Au restaurant - Sketch

Au restaurant.

A – Garçon !

B – Oui Monsieur.

A – Je désirerais commander…

B – Moi aussi, mais je ne suis là que pour servir... malheureusement. Et puis, arrêtez de m’appeler « garçon », c’est avilissant.

A – Désolé euh… Monsieur. Quels sont les plats du jour ?

B – D'abord je tiens à vous signaler que nos toilettes sont au fond du couloir et qu'elles ont tout le confort moderne.

A – Merci ! Pas pour l'instant.

B – Nos toilettes dernier-cri sont directement importées du Japon. Vous pouvez choisir votre parfum et votre musique d'ambiance...

A – Merci encore mais je voudrais savoir ce qu'on sert ici.

B – Voyons voir… Quel jour sommes-nous ?

A – Mercredi.

B – Bon, alors mercredi, c’est entre mardi et jeudi…

A – Je sens qu’on progresse…

B – Aujourd’hui, c’est le jour de la trifouillade !

A – La quoi ?

B – La trifouillade est un plat local. Vous n’êtes pas d’ici, vous ?

A – Non.

B – La trifouillade est un genre de confit d’oie ou de canard préparé à l’alcool de trèfle. Elle vous est servie avec une jardinière de légumes le plus souvent. Aujourd’hui, c’est de la trifouillade de canard avec des haricots.

A – À tout hasard, c’était quoi le plat du jour d’hier ?

B – De la trifouillade d’oie.

A – Et demain ?

B – De la trifouillade d’oie. Nous alternons avec le canard.

A – Je crois comprendre que vous proposez de la trifouillade tous les jours ?!

B – Non, pas le dimanche.

A – Et pourquoi ?

B – Parce que le dimanche, nous sommes fermés… Mais croyez-moi ; la trifouillade est un plat qui gagne à être connu !

A – C’est à désespérer si personne ne connaît ce plat malgré votre insistance !

B – Comprenez qu’on privilégie la cuisine locale. Le terroir avant tout !

A – Bon, je vais essayer la trifouillade.

B – Pas si vite ! Avez-vous des contre-indications médicales ?

A – Des quoi ?

B – Des contre-indications médicales ? Nous déclinons toute responsabilité s’il s’avérait que vous soyez allergique !

A – Quelles allergies ?

B – C’est vous qui pouvez nous le dire !

A – Je viens simplement manger et je ne crois pas faire d’allergie… à part les fruits de mer.

B – Vous voyez bien qu’en cherchant un peu vous êtes allergique. C’est exactement pareil quand vous partez à l’étranger, vous vous renseignez avant sur la cuisine locale.

A – Oui, mais là nous sommes en France !

B – Il n’empêche ! Il existe beaucoup de différences d’une région à l’autre.

A – Quels sont les risques éventuels ?

B – Disons qu’il y en a un qui peut vous retenir un certain temps dans un endroit exigu qui n’a pas pour vocation d’y passer des heures entières… Comme je vous l'indiquais précédemment,  notre établissement est confortable.

A – Je crois comprendre maintenant… Quels autres risques ?

B – Une accélération de la flatulence… ça va de pair avec le premier symptôme… et disons même, généralement le précède.

A – Je cours le risque ! Je veux goûter à la trifouillade !

B – J’espère que vous courez vite et que vous avez une bonne mutuelle… Prendrez-vous aussi de notre vin de pays pour accompagner ce met si délicat ?

A – Y-a-t-il une contre-indication pour le vin ?

B – Pas que je sache… Nous importons notre vin de pays.

A – Comment ça vous importez le vin de pays ?

B – Oui, nous n’avons pas de vignobles. Alors, il faut bien le faire venir de quelque part…

A – Pourquoi le qualifier de vin de pays s’il n’est pas fabriqué ici ?

B – Dites Monsieur… Vous le faites exprès ! Il faut bien que le vin vienne de quelque part ! Il s’agit d’un autre pays ! Voilà tout !

A – Bon, bon… Ne vous fâchez pas ! D’accord pour le vin.

B – Prendrez-vous un dessert ?

A – Déjà ?

B – Oui. Et je vous demande également pour le café pour vous préparer la note.

A – Pourquoi ? Vous voulez que je paie d’avance ?

B – Le client précédent a été évacué en ambulance et n’a pas payé sa note !

A – Fichtre ! Alors, qu’avez-vous comme dessert à me proposer ?

B – Une spécialité locale, le trifouillou.

A – Qu’est-ce donc ?

B – Le trifouillou est un dessert constitué à partir de pâte à choux et a la forme d’un trèfle. C’est à vous de me dire ce que vous voulez dedans.

A – Je ne sais pas moi… Y’a-t-il un choix par défaut ?

B – Par défaut il n’y a rien car les clients non habitués arrivent rarement jusqu’au dessert…

A – Alors, mettez-moi de la crème pâtissière avec un assortiment de parfum et de la crème chantilly.

B – Excellent choix ! C’est ce que j’aurais pris également. Je vous propose d’accompagner avec un petit coulis de chocolat. J’aime bien le chocolat…

A – On dirait que vous voulez le manger à ma place.

B – Monsieur ! Sachez que nous n’avons pas pour habitude de gaspiller la nourriture !

A – Ah ???

B – Bon ! Je passe la commande. L’apéritif vous est offert !

A – Merci !

B – Attendez avant de me remercier !

A – Je ne suis pas au bout de mes surprises…

B – Il faut que j'aille chercher des dés.

A – Dédé ? C'est le patron ?

B – Non. L'apéritif est un « tricolore ». Avant de savoir quoi mettre dedans il faut tirer au sort avec des dés.

A – C'est curieux...

B – C'est notre tradition. Le premier jet de dés désigne le parfum : menthe, citron... etc. Le deuxième un mélange pétillant et le troisième généralement un alcool fort. Ah, les dés sont dans ma poche. Tenez !

A – OK. Je lance une première fois. Sept !

B – Sept, c'est un sirop de cassis.

A – Un deuxième jet... Douze !

B – Douze, c'est très bien, c'est du champagne.

A – Le troisième lancer... Deux !

B – Deux, c'est de la vodka. Bon je pars le confectionner et je vous apporte également du trichlore...

A – C'est quoi du trichlore ?

B – C'est une variante du tricolore mais qu'avec l'eau du robinet !

A – Il est amusant ce jeu... Vous savez où je pourrais y jouer ce soir ?

B – Pas de souci. Il y a un bar que je fréquente assidûment le soir. Je viendrai vous chercher.

A – Laissez-moi vous donner les coordonnées de mon hôtel...

B – Ne vous donnez pas cette peine... Je viendrai frapper à la porte des toilettes !