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Un sac - Histoire Courte

Histoire Courte "Un sac" est une histoire courte mise en ligne par "Deogratias"..

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Un sac

 

 

 

Amélia se promenait le long du boulevard non loin de son domicile. Elle aimait flâner sur les trottoirs aux environs de midi. Les magasins se remplissaient de leurs clients, l’incroyable douceur du climat en ce jour du mois de janvier, les sourires des enfants à la sortie de l’école, les personnes âgées assises sur des bancs qui, comme elle, cherchaient à se distraire un peu, tout cela l'enchantait.

 

Quand Amélia arriva à hauteur d’une des terrasses de café qu’elle affectionnait, elle décida de s’arrêter là quelque temps. Devant son verre de coca à la paille multicolore, elle sortit son livre dans l’espoir de plonger une nouvelle fois dans le dernier Goncourt qu’elle avait acheté depuis peu.

 

Les autres clients riaient, nombreux étaient ceux qui étaient réunis par groupe de deux ou trois. Amélia observait les tenues vestimentaires, les sourires en coin, les regards vifs. Elle était surtout frappée par le son des conversations nombreuses qui l’environnaient. Impossible de comprendre ni de s’y joindre bien sûr. Une jeune fille attira plus spécialement son attention, elle parlait avec des gestes très amples, d’une voix forte, elle était très maquillée, une chevelure épaisse ramassée en un grossier chignon, un jean trop serré, des tatouages sur son bras droit. Bref, « une personnalité » se disait Amélia. Ce qui signifiait : « Quelqu’un qui sait se faire entendre ».

 

Après ces quelques observations délicieuses auxquelles Amélia aimait s’adonner, c’était selon elle : « comme un petit cours de sociologie qui la remet dans l’air du temps », bref, après ce préalable, elle ouvrit son livre pour s’en aller loin de ce décor urbain où pourtant elle aimait vivre. Elle n’eut pas le temps de lire plus d’une page, au bout de quelques minutes, elle s’aperçut qu’il y avait un sac bleu posé sur une chaise, placé sous l’une des tables, non loin d’elle. Elle s’étonna : « A qui appartient ce sac ? Pourquoi est-il placé là ? À l’abri des regards ? Peut-être que la personne va revenir et l’a placé à cet endroit en attendant son retour ? ». Elle regarda autour d’elle histoire d’apercevoir une personne debout quelque part. Rien.  « Bon, ça ne me regarde pas, reprends ta lecture ».

 

Elle reprit l’histoire de ce sculpteur italien du début du 20e siècle. Elle tenta de s’intéresser à sa vie d’artiste quasi orphelin. Mais rien n’y fit. Ce sac à quelques mètres d’elle attisait trop sa curiosité. Son esprit ne pouvait plus s’en détacher. Elle releva la tête puis observa le contour de cet objet informe, quelconque et sans particularité aucune. "Pourquoi était-il posé ici ? À qui appartient-il ? Qui a eu l’idée de le poser là ?". Les questions se multipliaient dans sa petite tête curieuse.

 

"Est-ce que ce sac était rempli de billets de banque ? ", Elle se voyait l’ouvrir, découvrir des billets de 500 euros, puis remplie d’une joie nouvelle, courir vers la boutique non loin de là pour s’acheter le dernier truc à la mode : un joli manteau coloré tout en patchwork. "Était-ce un sac avec un nécessaire à maquillage ?", elle regardait déjà en esprit les palettes de poudre colorée, bleu, rouge, rose, noir…Quelques pinceaux et tubes de gloss. « Ce serait étonnant, en fait, ce sac n’a rien de semblable avec un sac à main de femme. C’est un petit sac à dos tout simple. Petit certes. Délavé aussi. Quel mystère ! ».

 

Elle échafaudait de multiples réponses : « Peut-être qu’il s’agit d’un sac avec tout le matériel de peinture pour artiste ? Il y a une boutique d’arts à deux pas. C’est peut-être la solution ? Ou bien un kit complet pour la pêche à la mouche ! J’ai vu que bien des hommes par ici aiment pêcher sur les bords de Loire. Ce n’est pas impossible après tout ! ».

Amélia commençait à sentir de l’engourdissement dans les jambes. Il était temps pour elle de partir. Elle avait compris qu’elle ne parviendrait pas à lire. C’était peine perdue. Oui, mais voilà, ce sac, là, posé à quelques mètres, elle aurait aimé connaître le fin mot de l’histoire.  Elle s’imaginait demander : « A qui appartient ce sac ? » tout en le soulevant bien haut au bout de son bras. Elle souriait à cette idée : « Oh non, jamais je n’oserai ! Imagine qu’il appartient au serveur du coin ! La honte !! ». Elle s’apprêtait à se lever quand justement elle vit un des serveurs s’approcher du sac en question, son cœur se mit à battre plus fort. Va-t-il s’apercevoir de la présence de ce sac ?

 

« Ho zut ! Quel nigaud celui-là, il n’a rien vu ! C’est pas possible, suis-je la seule à l’avoir remarqué ? Ont-ils de la merde dans les yeux ? ». Elle sentait la colère surgir en elle, comme ça, sans prévenir. « Enfin, ma vieille, arrête de gamberger, qu’est-ce que ça peut te faire après tout ? N’importe quoi ! ». Elle n’osait plus bouger de sa chaise cependant. Elle désirait plus que tout résoudre cette énigme que la vie lui donnait de vivre en ce jour.

 

Elle partit de nouveau par son imaginaire à la recherche de la solution. « Oh, ce sac contient peut-être le déjeuner d’une des personnes qui travaille dans ce café ? Elle reviendra dans une heure, attablée ici même, elle sortira de son emballage un bon sandwich ou une petite salade d’un tupperware qu’elle aura préparé la veille ! ». Amélia devinait déjà son goût pour la salade verte avec quelques tomates cerises ou bien des pommes de terre mayonnaise avec des œufs durs.

 

Elle huma le vent qui commençait à se lever. Les tables autour se vidaient les unes après les autres. La jeune fille si bruyante devait être partie depuis un bon moment, elle ne s’en était même pas rendu compte toute occupée qu’elle était à se mettre dans la peau de Sherlock Holmes.  C’est alors qu’elle vit un jeune s’approcher de la chaise en question avec le sac juste posé dessus. Il la tira pour s’assoir et vit, enfin, ce qu’Amélia voyait depuis presque quarante minutes. Il s’étonna, se retourna vers elle et lui demanda : « C’est à vous ? Vous savez à qui il appartient ? ». Elle lui répondit que non. Un peu gênée.

 

Un serveur arriva près de lui. Il s’étonna avec lui de la présence à cet endroit précis de cet objet solitaire. Avec un grand rire, il s’exclama : « Quelqu’un reviendra le chercher ! Les gens oublient tout, ce ne sera pas la première fois ! ». Au moment de le soulever à son tour, une grosse coulée brune dégoulina par une des coutures. Une odeur pestilentielle envahit l’espace.  Amélia s’écria : « Oh la la , ça pue ! ». Cette simple phrase la mit hors d’elle-même, le propriétaire n’était donc pas un peintre, ni un pêcheur, ni même une femme étourdie.

 

Le serveur, qui semblait avoir du caractère, s’écria : « Bon, et bien, on va jeter un coup d’œil ! ». Tous les regards des quelques personnes encore présentes se tournèrent vers lui. « Ha, on y est ! Cette fois tout le monde s’intéresse avec moi à cet intrus ! » se disait Amélia. De façon paradoxale, cet état de fait la remplissait d’une joie toute neuve. Elle n’était plus seule à vivre un moment seul pour un sac tout seul sur une terrasse seule au milieu d’une journée toute seule.

 

Le jeune homme qui venait d’arriver s’installa sur une autre chaise bien plus éloignée du lieu où avait croupi le sac sans doute depuis des heures. Amélia, quant à elle, paya alors l’addition à un autre garçon de café, heureuse de connaître bientôt la fin de l’énigme qui l’avait tant accaparée.

 

Quand l’homme ouvrit le sac, ce furent des cris qui s’élevèrent : « Bordel, putain de merde ! ». Tous les clients présents poussaient des « ahhhh ! ohhhhh !!!! beurkkkkk ! Quelle horreur !!! ». Le dégoût se propageait vitesse grand V. Certains se bouchaient le nez. Amélia fit de même.

 

Ni une ni deux le serveur courut plus loin jeter le tout dans une benne à ordures.  Il revint tout rouge. Il sifflait : « La vache, le monde est plein de tarés ! C’est une première celle-là ! Tout un sac rempli d’un plastique contenant ... 

....Un bon kilo de merde ! ».

( Cette histoire est tirée d'un fait réel. Ma mère était conductrice de bus à Paris. Avant de prendre son service, elle devait inspecter le véhicule. Cette mésaventure est arrivée à l'une de ses collègues. Je m'en suis inspirée).

 

 

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Deogratias

03-02-2024

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Un sac appartient au recueil Histoires courtes

 

Histoire Courte terminée ! Merci à Deogratias.

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