"Vous est-il déjà arrivé ?" est une réflexion mise en ligne par
"Deogratias"..
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Je vous remercie de ne pas vous moquer si vous ne vous reconnaissez pas dans cette expérience. Ni de procéder à une forme de psychanalyse "sauvage". Merci d'avance. Sylvie. " La poésie n'est pas un genre littéraire, elle est l'expérience spirituelle de la vie, la plus haute densité de précision, l'intuition aveuglante que la vie la plus frêle est une vie sans fin". (Christian Bobin) Vous est-il déjà arrivé ? Vous est-il déjà arrivé d’approcher si près une personne, que, par la suite, vous vous sentiez tout petit ? Tout transi ? Je ne parle pas de comparaison, ni d’envie, ni de jalousie, ni de complexe d’infériorité. Non, je parle d’autre chose. Vous êtes là, devant ce visage, devant ce regard, ces yeux. Vous écoutez sa voix, ses mots, son souffle. Alors, vous ne savez pas pourquoi, vous êtes transporté dans ce monde qui n’est pas le vôtre. Vous voilà, par je ne sais quel mystère, comme avalé par la réalité de l’autre. Submergé par sa vérité à lui. Rien qu’à lui. C’est très beau. Complètement sorti de soi, vous vous retrouvez dans l’autre. Dans ce qu’il vit, dans ce qu’il pense, dans ce qu’il voit. C’est un dépaysement complet. Dans ce voyage là, à la rencontre de l’autre, il s’opère comme un déchirement à l’intérieur de soi. En tout cas, c’est ce que je ressens. Dans cette déchirure provoquée par l’adhésion de mon être vers l’autre, tendue vers lui, puis, en lui, je suis comme éblouie. Oui, non pas qu’il soit forcément plus beau que tout. Mais il est là, offert. Surtout, je réalise qu’il est un univers à lui tout seul : Avec ses forêts, ses ombres, sa lumière, ses blessures et ses anges. Avec son passé, ses rêves, tout ce qui l’habite.
Vous est-il arrivé alors de vous sentir minuscule ? Comme si devant le trésor qu’est l’autre, vous regrettiez de ne pas être plus grand, de ne pouvoir vous remplir davantage de sa préciosité. De ce qu’il donne. De ce qu’il est. C’est ce que je ressens parfois quand l’autre m’éblouit. Il irradie de lui une telle bienveillance, une telle pureté, une telle soif, un tel appel, que j’en suis comme renversée de l’intérieur. Pour un instant seulement, plus ou moins fugace, je regrette de n’être que moi. De n’être que ce petit verre inapte à contenir l’océan de l’autre, tout son cosmos. A ce moment là, il est tellement toute ma richesse, tout mon silence, ma captivité, que je n’ai plus envie de le quitter. Que, si je me laissais aller à mes tendances les plus viles, je le voudrais pour moi toute seule, tout pour moi, rien que pour moi. Accapareuse de sa bonté, de sa beauté, de son être tout entier.
Vous est-il déjà arrivé de vous retrouver, une fois que vous l’avez quitté, comme perdu en vous-mêmes ? Comme si vous étiez devenu, à cause de cette rencontre, comme un étranger pour vous-mêmes ? Qu’est-ce que je fais ici ? Il y a tellement plus beau, plus vrai, plus pur ailleurs ! Non pas que je sombre dans le désespoir de moi-même, mais quelque chose comme un retour au réel. Un peu comme si vous aviez volé dans le ciel, puis que, d’un coup, vous vous retrouviez par terre. Comme ça. Un atterrissage un peu trop brutal.
Oh bien sûr, dire qu’à ce moment là, il ne me vient pas des envies de me comparer, de trouver ma propre laideur plus laide encore, ce serait vous mentir. Tomber dans les affres de l’orgueil blanc, celui qu’on prend pour de l’humilité mais qui n’est que déception de soi, oui, c'est une tentation bien réelle. Cela m'arrive. Je ne suis que moi. Parfois j’y succombe en effet, comme tout le monde.
Ici, cependant, c’est autre chose encore. Une expérience un peu plus profonde. Vous êtes devant l’autre, dans ses mots, son vécu. Quasiment dans l’autre : sa poésie, son mystère. Dans la partie immergée de son être, autant qu’il est possible à notre pauvre nature. Là, une fulgurance vous saisit : Vous aimeriez être l’autre. A défaut, vous aimeriez ne jamais le quitter, ou bien partir avec lui au-dedans de son unicité. Il vous semble, c’est idiot, que vous y seriez mieux qu’au-dedans de vous mêmes. Que votre petite personne ne peut plus vous suffire. Qu’en un mot, l’autre est une si jolie fenêtre ouverte sur les jardins d’une intériorité merveilleuse. C’est peut-être sot mais parfois je ressens comme un arrachement si violent à l’idée de revenir à moi, à ma petite vie ordinaire. Je vis un chagrin proche de celui qu'on éprouve lorsqu'on a perdu un être cher. J'étais arrivée à destination d'un pays en relief, une carte en trois dimensions, puis, soudain, il faut rentrer chez soi. Prise de nouveau dans les filets de la fatigue d'être soi, dans cette sorte de lassitude envahissante. Je me retrouve dans les plaines d'un paysage bien trop plat, sans monts et vallées, sans les magnifiques couchers de soleil.
Vous est-il déjà arrivé d’être voyagée dans la lumière de l’autre, dans ce faisceau de clarté qui illumine toutes les poussières de votre propre maison ? C’est cela que j’ai vécu ce matin très tôt. J’en ressors toute triste, confuse, en proie à une mélancolie sans nom. J’en ressors émerveillée, toute imprégnée de l’autre, comme réveillée à moi-même, à la Vie, à Dieu lui-même. Tout à la fois. C’est un étonnement à la fois ravissant et douloureux.
A présent, ma journée commence. Je n’ai déjà plus que ce souvenir de l’autre. Mais le souvenir n’est pas l’autre. L’autre est autre. Une part de moi. Une part de Dieu.
Alors, vous est-il déjà arrivé ?
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Vous est-il déjà arrivé ?
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