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Un pas de côté - Critique de Film, Théatre, série.

Critique de Film, Théatre, série. "Un pas de côté" est une critique de film, Théatre, série mise en ligne par "Paulette Pairoy-Dupré"..

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« Un pas de côté »

« Un pas de côté » est une comédie romantique d’Anne Giafferi, actuellement au Théâtre de la Renaissance à Paris où le talent d’Isabelle Carré se décline avec celui de Bernard Campan dans une mise en scène magnifiquement orchestrée.

« Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous », Anne Giafferi reprend cette citation de Paul Eluard dans une analyse de l’intimité de deux quinquagénaires plus ou moins prisonniers de leur couple, et nous parle du temps qui passe, de la tentation, des élans de l’amour, des limites de l’amitié et de la fidélité.

 

Au lever du rideau, Catherine (Isabelle Carré) est assise sur un banc dans le parc près de son bureau. Elle est plongée dans la lecture d’un ouvrage philosophique. Les écouteurs sur les oreilles, claquant des doigts, avançant en se trémoussant au rythme de la musique qu’il écoute bien trop fort, Vincent (Bernard Campan) vient s’asseoir près d’elle. Voilà qui dérange Catherine qui ne peut se concentrer sur le son des mots, dit-elle. Elle lui demande donc de baisser le son ce qu’il fait de mauvaise grâce et ponctue d’une remarque désobligeante. Enervée, Catherine lui lance le contenu de sa gourde tachant son blouson de daim. Chacun repart de son côté, furieux. Voilà pour le moins une rencontre houleuse !

Quelques jours plus tard, ils se retrouvent sur le même banc. La colère est tombée. Ils se présentent et échangent quelques mots et sourires. Elle est clerc principale de notaire. Il compose des musiques de films.

Ils prennent bientôt l’habitude de venir dans ce parc, sur ce même banc pour y passer leur pause déjeuner. Ils font connaissance et échangent sur leur vie, leurs soucis, leurs inquiétudes quant à l’avenir.

Elle porte à bout de bras son conjoint dépressif. Il est enfermé dans une routine qui lui pèse et voit d’un mauvais œil ce que son épouse envisage pour la retraite : le petit pavillon en banlieue, le jardinage, le chien à promener, tout cela lui fait peur.

Ces moments de partage sont une bouffée d’air qui leur fait du bien, allège leur quotidien, un moment que chacun finit par attendre avec impatience. Avec le temps, un lien fort s’installe. Ils sont de plus en plus complices, de plus en plus intimes. Si Catherine maintient néanmoins ses distances, Vincent cherche à aller plus loin dans la relation. Elle refuse dans un premier temps de lui donner son numéro de portable, décline une invitation au restaurant. Lorsqu’elle l’informe d’une escapade avec son conjoint pour le weekend pascal, Vincent qui avait prévu de lui faire visiter son studio de musique, fait montre d’une certaine jalousie.

Cette rencontre sur ce banc est une parenthèse. Chacun remet sa vie en cause mais que peuvent -ils espérer ? Jusqu’où peuvent -ils aller ? Feront-ils un pas de plus ?

Les vacances d’été arrivent. Ils se donnent le temps de réfléchir et prennent rendez - vous pour la rentrée.

Un jour Vincent avait raconté l’échec d’un amour de jeunesse qui le hantait toujours et qui à l’époque l’avait même conduit jusqu’Etretat avec l’idée de se jeter à la mer depuis la falaise.

Catherine qui à ses heures perdues écrit, avait imaginé que cela pourrait faire un scénario de film dont Vincent composerait la musique mais avec une fin plus heureuse. Et les deux s’y étaient attelé.

 

La métaphore de la falaise n’est pas un hasard. Elle a toute une symbolique émotionnelle. Elle évoque le danger et le risque, une rupture entre deux mondes, le fait d’être au bord d’une décision importante qui déstabilise et les sentiments troublants que cela génère. Sauteront-ils dans le vide ?

Lorsqu’ils se retrouvent après l’été, Catherine annonce que son scénario est terminé. Il ne lui reste qu’à ajouter le mot de la fin. Mais Vincent lui, semble avoir oublié la musique.

 

Aux côtés du duo dont la complicité scénique n’est plus à prouver, on apprécie la prestation de Stanislas Stanis, compagnon dépressif de Catherine et mixeur de Vincent, Hélène Babu, son épouse qui incarne également et avec brio, une femme démunie qui, à des moments clés, passe faire les poubelles, quêter quelques euros et fait le lien entre les deux protagonistes, y allant de son commentaire sincère et plein de bon sens. Kelly Gowry et Pierre Antoine Suarez sont deux jeunes amoureux qui, eux aussi traversent le plateau de temps à autre, préfigurant ce que ne s’autorisent pas nos quinquagénaires.

 

 

Et puis il y a cet accessoire, le foulard de Catherine qui lui aussi marque les temps forts de leur histoire. Il est aux couleurs du printemps, orné de motifs fleuris. Dans la première scène, Vincent s’assied dessus et Catherine peine à lui tirer de dessous le postérieur. Il permet à Vincent de le nouer de manière symbolique autour du cou de Catherine. Est-ce un acte manqué quand elle l’oublie à la veille des vacances ? La passante le ramassera et le rapportera au retour mais Catherine sera déjà partie. Elle le remettra à Vincent supposant qu’il lui rendra. Mais après en avoir humé le parfum et l’avoir porté à ses lèvres, il l’abandonnera sur le banc resté vide.

 

Le décor d’une grande sobriété est l’oeuvre du scénographe Alain Lagarde et de l’éclairagiste, Christian Pinaud. Par un jeu de cloisons mobiles et des projections vidéo en arrière- plan l’espace scénique se transforme au fil de la journée, des saisons et au gré des lumières.

Côté mobilier, un banc, un canapé, des chaises Alors que le banc recule sur la scène, le parc suggéré par une diapositive bucolique laisse place à de grands ensembles et aux lumières de la ville lorsque l’un comme l’autre retrouve son foyer. Les éclairages plus ou moins intenses se font l’écho du ressenti des protagonistes.

 

La pièce s’achève avec la chanson de Françoise Hardy « Le premier bonheur du jour »

 

Le premier bonheur du jour
C'est un ruban de soleil
Qui s'enroule sur ta main
Et caresse mon épaule

C'est le souffle de la mer
Et la plage qui attend
C'est l'oiseau qui a chanté
Sur la branche du figuier

Le premier chagrin du jour
C'est la porte qui se ferme
La voiture qui s'en va
Le silence qui s'installe

Mais bien vite tu reviens
Et ma vie reprend son cours
Le dernier bonheur du jour
C'est la lampe qui s'éteint.

 

 

Un très agréable moment de théâtre, beaucoup d’émotions mais aussi des rires, deux comédiens qui forment un duo d’une complicité exceptionnelle, qui « excellent dans l’art de la demi-teinte : leurs silences, leurs regards, leurs hésitations sont autant de petits bijoux de vérité. Ils se nourrissent l’un de l’autre, éclairent mutuellement leur jeu d’une précision extrême et d’une simplicité désarmante, et insufflent à cette pièce une humanité rare.

Isabelle Carré incarne une Catherine lumineuse à la fois pudique, fragile et profondément vivante, qui garde toujours une part de tendresse pour son mari tout en s’autorisant ce souffle de liberté. Bernard Campan prête à Vincent sa mélancolie tendre, son humour discret doublé d’une dose de maladresse touchante devant son refus d’abdiquer face au temps qui passe. » (Christian Jarniat, Résonnances lyriques)

 

Un spectacle à voir !  Jusqu’au 11 janvier au Théâtre de la Renaissance

 

CR/PPD Novembre 2025

 

 

 

 

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Auteur

Blog

Paulette Pairoy-Dupré

03-11-2025

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Un pas de côté n'appartient à aucun recueil

 

Critique de Film, Théatre, série. terminée ! Merci à Paulette Pairoy-Dupré.

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