Connexion : supprimer Ou

Le roman - Commentaires

Navigation : > Le roman > Voir les commentaires
Jenny

Jenny Le 27-05-2015 à 23:27

♦ Pierre, je t’accorde que le lecteur restera l’élément déterminant et l’auteur celui qui doit réussir à déclencher réactions et émotions. Cette préface totalement indépendante est pertinente en bien des angles de lecture. Merci d’être passé donner ton avis sur un texte que tu avais apprécié de relire récemment. Maupassant reste toujours autant lu, tant d’années plus tard. :)

Pierre en vie

Pierre en vie Le 25-05-2015 à 18:04

Coïncidence ma chère Jenny, j'ai relu les exactions de ces braves "Pierre et Jean" il y a peu, et, conséquemment, cette excellente préface juste avant. Quelle heureuse surprise de la retrouver ici.
J'aime à penser que nous pourrions nous passer des critiques en un sens : je parle des critiques qui disent "Ceci est un roman, et cela est bien mal ficelé". Vive les théoriciens que la littérature fait réfléchir sur la littérature, vive les loups du puits Pandore qui donnent leur avis pour la beauté du texte et pour que la forme puisse bien porter le fond.
Mais ces gredins qui rejettent leur responsabilité de lecteur ? Pouah, narine retroussée, petit doigt en extension puissante. Être le lecteur d'une œuvre, c'est se l'approprier telle qu'elle est, telle qu'elle a été écrite et s'en enrichir en l'intégrant. Ces sagouins qui savaient tout mieux que tout le monde avaient-ils peur de ce qu'ils auraient trouvé d'eux dans les œuvres qu'ils critiquaient ? Toujours est-il qu'ils ont rejeté leur statut de lecteur en rendant le texte intact d'eux-mêmes à Maupassant, aux autres : "Tenez, écrivez de la sorte, sinon, n'écrivez pas." Parler ainsi, c'est passer à côté de ce qu'un texte peut provoquer, c'est n'être pas lecteur, c'est être lâche et stupide. Ce n'est pas être critique, c'est être ingrat, na.

Jenny

Jenny Le 04-05-2015 à 23:39

Merci pour vos réflexions personnelles sur ce manifeste qui nous éclaire sur la doctrine littéraire de Maupassant exposée dans cette préface. Ce texte est d’autant plus agréable à lire que la fluidité de son analyse le rend accessible à tous. Dans "Pierre et Jean", l’auteur explore méticuleusement la vie intérieure des personnages, s’éloignant ainsi du roman d’observation. Peut-on finalement produire de l’émotion par le récit de la simple réalité... Il faut croire que non ! Les théories littéraires sont finalement faites pour être transgressées y compris par ceux qui les rédigent. Si la vraisemblance produit l’illusion de réalité, rien ne vaut une bonne analyse pour créer l’émotion chez le lecteur. Et, Maupassant s’y appliquait dans ses récits.
♦ En effet, Alain, je partage votre avis : « Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable. », c’est une réalité que nous constatons tous quand la réalité dépasse la fiction et qu’elle en devient peu crédible ! L’essence de l’art sans être conforme à la réalité est au moins conforme à notre représentation de l’une des formes que peut prendre la réalité visible ou perceptible. L’écriture est un art, tout comme la pensée en est un pour celui qui sait la traduire avec le plus de finesse possible. Nous ne pouvons apprécier « l’art » qu’à travers nos propres prismes ; l’émotion est universelle, cependant chacun est unique.
♦ Fanch, en effet : le lecteur participe à la construction de toute œuvre littéraire car celui-ci est avant tout un acteur de notre environnement. Nous sommes d’ailleurs notre premier lecteur, et parfois le critique le plus impitoyable.
♦ Emma, tu as raison, le style si moderne nous donne cette sensation étrange que certains textes peuvent voyager dans le temps et conserver toute leur fraîcheur. Peut-être que pour ne pas vieillir, il faut s’en aller dans la force de l’âge ; à moins que l’esprit ne puise sa vitalité dans la force qu’il met au service de l’art qui le guide. Une pépite, ce texte ; il mérite de voyager encore, en tout cas.

Montagnon

Montagnon Le 03-05-2015 à 15:25

Voilà un texte des plus intéressants. Mais faut-il le lire comme une réflexion sur le genre ou comme un manifeste ? La question doit être posée. Car Maupassant y développe « son » idée du roman. Et son idée, c’est une idée neuve dans laquelle la concision permet une approche selon lui plus « vraie ». Mais quelle est la vérité ? Vaste question… avec de multiples réponses. Et qui se repose aujourd’hui en d’autres termes.
Ecrire est un art dit Maupassant. Oui, certes, peut-être. Mais on juge aujourd’hui de son art réel. Qu’en était-il à son époque ? Croire qu’il écrivait uniquement par nécessité d’écrire est assez illusoire. Il écrivait comme tout un chacun avec l’espoir d’être lu et reconnu. Et même peut-être « pour » être lu. J’en tire pour preuve que la plupart de ses nouvelles et romans – dont « Pierre et Jean » dont ce texte est la préface ont été publiés d’abord en feuilleton dans des journaux. Les directeurs de ces feuilles n’étaient pas des philanthropes et ils publiaient parce que c’était un argument de vente.
S’ils publiaient Maupassant, c’est que cet auteur avait touché le cœur et l’esprit des lecteurs. Il est une évidence que depuis toujours le lecteur participe aussi à la construction d’une œuvre littéraire dans l’inconscient de son auteur. On imagine mal Victor Hugo rédigeant Les Misérables sans se préoccuper – au moins inconsciemment – de l’impact de son œuvre sur ses habituels lecteurs.
Et pour rebondir sur la dernière phrase d’Alain (Evzone) « Victor Hugo voyait je crois une certaine forme de mathématique dans l’art poétique… » je renvoie au moyen-âge période pendant laquelle poésie, musique et mathématiques étaient totalement imbriquées jusqu’à exploser dans l’Ars subtilior. Fanch

Evzone

Evzone Le 03-05-2015 à 12:24

Jenny, bonjour. Je connaissais ce texte de Maupassant qui définit bien ce que doit être selon lui le roman.
Merci de nous l’avoir remis en mémoire. Voici quelques réflexions que m’inspire ce texte.
Maupassant est un adepte du « roman objectif », à la recherche d’un réalisme raisonnable qui doit effectuer une certaine sélection dans la réalité des faits, sélection qui doit permettre à l’œuvre romanesque de rester sobre en s’affranchissant autant que faire se peut d’explications psychologiques et tortueuses.
Dans sa trop courte carrière littéraire il a pour ces raisons produit des nouvelles, genre qui correspond sans doute le mieux à son principe de « densité romantique » c’est-à-dire qui privilégie la concision littéraire.
« Le plus grand défaut de l’écrivain qui me fait honneur de me juger c’est qu’il n’est pas un critique. »
Dans cet ordre d’idées, on peut en effet se demander ce qu’est réellement un critique, car l’écriture est un art n’est-ce pas ? et un critique – fût-il littéraire – n’est pas nécessairement un critique d’art.
Ce texte a également une portée sinon universelle, du moins pluridisciplinaire car s’il s’adresse avant tout au roman, on peut par extrapolation, l’étendre à une œuvre d’art en général, œuvre créative ou suggestive, que ce soit dans le domaine des arts plastiques: peinture ou sculpture, mais aussi de la musique et de la poésie.
Car il s’agit bien de création ; et la création n’a pas à plaire, ne se soucie pas des a priori : seules la vérité et la densité de l’œuvre sont essentielles.
Cependant, « Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable. » Voilà ce me semble une formule qui résume bien à elle seule la quête de l’essence de l’art, art qui ne doit pas être forcément conforme à la réalité, ce critère pouvant fort bien conjuguer la richesse et paradoxalement, l’unicité artistiques.
« Faites-moi quelque chose de beau dans la forme qui vous conviendra le mieux suivant votre tempérament ! » Voilà le cœur du propos.
On pourrait aussi gloser à l’infini sur le réalisme ou le naturalisme, car parfois ces deux termes peuvent paraître à la fois tantôt alternatifs, tantôt complémentaires.
Auguste Comte n’avait-il pas déjà affirmé que l’ART, parvenu au stade « positif », obéissait aux mêmes lois que la science ? L’art est-il de la science ? Le roman est-il poésie, ou l’inverse ? Victor Hugo voyait je crois une certaine forme de mathématique dans l’art poétique… A bientôt, Alain

Emmalys

Emmalys Le 02-05-2015 à 14:59

Une pépite ! Maupassant nous dévoile ses réflexions parfois très poussées et appuyées sur son expérience personnelle sur la définition du roman et l'art de la critique. Ce qui m'a bluffée, c'est son sens de de l'observation lorsqu'il explique que le critique juge une œuvre en fonction de l'idée qu'il s'en fait mais aussi de ses attentes en tant que lecteur et ce bien avant toutes les recherches sur la participation du lecteur au sens d'une œuvre. Il faut ainsi savoir faire la part entre ses goûts personnels et le travail de l'auteur qui est donné à lire, ce qui est loin d'être facile.
De même, l'exposé qu'il fait de chaque structure de roman et l'analyse qu'il en tire reste tout à fait d'actualité, celle qui j'ai trouvé la plus passionnante étant sur les partisans de l'objectivité et le fait de montrer les personnages en action comme révélateur de leur psychologie plutôt que de décrire cette psychologie. C'est à la fois une explication limpide et aussi une vraie réflexion sur la transposition du réel à l'imaginaire. La deuxième page, qui relate la relation de Maupassant avec Flaubert et Bouilhet est aussi passionnante car elle nous ouvre les portes du quotidien de ses grands écrivains qui n'hésitaient pas à prendre sous leur aile de jeunes auteurs et à leur faire part de leur expérience avec une grande bienveillance. On sent d'ailleurs une grande déférence et un grand respect de la part de Maupassant envers Flaubert qui lisait régulièrement sa production et l'encourageait à chercher en lui-même ce petit quelque-chose qui ferait son originalité. J'ai découvert cette préface avec un réel plaisir, d'autant que Maupassant s'exprime d'une manière qui n'a rien de professoral, et que nombre de ses réflexions sur l'écriture restent très modernes. Merci beaucoup, Jenny, de nous l'avoir fait découvrir. :-)