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De la came dans l’arbre à came - Tranche de Vie

Tranche de Vie "De la came dans l’arbre à came" est une tranche de vie mise en ligne par "Ancolies"..

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De la came dans l’arbre à came (encore raté)

 

Vous connaissez ou pas la Sacem, société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique. Cet éminent organisme qui, disons-le, chouchoute les illustres abonnés du Top 50 tandis qu’elle n’accorde aucune attention aux petits, oui cette Sacem, outre poursuivre à outrance de ses appels à cotisations le moindre cafetier, édite un bulletin professionnel, semestriel ou même annuel je ne sais plus, destiné à ses milliers d’adhérents et titré je crois « Notes », à moins que cela ne soit « Paroles et musiques », je ne sais plus non plus. Qu’importe, un jour ce magazine publie un numéro spécial Auteurs, où je figure en bonne place puisque j’y ai 3 textes sélectionnés. Oui, carrément 3, c’est vous dire si je suis effectivement bien positionné, 3 textes de qualité, est-il utile de ma légendaire humilité le préciser. Il y a « Je pars en fumée », l’histoire d’un gars à la ramasse, « Des tessons de rancune », l’histoire d’un couple à la ramasse et « Je compt’ rai les avions », l’histoire rimbaldienne d’un looser magnifique. Pour la petite histoire, « Des tessons de rancune » a également été publié dans le métro parisien, dans ce que la RATP appelle Les Espaces Poésie situés sur les panneaux verticaux dédiés aux extrémités des rames.

Je reçois le magazine par voie postale, mes 3 textes sont publiés sur 3 pages différentes avec chaque fois mes coordonnées, soit nom d’artiste et téléphone. Je regarde ceci avec attention. Curieusement il n’y a aucune coquille dans les 3 textes, ce qui paraîtra normal à certains mais ne l’est pas tant que ça pour des auteurs : c’est en effet plutôt rare qu’il n’y ait pas une ou des coquilles dans les publications. Ma surprise est grande mais agréable et, réfléchissant, je comprends le pourquoi du comment : ils ont tout simplement copié/collé le fichier que je leur ai envoyé par mail. Oui, ceci explique cela. Tout va donc tout-à-fait bien lorsque soudain quelque chose retient mon attention : les coordonnées. Je me frotte les yeux : ce n’est pas le bon téléphone, un chiffre est incorrect. Je vérifie sur les 3 pages, l’erreur est répétée les 3 fois. J’en demeure incrédule. Halluciné. Moi l’illustre anonyme qui cherche depuis des et des années à faire connaître mon travail, un magazine m’offre une incroyable opportunité professionnelle et le numéro de téléphone est foireux, réduisant à néant mes possibilités de contacts. Cherchez l’erreur : je regarde à la source, le fichier envoyé. C’est bien ça, c’est bien moi qui me suis trompé lors de la saisie. Simple faute de frappe ou acte manqué ? Je ne voulais absolument pas que ça marche, c’est bien ça ? Ça m’aurait trop plu, c’est ça ? Ou j’avais peur de valoir quelque chose, je ne le méritais pas, c’est encore ça ? Ou bien encore et toujours Je ne suis pas digne d’être apprécié, pire d’être aimé (aïe !), pire encore d’être admiré (quelle horreur) ?  

Est-il exagéré de dire que c’est l’illustration de ma vie ? Oui c’est exagéré mais pas que. Ce ne sont pas les exemples qui manquent. A 18 ans, repéré par une photo d’identité dans un dossier administratif, appuyé par un rendez-vous avec son assistant et son photographe attitré, un grand réalisateur m’offre le premier rôle dans son nouveau film. Le cinéma direct par la grande porte. Mais je n’ai pas été très attentif au déroulé du planning et j’ai laissé mes parents faire capoter l’affaire derrière mon dos, merci à eux. Ils ne souhaitaient pas que j’aille faire le zouave devant une caméra, préférant que je mange de la vache enragée histoire de m’apprendre les dures réalités de la vie. Bref, dirons-nous. Et direct un premier rôle ? peut-être demanderez-vous septiques. Oui, avant d’être âgé et du genre édenté, j’étais jeune et plutôt très beau (demandez aux pédophiles), j’aurais pu être Robert Redford en brun. Raté comme vous voyez. D’autres exemples ? Les différentes propositions de producteurs de musique  (4 en tout) pour faire de moi un chanteur avec mes propres compos punk et rock entre mes 20 et 30 ans. Mais, même si j’écrivais comme un bon élève mes morceaux puisque l’on me le demandait - et exactement comme bon me semblait, liberté totale, même si je me trouvais physiquement dans la cabine d’enregistrement du studio, même si je chantais d’une seule prise inspirée mes titres dans le micro, je n’étais pas là, absent et étranger à moi-même. Chanteur ? Quel rapport avec moi ? C’était l’époque où ma vie privée ne me regardait pas, où je ne pensais de toute façon pas qu’elle allait s’éterniser bien longtemps. L’époque où je jouais toujours avec la balle de colt que j’avais dans ma poche, ricanant in petto : quand je veux, quand j’en ai assez, j’y vais, je me casse. Et quand enfin après plusieurs années j’ai été là, enfin prêt, les producteurs eux n’y étaient plus. Encore raté. Et plus tard, que dire de ma collaboration de parolier avortée avec le chanteur Christophe (Aline, Les mots bleus, mais pas que, du rock et de la techno-pop de qualité top), Christophe, le gars avec Bashung avec lequel j’avais le plus envie de travailler, et c’est lui qui m’avait contacté. Le premier texte que je lui ai envoyé sur la première musique qu’il m’avait filée (secret défense la bande) au début de notre collaboration présentait 2 vers faiblards au milieu de 24. Cela a suffi. Je savais que ces 2 vers étaient faiblards, j’avais tout mon temps pour les travailler, mais ça me démangeait, j’avais trop attendu, depuis trop longtemps, j’avais trop ramé, j’ai mailé le texte quand même. 2 vers faiblards sur 24, la star n’a vu que ça. Après, son regard, son désir, son impatience à l’égard de mes textes qu’il attendait auparavant avec le plus grand espoir créatif et la plus grande gourmandise artistique avaient changé. Il avait été déçu et quand bien même il a reconnu avoir bien apprécié certains des autres textes envoyés par la suite, non ça n’a plus suffi. Avec ces mecs-là, tu te loupes une fois, c’est fini, ta chance est passée. Encore une fois raté. Et encore quoi d’autre ? Cet autre chanteur célèbre qui me demande après m’avoir vu me produire en concert avec mon groupe rock et être monté sur scène avec moi pour un bœuf, ce mec qui me demande si je peux lui refiler un des blues (« Who is qui ») de mon répertoire pour son prochain album. Je préfère le garder pour moi j’ai spontanément répondu, tellement persuadé que j’allais être signé par une maison de disques. Qu’est-ce qui empêchait que nous le chantions tous les 2, ou que tout simplement je le lui laisse, ayant moi-même des titres à la pelle dans mes cahiers, sur mes K7 ? Caramba, l’esprit d’escalier, toujours raté. Bon, ça ira comme ça, je vous épargne d’autres anecdotes du même type.

Regardez-moi aujourd’hui : pas loin de 500 chansons écrites, ô pas toutes au top mais un paquet quand même. Et même les moyennes sont sérieusement au-dessus du lot de ce que vous entendez sur vos radios. Oui, sérieux, un paquet de tubes, qui laissent nombre de mes connaissances également incrédules et pantoises que ces morceaux tellement évidents n’aient pas cartonné. Une spécialiste de la ménagère de moins de 50 ans m’avait pourtant prévenu après l’écoute intégrale de mon tout premier album : « C’est bien trop bien pour eux, ça ne marchera jamais (sic) ». Quoi ? Qu’est-ce que tu veux dire ? « Rien de plus, rien d’autre, tu m’as bien compris ». Bien trop bien, ça n’a pas de sens j’ai pensé. Et où tout ça, les 500 morceaux ? Ok, sur une chaîne YouTube avec une sympathique mais dérisoire poignée d’abonnés, quelques uns également ici sur ce site pour quelques intéressé(e)s, merci à eux aussi, mais surtout dans les tiroirs de l’oubli, dans les tiroirs de l’ordi  qui sera enterré (incinéré) avec moi. Raté. Mes livres aussi, une bonne demi-douzaine, autoédités et là-encore lus par une toute toute petite poignée de personnes, dont certaines me disent qu’ils - mes livres - sont d’excellents remèdes à la mélancolie. Et alors ? Est-ce que cela fait venir d’autres lecteurs, un éditeur ? Tu penses, encore un râteau en or.  

Non, on ne peut pas dire que je n’ai pas eu ma chance, mes chances même. Méthodiquement passé à côté. Mais qu’est-ce que ce qui cloche en moi, qu’est-ce que j’ai dans l’inconscient ? Du chewing-gum, de l’hélium, du sable inlassable, du ciment ? Je suis marqué par le ciel au fer du loupé rouge et blanc, c’est ça ? Mon destin, c’est de volontairement rester sur la touche, sur le mauvais bord de la rive, je veux m’empêcher de réussir quoiqu’il arrive, c’est encore ça ? Je veux bâtir un mur entre ce que je poursuis et là où je suis ? C’est l’héritage des super névroses de mes super parents qui fait de moi un éternel « Damn, encore raté » ? C’est encore ce « Je ne mérite pas d’être aimé » ou alors « Je ne mérite pas d’y arriver » ? Ou encore encore j’aime trop jouer aux échecs et je me suis définitivement approprié la case défaite que je joue avec les pièces noires ou vertes ? Et alors quand karma fâché lui toujours faire ainsi ? Bon, histoire de se consoler, dans ces conditions pensons peut-être posthume. Mmmhhh… vois pas bien par quel miracle je passerais un jour de ce monde aux us et costumes. Ouaip, cherchez pas, c’est bien chez moi que ça se passe, y’a trop d’ came dans l’arbre à came*. 

 

* Les littéraires et les mécanos auront compris d’eux-mêmes que je n’ suis pas un toxico.

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Ancolies

15-01-2023

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De la came dans l’arbre à came appartient au recueil Ancolies

 

Tranche de Vie terminée ! Merci à Ancolies.

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