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Le moindre mal - Grande Nouvelle

Grande Nouvelle "Le moindre mal" est une grande nouvelle mise en ligne par "Emmalys".. Rejoignez la communauté de "De Plume En Plume" et suivez les mésaventures de Ned, Decke, Faren et cie...

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    Ned pivota sur lui-même afin de trouver un point d'accès. Il possédait toujours l'arme de la recrue, dissimulée dans un étui spécial afin de la rendre indétectable mais faire feu sur le tireur en plein milieu du club signifiait se faire repérer par la garde de Tantale et ce risque-là, Ned n'était pas vraiment prêt à le prendre. Il savait comment Séli le remercierait pour un tel acte de bravoure, et en admettant qu'il laisse Ned en vie, ce dernier devrait ensuite rendre des comptes à ses employeurs.

  L'échelle qui permettait de monter sur le poutrelle se trouvait derrière les écrans. Pour y monter, il devait donc passer par-dessus le bar et se glisser derrière la structure circulaire sur laquelle ils étaient fixés. Pas vraiment le chemin idéal pour rester discret ! A moins que...

   Ned décida de tenter le tout pour le tout et pirata la serrure du local. Les murs étaient parcourus de câbles et de panneaux électriques. Il ne s'agissait pas du générateur principal mais un bon court-circuit affaiblirait suffisamment l'installation pour que la lumière baisse ou s'éteigne pour un bref moment. Cette diversion ne lui laisserait pas plus de quelques secondes mais c'était toujours mieux que rien. Ned respira profondément, visionna le trajet qu'il aurait à parcourir dans son esprit puis fit sauter les fusibles.

Les spots se coupèrent ainsi que la musique, plongeant momentanément le club dans la pénombre. Ned en profita pour se laisser souplement tomber du balcon, juste avant qu'une lumière sourde ne vienne prendre le relai. Dans la confusion, personne ne vit Ned plonger sous le bar et passer derrière le paravent d'écrans, pas même les gardes, occupés à calmer les clients et à les diriger vers la sortie.

   La coupure de courant ne semblait pas avoir déstabilisé le tireur, qui n'avait pas bougé d'un pouce et pointait maintenant son arme en direction du bureau de Seli. Ned arriva dans son dos et lui flanqua un coup dans les rotules pour lui faire perdre l'équilibre. Surpris, le tireur vacilla mais se rétablit aussitôt et braqua le pistolet vers son agresseur. Son expression se modifia sensiblement en avisant Ned.

-   Toi ?

Sans lui laisser le temps de réagir, Ned lui envoya un uppercut à l’estomac qui le plia en deux et le désarma avant de vider le chargeur.

-   Séli se fabrique des pantins au cerveau greffés pour faire le sale boulot à sa place, expliqua-t-il froidement au tireur. Il a déjà envoyé les premiers résultats à d'autres têtes. La technologie employée ne vient pas de lui mais d'un labo de la Coalition, Gedemo. C'est un truc immense, qui va bien plus loin que Tantale. La prochaine fois, vous écouterez au lieu de me forcer la main.

-   Tu n'es pas un informateur, ce n'était pas ton boulot, répliqua l'autre avec hargne. Ton petit tour de passe passe va te coûter un passage en cour martiale !

-   Si c'est le prix à payer pour vous empêcher de commettre une nouvelle bourde, ça ne me pose aucun problème, fit Ned. Appelle les autres, dis-leur que tout est fini et pliez bagage.

-   Ne crois pas t'en tirer comme ça. Si tu ne rentres pas avec nous, ils vont revenir te chercher.

-   Qu'ils viennent, s'ils ont du temps à perdre. Ils en profiteront pour constater les faits par eux-mêmes. Maintenant, annule l'opération si tu ne veux pas que je te livre à Séli, grogna Ned en attrapant le tireur par le col.

   Le calme était revenu sur Tantale. Même si Séli avait échappé à son exécution de peu, l'alerte l'avait suffisamment refroidi pour que les meurtres en série cessent aussi brusquement qu'ils avaient commencés. Peu de temps après, le cargo avait pris le large pour de meilleures horizons mais Ned savait qu'il n'était sans doute pas parti bien loin.

Sa première intuition s'était donc confirmée : son séjour sur la station avait été plutôt mouvementé mais il n'aurait jamais imaginé s'y attarder plusieurs jours après la fin de la mission. Il fallait dire que ce qui l'attendait ne lui donnait pas vraiment envie de précipiter son retour. Ses supérieurs avaient été très clairs : Ned avait enfreint trop de règles pour espérer que l'on se contente de lui taper sur les doigts. Cette fois, c'était du sérieux. Pourtant, il ne regrettait pas d'avoir pris cette décision. Il avait obéi aveuglément pendant trop longtemps et il savait qu'il avait eu raison. Les preuves qu'il avait trouvées étaient solides et même si on l'écartait de l'enquête, au moins pouvait-il se targuer d'avoir empêché des morts inutiles.

Son seul regret allait pour Decke et pour tous ceux qui tomberaient sous la coupe de Séli. Faire ce choix n'allait pas sans conséquences mais des deux maux, il pensait sincèrement avoir choisi le moindre. Cela ne l'empêchait pas de se sentir coupable au point de rester sur la station pour faire amende honorable, chose qui n'allait pas arranger son cas devant la cour martiale.

-   Je ne pensais pas vous revoir ici, dit une voix familière.

Ned poussa un verre en direction de Decke alors que celui-ci le rejoignait sur le bout de comptoir où ils s'étaient rencontrés, quelques jours plus tôt.

-   On ne peut pas dire que ça manque d'animation, dans le coin, répondit Ned. Ce n'est pas forcément pour me déplaire.

Decke fronça les sourcils et huma discrètement le contenu de son verre.

-   Je ne pensais pas que vous étiez le genre de personnes à aimer être entouré de morts...  et de fantômes, dit-il.

-   De fantômes ?

-  Tous ces gens qui plient l'échine, parce qu'ils n'ont pas le choix, ou qui préfèrent vivre dans la peur, persuadés que leur vie n'a aucune valeur simplement parce que quelqu'un le leur a dit. Ils contemplent leur existence sans vraiment y prendre part, sans espoir, à part celui de voir une nouvelle aube se lever.

-   Ce n'est pas aussi simple, répondit Ned d'une voix posée. Le monde a beaucoup changé en quelques années et les règles qui vont avec également. Bientôt, le point de rupture sera atteint et les gens se réveilleront avec une nouvelle conscience d'eux-mêmes, une conscience qui leur redonnera le goût de vivre et de se battre pour ça.

  Decke le dévisagea pensivement.

-   J'aimerais avoir le quart de votre optimisme, maugréa-t-il en buvant une gorgée d'alcool.

-   Ce n'est pas de l'optimisme, ce sont des faits, corrigea Ned. Toutes les révoltes se produisent en période de crise.

-   Mais pas toujours avec le même résultat.

-   Non. Mais essayer de faire bouger les choses, c'est déjà un pas en avant. Il faut laisser le temps faire son œuvre et mettre le feu aux poudres quand c'est nécessaire. Et pour votre gouverne, non, je n'aime pas être entouré de morts ou de fantômes. J'essayais juste d'entamer une conversation qui ne m'envoie pas chez le psy pour dépression, ce qui, avec vous, semble carrément impossible !

   Decke le regarda d'un drôle d'air puis un léger sourire illumina ses traits. L'espace d'un instant, les ombres qui dansaient dans ses yeux disparurent, faisant ressortir le bleu intense de ses iris.

-   Pardon, mais Tantale n'est pas vraiment l'endroit idéal pour apprendre à tenir une conversation ordinaire.

-  Sans rire ?

Les lèvres de Decke s'étirèrent un peu plus.

 -   A vrai dire, vous êtes sans doute la personne la plus normale que j'ai rencontrée jusqu'ici.

-   Voilà qui en dit long sur vos relations avec autrui, commenta Ned.

-   En général, j'évite de me frotter aux autres. Dans le coin, ça ne rapporte que des ennuis.

-   Qui vous dit que je n'en apporte pas ?

-  Vous avez l'air plutôt inoffensif.

-   Si vous vous basez sur les apparences, vous êtes plutôt naïf.

-   J'aime croire que les gens sont parfois ce qu'ils semblent être.

-   Oh, mais ne serait-ce pas un brin d'optimisme ? se moqua Ned.

  Decke laissa échapper un rire franc.

-   Il faut croire que vous avez une bonne influence sur moi.

-   Dommage que je ne puisse pas rester plus longtemps, dans ce cas.

-   Vous ne m'avez même pas dit ce qui vous amenait sur Tantale, fit Decke en scrutant le fond de son verre comme s'il redoutait d'y trouver la réponse à sa question. En même temps, se trouver au milieu d'une fusillade ne facilite pas vraiment la discussion.

-   Je tâte le terrain, répondit évasivement Ned. J'envisage de créer une boutique de pièces détachées pour les transports interstellaires. L'espace triumvir pratique des tarifs exorbitants pour ce genre de commerce et les taxes pompent tout espoir de bénéfice à long terme.

  Une expression circonspecte passa sur les traits de Decke.

-   Si j'avais le choix, je ne m'installerai certainement pas ici. En réalité, je ferais n'importe quoi pour quitter cet endroit, si je le pouvais.

Ned le fixa avec intérêt.

-   Et qu'est-ce qui vous en empêche ?

Decke fit osciller son verre sur le bord de la table, le regard dans le vague.

-   Par où commencer ? Par le fait que Séli m'empêchera de tenter quoi que ce soit et qu'il me fera payer cher la moindre tentative d'évasion ? Je n'ai aucun moyen de quitter cet endroit et vous avez sans doute entendu parler du sort que l'on réserve aux passagers clandestins dans le coin . Je n'ai aucun moyen de pression, aucun pot de vin à verser et je traîne de très lourds bagages derrière moi.

-   Donc, vous allez vous laisser transformer en fantôme sans rechigner, si je comprends bien.

-   C'est bien parti pour, répliqua Decke avec aigreur en faisant finalement main basse sur la bouteille la plus proche.

-  Si vous restez assis, le cul entre deux chaises, vous allez finir par vous casser la gueule, d'une façon ou d'une autre.

  Decke baissa la bouteille et plissa le front.

-   Pardon ?

Ned lui prit la bouteille des mains et se resservit une longue rasade.

-   Vous ne pouvez à la fois ruer dans les brancards et prétendre rentrer dans le rang, insista-t-il. Après la fusillade, vous vouliez des réponses alors que vous saviez que personne ne vous les donnerait. Vous salir les mains pour Séli ne vous a pas encore transformé en bon petit soldat mais ça viendra. Vous vous lasserez de prendre des coups pour obtenir des réponses que vous n'aurez pas, de toute façon mais votre conscience ne l'acceptera pas. Ca va vous détruire, définitivement. Si vous ne faites pas le choix qui s'impose, le temps s'en chargera pour vous, et alors, il sera trop tard pour reculer.

-  Vous vous improvisez psy de comptoir, maintenant ? ironisa Decke.

-   J'ai l'alcool bavard, admit Ned. Non, en réalité, je suis plutôt prolixe de nature mais la bouteille n'arrange pas les choses. Au fait, comment va votre épaule ?

-   Mieux, dit Decke en faisant jouer machinalement ses muscles.

-   Et votre enquête ?

-   Au point mort mais je suis sûr que ça ne vous surprends pas.

-   Vous allez continuer à creuser ?

-   C'est mon intention, jusqu'à ce que je me lasse ou que je me transforme en bon petit soldat. C'est bien ce que vous avez dit, non ?

Le ton blessé de sa voix interpella Ned, qui haussa les épaules pour faire bonne figure.

-   Quand j'ai un coup dans le nez, il ne faut pas écouter tout ce que je raconte.

-   Je doute que vous soyez ivre avec seulement deux verres, argua Decke.

-   Pas assez, en tout cas, pour ne pas voir que je suis déjà en retard, fit Ned en jetant une carte de crédits sur le comptoir.

  Decke se tourna vers lui :

-   Si je puis me permettre un conseil, ne revenez pas sur Tantale. Vous risqueriez de ne plus pouvoir en repartir.

Ned lui adressa un clin d’œil égrillard.

-   Oh, je le sais. Mais pas pour les raisons que vous imaginez.

   Il quitta Decke sur un dernier éclat de rire, qui le rassura sur ses intentions. Il ne renoncerait pas à ses principes tant qu'il aurait les moyens de continuer et Ned venait justement de lui fournir de quoi poursuivre sa quête de la vérité. Lui aussi avait été à la place de Decke et avait dû faire un choix qui l'avait conduit là où il en était, aujourd'hui. Il avait oublié combien il était grisant d'enfreindre les règles établies et de retrouver, même l'espace d'un instant, son libre-arbitre.

Bientôt, Decke trouverait dans sa poche, une copie de la puce cryptée où étaient encodées toutes les informations que Ned avait trouvé dans le cargo, ainsi que les réponses à ses questions. S'il avait dû abandonner l'idée de faire tomber Séli, il laissait ainsi à Decke l'une des clés pouvant ouvrir la serrure de sa cage.

  A lui ensuite, de voir s'il préférait pousser la porte ou bien la refermer.

F I N


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Auteur

Emmalys

03-10-2012

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Le moindre mal appartient au recueil Marche à l'Ombre

 

Grande Nouvelle terminée ! Merci à Emmalys.

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