L'Eau des Collines - Chronique

L'Eau des Collines

Marcel Pagnol

D. Auteuil et Y. Montand dans Jean de Florette de C.Berri

La trame

L’Eau des Collines, c’est un roman en deux tomes : Jean de Florette, et Manon des sources. L’histoire se passe au village des Bastides Blanches, au cœur des collines provençales. Deux règles sont sacrées pour les cent cinquante âmes qui y vivent : la première, c’est qu’ « on ne s’occupe pas des affaires des autres », la deuxième, c’est que les Bastides est le plus beau village du monde, et qu’on déteste cordialement les habitants des bourgs voisins.

Un jour, Jean Cadoret, un homme « de la ville », bossu de surcroit,  vient s’installer dans une ferme du coin, avec sa femme et sa fille. C’est un idéaliste au cœur tendre, plein d’enthousiasme, qui souhaite renouer avec le travail de la terre et la vie rustique. Mais son arrivée vient contrecarrer les plans du Papet et de son neveu Ugolin, derniers représentants de la famille Soubeyran, jadis la plus grande et la plus riche du village. Les deux paysans vont alors mettre au point un plan diabolique pour venir à bout de cet inopportun étranger, qui se battra jusqu’au bout avec un courage et un optimisme hors du commun. Mais la lutte est déséquilibrée entre ce sentimental un peu trop naïf et ses ennemis sans scrupules, qui avancent masqués, et qui profitent du silence obstiné de tout un village…

Mon avis

Pagnol, je suis un peu tombée dedans quand j’étais petite : je suis attachée à ses histoires comme on peut l’être à ses vieux jouets d’enfance. Je suis donc une lectrice multirécidiviste de l'Eau des collines ! Mais sans penser qu’ils vont inspirer le même enthousiasme débordant à tous, mon intime conviction est qu'il faut impérativement découvrir au moins ces deux titres de Pagnol. Il se dégage de cette oeuvre une magie qui devrait opérer sur chacun de vous.

 L’univers et la plume sont inimitables, c’est drôle, rafraichissant, tendre et tragique à la fois. Comme dans ses célèbres Souvenirs d’enfance, on entend ici chanter les cigales dans des collines provençales qu’on n'a jamais connues, et on plonge immédiatement dans un monde que l’écrivain amoureux met tout son talent à faire renaitre.

 Cruels, mesquins, orgueilleux, naïfs, vindicatifs ; les personnages de Pagnol ne sont pourtant pas épargnés. Ils inspirent cependant l’affection, parce qu’ils « sonnent juste », parce qu’on y croit ; ils nous semblent familiers parce qu’ils sont  humains. Si le contexte de l’histoire est bien particulier, et les personnages par certains côtés typiques de leur époque et de leur condition ; c’est une fable universelle, dont les thèmes et les émotions qu’elle suscite restent chargés de sens des générations plus tard. On retrouve dans les dialogues l’humour savoureux et la poésie qui ont fait le succès de la trilogie marseillaise.

Mais il ne faut pas s’y tromper, ce n’est pas qu’une simple histoire de paysans butés se battant leur morceau de gras : l’Eau des Collines, c’est un récit puissant et tragique. S'il nous arrive de sourire durant la lecture, on passe par une large palette d’émotions au gré de la quête acharnée de Jean, et de la vengeance de Manon, allant de la tristesse à l’indignation, en passant par l’espoir plusieurs fois perdu et retrouvé. (vous pourrez peut-être même vous surprendre à entamer une danse de la pluie...)

 Pour l’anecdote, cette histoire est d’abord un film que Pagnol tourne en 1952, Manon des sources, puis il décide dix ans plus tard d’en faire un roman et de lui donner un premier tome.

P.S : On peut prolonger le plaisir avec l’adaptation cinématographique de Claude Berri, dans laquelle ces personnages hauts en couleur sont incarnés par Depardieu, Auteuil, Montand, Béart…