Vivante ! - Texte court

Vivante

Et puis, comme ça, comme l’éclosion du premier bourgeon au printemps, la sensation de me sentir de nouveau vivante est revenue. C’était comme un bouquet de fleurs qu’un inconnu vous offre avec le sourire.

Oui, voilà, je dois avouer que je ne m’y attendais pas, ce fut comme la lumière d’une bougie dans la nuit. Tout d’un coup, tout s’éclaire. A quoi pourrais-je comparer ce qui m’est arrivé ? C’était comme une liqueur au goût prononcée lorsqu’elle vient réchauffer tout le corps. Rien de moins.

A vrai dire, je ne saurai pas l’expliquer. C’était beau comme un rayon du soleil un soir d’automne quand il s’invite dans mon salon. Quelle joie de se sentir enfin vivante !

Vivante je vous dis, comme les battements du cœur de mon petit chiot quand il se couche auprès de moi, ce petit cœur que j’écoute, attentive à son rythme, à sa chaleur. Lorsque j'entends sa musique innocente dans le creux de mon oreille, mon Dieu, que cela fait du bien !

Et puis, comme ça, soudain, dans l’improvisation dont elle a le secret, la vie, dans toute son intensité,  a parcouru de nouveau mon corps. C’était comme un coup de foudre, j’étais terrassée par sa beauté, par sa force et son mystère. Je me sentais animée par la vie plus que vivante ! En vie ! En vie ! En vie je vous dis !

Vous trouvez cela étrange ? Etes-vous si habitué par la vie qu’elle ne vous étonne plus ? Ce serait dommage, elle fut ce jour-là comme un sourire d’enfant sur mon cœur inconsolable. Avec générosité, elle s’est offerte, dans la gratuité, avec tous ses bienfaits.

Vous allez me dire : « Raconte ! Pourquoi était-il parti ce goût de la vie ? Comment est-il revenu ? ».

Dites-moi, est-ce si important de le savoir ? Disons que j’étais triste, accablée par les soubresauts de l’existence. Je me sentais vidée. Une de ces journées où rien ne dit, rien ne donne envie, rien n’est mal, rien n’est bien. Tout semble vain. Sans finalité aucune.

Et puis, comme ça, voilà, la vie est revenue ! Elle sautait de joie, tout heureuse de me retrouver ! C’était simple comme le baiser d’un enfant sur la joue. Pure comme l’eau qu’on boit, une beauté vierge de toute souillure. La vie est la vie ! Quand elle vient, elle est  belle, entière et subtile tout à la fois. Elle m’avait quittée, elle est revenue.  Que dire de plus ?

Je n’avais le goût de rien. Pas plus envie de vivre que de mourir. Être là me pesait, ce sentiment d’absurdie si lourd qui vous emporte l’âme jusqu’en enfer !

Et puis, comme ça, je me suis mise à faire le ménage. Laver mes draps, balayer la cuisine, frotter mes sols, laver mes fenêtres. Le soleil est entré, les oiseaux chantaient, le vent léger soufflait par petites touches amoureuses, les passants riaient dans le lointain.

Je continuais ma tâche sans répit, il me fallait encore faire la vaisselle, pendre le linge, ôter la poussière. La lumière illuminait de plus en plus mon appartement, l’odeur du frais, la senteur du printemps, les cris des enfants, les aboiements de mon chien.  Voilà. Quelques tâches ménagères ont suffi.

La vie a fait son grand retour, juste à ce moment-là, dans le feu de l’action d’une journée ordinaire. Au moment même où mon âme baignait dans la fadeur.  Experte en humanité, la vie en a profité pour s'offrir toute entière. 

Oui, je vous assure, je ressentais tout : les palpitations de mon cœur, la sueur de ma peau, les cheveux sur ma nuque, le gazouillis de mon âme d’enfant.  Je reprenais goût à la joie, au mouvement, à la saison, à la paix des oiseaux, à la force des jours, à la grandeur du silence. Tout, je vous dis : Toute la vie !

Qu’y a-t-il de plus beau que de se sentir en vie ? 

Je suis en vie ! En vie !