"Le Fossé des Baobabs " est une chronique littéraire mise en ligne par
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Le Fossé des Baobabs ou l'abîme des valeurs humaines Daouda Mbouobouo est un auteur de Yaoundé. Poète, écrivain, romancier, critique, essayiste, il est avant tout un littéraire engagé : dans un combat éternel contre l’inculture. Bien des armes composent un tel ennemi, un tel fléau, parmi lesquelles la perte des traditions, l'indifférence croissante face à un monde en perpétuelle mutation, la réduction de la communication à l'information, de l'information au renseignement, de la connaissance au factuel, de l'érudition à l'intellectualisme de pointe, des domaines classés « culturels » à la rentabilité, le virement du singularisme au tribalisme, la mise au second plan des valeurs morales, éthiques voire déontologiques (cf. ses recueils de poésie tels Le Griot des temps modernes ou Les Fleurs n'effleurent plus midi, qui appellent à la médiation et à la lutte contre l'ignorance) … La culture, tendre moitié de la société, avec laquelle elle forme cette grande Civilisation -et donc l'Humanité ! - s'affaiblit, s'éteint de jour en jour, et la machine humaine remplace ces valeurs dites « humanitaires ». L'auteur est d'une origine double : littéraire, certes, mais aussi juridique (car juriste de formation). Rapport ? Outre le droit d’auteur (réponse on ne peut plus factuelle), outre les valeurs morales (théoriquement constitutives du répertoire juridique), il ne faut pas oublier que Droit et Philosophie sont étroitement liés, par le fruit de l'Histoire - en témoignera l'Habeas corpus, précurseur des Lumières du 18°s. et des droits érigés par la Révolution : d'où ce combat littéraire de l'auteur, tant il s'agit de remarier les valeurs sociales aux valeurs culturelles. Enfin, constatons que le phénomène de la secte se substitut crescendo à celui de l'initiation. Telle est la transition qui s'impose pour évoquer le dernier opus de Daouda Mbouobouo, Le Fossé des Baobabs (Proximité, 2018) qui, via Horoumé son protagoniste, sonne comme un véritable message initiatique envers la jeunesse d'aujourd'hui – ou jeunesse en général, qui voit trop souvent ses rêves, ambitions, dynamismes, savoirs, talents s'embourber, se faner en désillusions, compromissions, formalismes, intellectualismes et donc... ignorances. *** Voici un roman d'allure plutôt appétissante : mais oui, quel est-il ce fossé, qui avale des monuments naturels tels les baobabs ? Voilà un sacré problème de gourmandise et de prédatorisme. Pourquoi le fossé ? Pourquoi les baobabs ? Pourquoi le fossé des baobabs ? Passons à la question thématique et purement littéraire. Le baobab serait-il comme l'expression du temps, de la nature, du monument donc des valeurs humaines, d'un enracinement profond ? Est-il comme une grande paternité, l'apanage des civilisations ou un élément de protection ? Effectivement, ses bras sont gigantesques, procurant paix, sérénité. Il est une mémoire comme une attention parentale. Sacré monstre que ce fossé qui met dans son goitre des géants de la nature. Un sacré ventre ! Fossé comme profond, et profond comme le mal. Fossé comme la fosse aux lions, dans le Dédale de la vie où rôde le Minotaure, et où il est vital de se constituer un fil d'Ariane. Un enfer, en quelques sortes, les abysses de la Terre, les oubliettes. N'a-t-il point, en sus, un air de trou noir, ce fossé si particulier ? Aspire-t-il tout ce qu'il trouve, à commencer par les corps gigantesques du cosmos de notre civilisation ? En voilà une métaphore, autant cosmique que tellurique. Dans quel cas, le baobab pourrait être comme souvent un témoin du temps, une archive de souvenirs et d'événements, voire une boite noire tombée dans un trou noir ! Je finirais sur la symbolique du déracinement, puisque toute chose coupée de son enracinement est appelée à chuter dans le précipice de l'ignorance. *** Revenons à nos cigognes, le roman étant bien le sujet central de mon article ! Mais je passe sur les détails sémantiques de l'intrigue, ceux-ci constituant toute cette beauté appelée découverte. Je dirais simplement qu'il s'agit d'un tableau quadripartite, une tétralogie contant l'épopée de Horoumé, bachelier frais émoulu qui part étudier à l'université de Gaiende. Ladite épopée est jonchée d'obstacles tel le voyage d'Ulysse – cette histoire pourrait être titrée « l' Odyssée de Horoumé »). Les 4 parties s'intitulent, respectivement : « Le départ pour Gaiende », « Gaiende », « La virgule Ndyaou-Gaiende » et « Le retour au challenge, le combat fatidique ». L'acte I est existentiel et caractérisé par la règles des 3 unités (temps, espace d'un chemin, action). Ainsi relate-t-il la route de Ndyaou, village originel du protagoniste, vers Gaiende, ville de ses aspirations estudiantines. Un voyage chaotique et expression du destin ; il est l'inconnu X, le fameux X de l'existence (on pourrait parler d' « X-istance » !). Une première équation psychologique pour ce jeune personnage, et l'occasion pour faire le point, sur son vécu, mais aussi sur le présent et l'avenir. Signalons un détail essentiel : une pensée tournée vers les souvenirs de sa grand-mère. Ce voyage géographique est surtout le reflet du voyage initiatique à venir (prologue ou mise en abyme ?), que sera cette histoire, à commencer par la pré-découverte d'un monde nouveau (brassage de cultures). NB : Toute la poésie de l'auteur se retrouve dans la description des paysages, aussi diversifiés que faune et flore humaines (encore un jeu de miroir !). L'acte II « Gaiende » relate la première vie estudiantine (ou premier épisode d'une vie estudiantine) du protagoniste. C'est la découverte d'un monde étranger à Horoumé avec tous ses « murs » à franchir : cours, argent, logement, communauté, différence d'horizons, concurrence, noyade dans la foule, intrigues … puis un incident : une accusation. Réelle ou fondée ? Premier grand monstre à combattre, un round juridique est lancé. L'acte III consacre un double retour au village, occasions pour Horoumé de retrouver ses racines, dans un cocon familial, amical et géo-culturel. Le retour à ses racines lui procure réconfort, repos et recul dont il a tant besoin. Enfin, l'attention maternelle est un élément central : elle renvoie la mémoire vers la grand-mère (évoquée dans l'acte premier) comme elle est un feed-back d'anticipation sur une rencontre majeure (Roum). Entretemps, le retour à la ville universitaire vient officialiser l'accusation dont Horoumé est victime, mise en lumière d'un combat. L'acte IV consacre le retour à Gaiende, et la double rencontre amoureuse : Suzy puis Roum. Ce retour est d'autant plus un challenge qu'il est motivé, même précipité par la perte de son logement, par le fruit d'un bailleur quasi-maffieux. Puis vient le dénouement - académique, administratif et juridique - sur lequel je fais silence et vous invite au plaisir de la découverte. Entretemps, le protagoniste – et héros – fera face à une première rupture amoureuse et donc à une nouvelle situation psychologique, extrême mais constitutive de tout un apprentissage.*
*** Voilà pour ce qui est du synopsis, de l'argument de cette pièce qui est en quelque sorte la tragédie de l'instrumentalisation d'une jeunesse en déperdition et future élite sociétale. Un certain … Socrate se battait déjà contre la corruption de la jeunesse de son temps. Peut-on parler de sophisme des temps actuels ? Naïf de nature, Horoumé est potentiellement digne d'intégrer le Temple du savoir, et surtout d'en ressortir grandi, victorieux de la monstruosité cognitive à laquelle il est livré. Plus que le protagoniste, Horoumé est bien le héros de cette narration. Il reste l'enfant qui sommeille en nous, qui doit grandir, donc évoluer sans être détruit. Comment devenir adulte tout en restent enfant ? Une cohabitation doit être possible, l'Homme n'étant que mise en abyme de la société, qui appelle à la communauté par définition. Les personnages sont tout dessinés : Horoumé, expression existentielle d'une jeunesse en devenir (et quel devenir ?), les baobabs de la vie, et le fossé de tous les maux et dangers. Un appel au message, à la mise en garde, à l'encouragement... Un voyage initiatique, qui n'est pas sans revêtir le coté « Zauberflöte - Flûte enchantée » ; la quête est celle du devenir, et non du savoir seul, enraciné dans une éducation. De mon coté, il s'agit d'un appel à la lecture tant j'ai hâte, tant je suis gourmand de me retrouver englouti dans ce grand fossé, afin d'admirer les baobabs monumentaux. Ah, l'abîme … une sphère de questionnements soulevés avant d'être plongés dans ce fossé littéraire attractif, où la poésie, la philosophie et non sans oublier une dose d'humour, omniprésents, se côtoient et s'entremêlent. Voici l'abîme des valeurs humaines, le Fossé des Baobabs, de Daouda Mbouobouo. Julien Bernard |
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Le Fossé des Baobabs
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