le verger

Dans le jardin, sucré d’œillets et d’aromates,

Lorsque l’aube a mouillé le serpolet touffu,

Et que les lourds frelons, suspendus aux tomates,

Chancellent, de rosée et de sève pourvus,

 

Je viendrai, sous l’azur et la brume flottante,

Ivre du temps vivace et du jour retrouvé ;

Mon cœur se dressera comme le coq qui chante

Insatiablement vers le soleil levé.

 

L’air chaud sera laiteux sur toute la verdure,

Sur l’effort généreux et prudent des semis,

Sur la salade vive et le buis des bordures,

Sur la cosse qui gonfle et qui s’ouvre à demi ;


 La terre labourée où mûrissent les graines

Ondulera, joyeuse et douce, à petits flots,

Heureuse de sentir dans sa chair souterraine

Le destin de la vigne et du froment enclos.

 

Des brugnons roussiront sur leurs feuilles, collées

Au mur où le soleil s’écrase chaudement ;

La lumière emplira les étroites allées

Sur qui l’ombre des fleurs est comme un vêtement.

 

Un goût d’éclosion et de choses juteuses

Montera de la courge humide et du melon,

Midi fera flamber l’herbe silencieuse,

Le jour sera tranquille, inépuisable et long.

 

Et la maison, avec sa toiture d’ardoises,

Laissant sa porte sombre et ses volets ouverts,

Respirera l’odeur des coings et des framboises

Éparse lourdement autour des buissons verts ;

 

Mon cœur indifférent et doux aura la pente

Du feuillage flexible et plat des haricots

Sur qui l’eau de la nuit se dépose et serpente

Et coule sans troubler son rêve et son repos.

 

Je serai libre enfin de crainte et d’amertume,

Lasse comme un jardin sur lequel il a plu,

Calme comme l’étang qui luit dans l’aube et fume,

Je ne souffrirai plus, je ne penserai plus,

 

Je ne saurai plus rien des choses de ce monde,

Des peines de ma vie et de ma nation,

J’écouterai chanter dans mon âme profonde

L’harmonieuse paix des germinations.

 

Je n’aurai pas d’orgueil, et je serai pareille,

Dans ma candeur nouvelle et ma simplicité,

À mon frère le pampre et ma sœur la groseille

Qui sont la jouissance aimable de l’été ;


Je serai si sensible et si jointe à la terre

Que je pourrai penser avoir connu la mort,

Et me mêler, vivante, au reposant mystère

Qui nourrit et fleurit les plantes par les corps.

 

Et ce sera très bon et très juste de croire

Que mes yeux ondoyants sont à ce lin pareils,

Et que mon cœur, ardent et lourd, est cette poire

Qui mûrit doucement sa pelure au soleil…


 

Partager

Partager Facebook

Proposé par

Séléné

Auteur

Blog

Anna de Noailles

20-01-2017

Couverture

"Soyez un lecteur actif et participatif en commentant les textes que vous aimez. À chaque commentaire laissé, votre logo s’affiche et votre profil peut-être visité et lu."
Lire/Ecrire Commentaires Commentaire
Le verger n'appartient à aucun recueil

 

Domaine Public terminé ! Merci à Séléné.

Tous les Textes publiés sur DPP : http://www.de-plume-en-plume.fr/ sont la propriété exclusive de leurs Auteurs. Aucune copie n’est autorisée sans leur consentement écrit. Toute personne qui reconnaitrait l’un de ses écrits est priée de contacter l’administration du site. Les publications sont archivées et datées avec l’identifiant de chaque membre.