Connexion : supprimer Ou

La vieille Orléans - Tranche de Vie

Tranche de Vie "La vieille Orléans" est une tranche de vie mise en ligne par "Ancolies"..

Venez publier une tranche de vie ! / Protéger une tranche de vie

La vieille Orléans (un œil sur la guitare, un autre sur la bagarre)

 

Bac en poche, je me suis livré pour ma plus grande joie à toutes sortes de petits boulots : manutentionnaire à Prisunic, livreur- je connais Paris par coeur, vendeur dans une librairie de St Germain-des-Prés, pompiste, curieusement directeur d’une boutique de cadeaux et de cadeaux d’entreprise, employé administratif chez Thomson en Allemagne, puis à Alcatel Paris. Là, à Alcatel, après 2 mois au siège (où j’avais foutu 2 ou 3 fois le souk - notamment une fois j’avais avec ma carte perso réenclenché tous les postes individuels de pointage quittant les lieux déserts tard le soir, et tout le monde s’était retrouvé avec 14 ou 15 heures supplémentaires de boulot effectué à son compteur, ce qui avait déclenché un bordel administratif d’enfer à la compta ; tout le monde savait que c’était moi mais personne n’a osé venir m’en parler), après donc les 2 premiers mois ils m’ont envoyé réaliser une étude prospective dans leurs bureaux d’Orléans. Sûr j’aurais préféré La Nouvelle-Orléans, ç’aurait été plus cajun et zydeco, mais cette fois j’étais évidemment pas directeur général. A te revoir Louisiane et James Lee Burke mon auteur fétiche qui y réside, lorsqu’il ne traîne pas ses bottes de cow-boy au Texas.

Orléans c’était tristounet et c’est rien de le dire. Je créchais dans un hôtel guère fun et sexy, et sortais dîner dans une pension de famille ou un petit resto tranquille (je faisais gaffe question notes de frais, qu’on me foute la paix). De retour dans ma chambrée j’avalais une par une les œuvres complètes de Conan Doyle. J’étais vachement détective à l’époque, mais il n’y avait pas de docteur Watson dans la chambre mitoyenne. La ville se révélait grise et fadasse, morte après 20 heures, dotée de 2 cinémas dont l’un porno qui ne m’intéressait pas. J’allais parfois à l’autre. Et les rares fois où il y en avait aux concerts. Véronique Sanson est passée avec en 1ère partie Michel Jonasz. J’ai traîné mes guêtres dans le coin avant le concert, sympathisé avec les musicos et les roadies, dîné avec eux et ai assisté au concert à l‘œil. Sanson c’était Sanson, production pop américaine, pas mal donc, mais Jonasz je me demandais ce qu’il foutait là ; c’était pour moi un chanteur de variétoches (Les vacances au bord de la mer). Surprise, il était entouré d’un groupe rock anglais, il venait de sortir son album Du blues du blues du blues, son 1er bon (et même excellent) album qu’il avait entièrement écrit lui-même. Que j’ai ensuite acheté et écouté en boucle. Je me souviens également d’un autre concert, Talking Heads suivis des Ramones. Ça se déroulait dans un grand gymnase sinistre où l’on avait dressé une estrade qui faisait office de scène au milieu du lieu et devant quelques 100 ou 150 chaises en plastique pour le maigre public. Ouais, le rock et le punk n’attiraient pas grand monde à la vieille Orléans. Première partie, Talking Heads, bien, puis Ramones. Là ça a commencé à chauffer. Sagement assis sur ma chaise je sens du barouf derrière moi, je me retourne : un gars à crête bleue et rouge et tee-shirt No Future debout sur sa chaise en train de pisser, visant pour son jet la petite ouverture de la cannette (vide j’imagine) de bière ouverte qu’il tient au bout de son bras gauche déplié, sa main droite occupée à diriger son engin. Comme de juste il en envoie partout et il s’en est fallu d’une nano poignée de secondes pour que ses voisins éclaboussés ne se jettent sur lui, déclenchant une bonne bagarre dégénérative, tandis que le groupe sur scène accélère le tempo et fait péter le volume, martelant leurs riffs basiques de plus en plus fort. Un œil sur la guitare, un œil sur la bagarre, comme le chante Higelin. (Bouge pas, il ajoute, ça passe à côté). Bon, j’avais pas une folle envie de castagner sachant par expérience le prix à payer - nez et dents cassés, lèvres éclatées, côtes cassées ou fêlées, j’avais déjà donné -, et j’ai préféré me dégager vite fait de quelques mètres de l’épicentre du pugilat à son comble. Et en fait, juste quelques jours avant mon retour à la capitale, j’ai découvert un bar rock dans la ville. Trop tard.

20 ans plus tard j’ai failli m‘associer un mec de marketing pour monter une agence de pub là-bas, à Orléans. Manifestement les temps avaient changé et le soir c’était baston entre la racaille, casser cogner et courir, et les sapeurs-pompiers, sauver ou périr. C’était guère engageant. Heureusement ce projet d’agence a capoté et moi je suis parti vivre dans un village de 200 âmes dans les causses du Lot, à 15 bornes de Cahors. C’était nettement plus verdoyant, tranquille et bucolique et y’avait du gentil balloche régulièrement les samedis soirs.  

 

Ps : je suis toujours pas allé à La Nouvelle-Orléans mais j’ai relu l’intégrale de James Lee Burke, que je recommande chaudement aux amateurs d’errance, de quête de sens, de beauté épique et de rédemption. Amen.

Partager

Partager Facebook

Auteur

Blog

Ancolies

09-04-2023

Couverture

"Soyez un lecteur actif et participatif en commentant les textes que vous aimez. À chaque commentaire laissé, votre logo s’affiche et votre profil peut-être visité et lu."
Lire/Ecrire Commentaires Commentaire
La vieille Orléans appartient au recueil Ancolies

 

Tranche de Vie terminée ! Merci à Ancolies.

Tous les Textes publiés sur DPP : http://www.de-plume-en-plume.fr/ sont la propriété exclusive de leurs Auteurs. Aucune copie n’est autorisée sans leur consentement écrit. Toute personne qui reconnaitrait l’un de ses écrits est priée de contacter l’administration du site. Les publications sont archivées et datées avec l’identifiant de chaque membre.