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L'échelle - Tranche de Vie

Tranche de Vie "L'échelle" est une tranche de vie mise en ligne par "Deogratias"..

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L’échelle

 

 

A quelques mètres de la rue où j’habite, il y a des travaux sur le toit d’un bâtiment. Les ouvriers ont installé des échafaudages mais aussi une grande échelle non loin de là.

 

10 heures : Je dois passer sous l’échelle pour promener mon chien. Pas le choix. Je passe, pas très rassurée vu qu’un des ouvriers est dessus, beaucoup plus haut. Mais je passe.

 

10 h 30 : Je reviens. Je vois une personne, puis deux, puis trois, juste avant moi qui avancent. Toutes les trois ont observé l’échelle, elles ont levé la tête, mesuré la hauteur et, sans se concerter, ont décidé de contourner l’échelle. Ce qui les oblige à marcher sur le boulevard, là où normalement circulent les voitures. A priori, elles ont préféré le danger de la circulation routière, le trottoir est trop petit, l’échelle prend toute la place, plutôt que de passer dessous  . Cela m’interroge.

Je prends conscience tout d’un coup de la situation. J’avais oublié ! Mais oui ! J’avais oublié la célèbre malédiction : « Passer sous une échelle porte malheur ! ». Ah, le pouvoir de la superstition tout de même !

 

Pour ma part, je passe en dessous.

 

12 h 30 : L’échelle est toujours là. Je promène mon chien une fois de plus. Six balades par jour pour mon toutou âgé de 9 mois, ce n’est pas de trop. C’est même nécessaire. Je repasse sous l’échelle pour rejoindre un jardin pas très loin.

De nouveau, je constate que d’autres personnes se comportent de la même manière qu’en début de matinée : Têtes levées, calcul rapide de la surface disponible pour marcher sur le trottoir, constat de l’impossibilité d’avancer dessus puis choix de marcher près du caniveau, sur un boulevard encombré de bagnoles qui roulent à vitesse modérée.

Cela me fait sourire. Je les trouve curieux ces gens. Je me moque d'eux. Gentiment.

 

Pour ma part, l’échelle me tend ses bras. Je passe en dessous. Une fois de plus.

 

14 h  : L’échelle transpire un peu sous le soleil de mars. Il fait quasiment 17 degrés. Incroyable pour ce mois des giboulées. Par curiosité, je m’assois sur un rebord de fenêtre. Je constate les mêmes attitudes des passants : D’abord l’observation puis l’hésitation et enfin  prise de risque au milieu de la circulation. Tout sauf passer sous cette échelle ! Je me dis que, si elle avait deux yeux et une bouche, elle rirait de voir autant de froussards l’éviter.

Cette fois, cela me fait franchement rire.

 

Pour ma part, je passe en dessous. C’est la troisième fois le même jour.

 

16 h 30 : Je vais pour passer sous l’échelle et comme je vois d’autres personnes en train de se demander, comme toutes celles qui les avaient précédées quelques heures plus tôt, si elles doivent passer dessous ou non, je m’exclame d'une voix forte : « Mais non, passer sous une échelle ne porte pas malheur ! » et, avec un grand rire, les épaules redressées, une marche bien solennelle,  je passe en dessous, sous les yeux ébahis des passants. Ils me regardent interloqués, la plupart s’esclaffent, pris en flagrant délit de superstition avérée.

Ils sont surpris par mon audace.

Allez savoir pourquoi, peut être parce que l’un d’eux s’est senti mal à l’aise d’être ainsi démasqué, il a foncé avec moi sous l’échelle…Mais il courait !

J’ai explosé de rire. Je lui ai crié : « Aucun risque, vous voyez ! ».

Il avait l’air soulagé.

 

Je me suis demandé alors, prise d’un doute, si j’avais bien agi toute cette journée. Ne devais-je pas moi aussi emprunter la route plutôt que de prendre le risque d’un malheur imprévisible en marchant sous une échelle ?

C’est à 19 heures que j’eus la réponse.

 

Alors que mon chien tout content de s’aérer pour cette dernière sortie de la journée jappait de joie, j’ai vu que l’échelle, au milieu des échaffaudages,  vibrait un peu sous le vent du soir. Je n’avais pas entendu l’alerte météo annoncée quelques heures plus tôt. Un peu inquiète, je me suis demandé si je pouvais une fois de plus franchir cette petite portion de trottoir avec l’échelle au-dessus de moi…Je me disais aussi que peut-être tous ces gens rencontrés n'avaient pas eu tort. Après tout, qu'est-ce que j'en savais moi d'abord ?

Prise de doute, je fis ce que les autres avaient fait avant moi, je pris le parti de marcher sur le boulevard. Allez savoir comment, mon pied glissa ! Je sentis tout le poids de mon corps échapper à mon contrôle. Je me suis retrouvée à terre, jetée avec brutalité comme un vieux sac ! Ma cheville gonfla instantanément.

Toute endolorie, alors que je me relevais péniblement de ma chute, je réalisais que j'étais sans doute la seule ce soir à être blessée. Contrairement à tous les poltrons de la journée qui avaient passé le test de l'échelle. 

 

Folle de rage, moi la courageuse,  la seule, qui avait affronté toutes les terreurs du jour, devant tous les passants médusés, je me mis alors à crier haut et fort :    

 

 

« Non, je ne suis pas superstitieuse !... ça porte malheur ! »

 

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Deogratias

16-03-2024

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L'échelle appartient au recueil Tranches de vie

 

Tranche de Vie terminée ! Merci à Deogratias.

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