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Kitchen - Chronique

Chronique "Kitchen" est une chronique littéraire mise en ligne par "npai".N'hésitez pas à proposer vos critiques littéraires sur des Auteurs, Artistes, Artisans d'art...

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Kitchen

 

 

 

Kitchen est en réalité un recueil composé d’un roman (de 131 pages)

et d’une nouvelle Moonlight Shadow( d’une cinquantaine de pages),

traitant des mêmes thèmes abordés de façon différente

et en quelque sorte complémentaire l’une de l’autre.

 

 

Résumé (quatrième de couverture) :

 

Que faire à 20 ans, après la mort d'une grand-mère, quand on se retrouve sans famille et qu'on aime les cuisines plus que tout au monde? Se pelotonner contre le frigo, chercher dans son ronronnement un prélude au sommeil, un remède à la solitude.
Cette vie semi-végétative de Mikage, l'héroïne de Kitchen, est un jour troublée par un garçon, Yûichi Tanabe, qui l'invite à partager l'appartement où il loge avec sa mère. Mikage s'installe donc en parasite chez les Tanabe : tombée instantanément amoureuse de leur magnifique cuisine, elle est séduite par Eriko, la " mère " de Yûichi. Eriko, personnage ambigu et pur, transsexuel à la beauté éblouissante, qui, traversant le récit comme un soleil éphémère, va bientôt mourir à son tour de mort violente...
Banana Yoshimoto révèle dans Kitchen, à travers une sorte de " minimalisme flou ", une sensibilité nourrie de paradoxes, une sensibilité dans laquelle toute une génération de jeunes Japonais s'est reconnue.

 

Le recueil plus en détail :

 

Comme précisé en intro, ce que l’éditeur à omit dans son résumé, Kitchen se présente donc comme ce que je nommerais, deux grandes nouvelles. Toutes deux traitent de thèmes chers à l’auteur, à savoir le deuil, la perte d’un proche, en les abordant d’un angle différent.

 

Dans Kitchen, l’héroïne Mikage est confrontée à la perte de sa grand-mère, perte douloureuse qui lui laisse un sentiment de solitude, accrue par le fait que celle-ci était le dernier maillon d’une famille décimée. Banana Yoshimoto restitue parfaitement ici, le sentiment de vide et d’abandon qu’entraine un deuil, et l’état semi végétatif dans lequel est plongé l’endeuillée. Ce qui pourrait s’avérer comme le récit d’une nuit sans fin, s’avère en réalité être une formidable ode à la vie, ainsi petit à petit s’amorce une remontée, comme pour nous souffler qu’il y a toujours quelque chose, quelqu’un auquel s’accrocher.

 

On retrouve la même thématique dans Moonlight Shadow, qui traite ici de la perte d’un amour. Satsuki après avoir vécu une histoire passionnée avec Hitashi, est confrontée à la perte brutale ce celui-ci, dans un tragique accident de voiture. Tout comme Mikage qui va se raccrocher à la cuisine, Satsuki trouve son propre moteur pour ne pas sombrer totalement dans la léthargie, et se met à courir, course comme une astreinte quotidienne, comme si le but à atteindre en bout de piste était de retrouver le goût de vivre tout simplement. Elle trouvera beaucoup plus, elle trouvera ce que beaucoup ont espéré voir regretté, la possibilité irréelle d’un dernier adieu par-delà des sentiers battus, au travers d’une rivière de toutes les possibilités.

 

Cette deuxième nouvelle semble d’ailleurs avoir été inspirée par une légende, « le phénomène de Tanabata* » qui est une des fêtes les plus populaires du Japon, et qui marque une fois par an, les retrouvailles des rives de la voie lactée, à laquelle l’auteur fait référence.

*=Deux amants, l'un terrestre, et l'autre divin, étaient séparés par une rivière céleste, la voie lactée, et ne pouvaient se rencontrer qu'une fois par an, au moment où cette dernière est la plus proche de la terre.

 

Mon avis :

 

Ce recueil est un de ceux à garder précieusement dans sa bibliothèque et à prêter même en cas de besoin. A travers une écriture au style poétique, Banana Yoshimoto vient vous caresser l’âme de sa plume… En effet chacun retrouvera des sentiments éprouvés lors d’un deuil, ce vide, cette notion altérée du temps et de la réalité.

Cet écho de nos propres maux que l’on perçoit à travers ces lignes, ne vient pas raviver des plaies, il se fait juste le témoin d’un ressenti quasi universel, et surtout vient distiller avec émotion, des doses d’optimisme.

 

J’ai beaucoup aimé dans la première partie, la place de la cuisine, comme moteur auquel se raccrocher, que ce soit d’ailleurs la pièce ou la nourriture à proprement parlé. Sous la plume de l’auteur, cette pièce à vivre devient un endroit réellement réconfortant où l’on aurait envie à son tour de se blottir, sur le carrelage froid bercé par le ronronnement du frigo. Ces plats qu’elle décrit et que Mikage s’applique à réaliser, on aurait envie de les croquer (alors que la plupart du temps on a pas vraiment idée de quoi il s’agit exactement ^^). La cuisine comme presque métaphore, et image de la vie, qu’il reste à croquer, malgré la tempête subit.

 

Et puis il y a les personnages, comme des êtres solitaires, qui viennent à former un tout qui affronte la tempête ensemble. Des êtres qui ont chacun leur fêlure et un engouement certain pour la vie malgré tout, et qui s’enrichissent les uns les autres. L’amour, l’amitié, le don de soi, la gratuité de ce que l’on donne sont des thèmes sous-jacents qui viennent agrémenter un récit déjà riche en émotion. Que ce soit d’ailleurs dans les deux histoires présentées. Tout comme l’ambivalence et l’identité sexuelle, qui offre un regard tolérant et ouvert à l’autre, sans jugements.

Deux histoires très riches à l’image de l’univers de l’auteur, qui sans mièvrerie vous touche par la simplicité de ses mots, avec son univers particulier bercé de saveurs et de poésie , qui laissera son empreinte.

 

Continuer après…Avancer, s’accrocher …

C’est un peu le message que nous délivre ici l’auteur, dans une ambiance intime et résolument tournée vers la vie et le partage, à l’image ce que peut-être une cuisine…

 

Extrait

"Je crois que j’aime les cuisines plus que tout au monde.

Peu importe où elles se trouvent et dans quel état elles sont, pourvu que ce soient des endroits où on prépare des repas, je n’y suis pas malheureuse. Si possible, je souhaiterais qu’elles soient fonctionnelles, et lustrées par l’usage. Avec des tas de torchons propres et secs, et du carrelage d’une blancheur éblouissante.

Mais une cuisine affreusement sale me plaît tout autant.

Ce lieu où trainent des épluchures de légumes, où les semelles des chaussons deviennent noires de crasse, je le vois étrangement vaste. Un énorme réfrigérateur s’y dresse, rempli de provisions suffisantes pour tenir facilement tout un hiver, et je m’adosse à sa porte argentée. Parfois je lève distraitement les yeux de la cuisinière tachée de graisse ou des couteaux rouillés : de l’autre côté de la vitre brillent tristement les étoiles.

Restent la cuisine et moi. Cette idée me semble un peu plus réconfortante que de me dire que je suis toute seule.

Quand je suis vraiment épuisée, je songe avec enchantement qu’au moment où la mort viendra, j’aimerais pousser mon dernier soupir dans une cuisine. Seule dans le froid, ou au chaud auprès de quelqu’un, je voudrais affronter cet instant sans trembler. Dans une cuisine, ce serait idéal.

Avant d’être accueillie par les Tanabe, je dormais tous les jours dans la cuisine.

Où que je me mette, j’avais le sommeil agité, et en me laissant dériver de ma chambre vers le reste de la maison, à la recherche d’un endroit plus confortable, j’ai découvert un matin à l’aube, que c’était près du frigidaire que je dormais le mieux.

Je m’appelle Mikage Sakurai, mes parents sont morts jeunes l’un et l’autre. Et j’ai été élevée par mes grands-parents. A l’époque où je suis entrée au collège, mon grand père est mort. Ensuite nous nous sommes débrouillées toutes les deux ma grand-mère et moi.

Et puis l’autre jour, voilà qu’elle est morte à son tour. Ça m’a fait un choc."

 

 

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Auteur

Blog

npai

23-05-2012

Auteur public

Banana Yoshimoto

Couverture

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Kitchen n'appartient à aucun recueil

 

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