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Rebelote ! - Nouvelle

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Rebelote !

 

-       « À quoi ça sert de faire la vaisselle puisque je dois la refaire après chaque repas ? ».

Telle était la question d’Alice à sa mère un soir où elle n’avait pas envie de l’aider. Ce à quoi la maman répondit :

-         « Et à quoi ça sert de se lever demain puisqu’il faudra se recoucher ? À quoi bon se laver puisque demain soir encore on devra recommencer ? Puis pourquoi s’habiller puisqu’il faudra se dévêtir ? On peut dire ça pour tout tu sais ma fille ! ».

Alice haussa les épaules. Sa mère la regarda avec insistance pour tenter de voir si le message avait été entendu.

-         « Bon OK, je vais la faire la vaisselle ! pfffffffff ! », Alice soupira avec force, les yeux en l’air avec toute l’insolence de ses 13 ans.

Le soir même, Alice se demandait si, en fait, elle ne pourrait pas essayer pendant quelques jours de vivre sans plus rien refaire une seconde fois : ni se laver, ni faire le ménage, ni s’habiller, ni plus rien du tout.

Alice avait toujours été une enfant docile, toujours prête à rendre service, mais depuis l’entrée dans l’adolescence, tout avait changé. L’humeur était tout à fait changeante, elle changeait de style vestimentaire tous les trimestres : une fois gothique, une autre fois un style « manga », ou bien un peu du grand n’importe quoi. Sa mère en avait pris son parti. Pour ne pas toujours être en guerre avec elle, elle s’était dit que cela lui passerait avec le temps. Après tout, elle va grandir encore ! Elle finira par comprendre qu’elle se rend RI DI CU LE ! Elle se disait cela en insistant sur le dernier mot, le tout dans un soupir muet, à l’intérieur d’elle-même.

Aujourd’hui, Alice avait choisi un jean troué, un sweat-shirt délavé, des cheveux en pétard noué sur le dessus de sa tête avec quelques mèches rouges. Sa mère l’observa de loin. On dirait un hibou ! Commenta-t-elle en son for intérieur. Elle choisissait d’en rire. Enfin pour un temps seulement. Faudrait tout de même pas que cela dure trop longtemps !

De son côté, elle n’avait jamais eu, en tout cas, elle ne s’en souvenait pas, le besoin de se chercher en changeant de style sans arrêt. Toujours en tailleur la plupart du temps, à cause de son métier de secrétaire dans une clinique, il y avait bien longtemps déjà que la question ne se posait plus. Sobre, chic, sans outrance. Dans le fond, elle enviait un peu la liberté de sa fille. Elle aura bien le temps plus tard va ! En attendant ce jour, elle consentait, jusqu’à un certain point, aux accoutrements de celle-ci.

Alice informa donc sa mère qu’elle voulait défier :

- « Je te parie que je peux très bien vivre sans passer par la case habillage, nettoyage, courses, Je peux très bien vivre comme ça !

La mère interloquée l’interrogea :

- Si tu dois aller au collège, il faudra y aller demain sans te déshabiller ce soir, puisque tu l’as déjà fait ce matin !

Alice se gratta la tête, manifestement, elle n’y avait pas pensé.

- J’ai une idée, je pourrai demander à Nathalie de m’apporter mes devoirs ! Je ne vais pas à l’école pendant 3 jours ! Comme ça, je peux vivre à ma manière, sans contrainte, sans tout faire et défaire sans arrêt !

La mère s’agaça, puis, la tête penchée en avant, la main sur sa nuque, elle se mit à réfléchir.

- Pas question ! Si tu t’habilles le matin, tu ne te déshabilleras pas le soir. Et tout comme ça. Tous les gestes que tu poseras une fois dans un sens ou dans l’autre, soit faire, soit défaire, tu ne les poseras qu’une seule fois ! On verra combien de temps tu vas tenir ! Et ça, tu dois le vivre dans la vie de tous les jours, sans rien changer à ton emploi du temps ! Tu iras à l’école chaque jour par contre, ça, ce n’est pas négociable ! Pour tout le reste, OK, tu n’agis qu’une seule fois pour tout ! Si tu tiens 3 jours, je t’autoriserai à ne pas laver la vaisselle pendant trois autres jours, si tu craques, tu la feras une semaine entière sans aide, et, surtout, je te priverai de portable pendant une semaine ! ».

Alice rouspéta :

- Une semaine !!! 

- Ma fille, tu veux me défier, tu assumes ! Il ne faut jamais parier avec moi ! Alors réfléchis bien ! Je t’ai demandé ton aide et tu te plains ! Alors, je te prends au mot. Si tu fais un pari, tu le tiens !

Alice pensa que de toute façon elle était sûre de tenir son pari sans problème, elle accepta. Sa mère en revanche la regarda amusée, elle se demandait comment elle allait vivre ses 3 jours avec sa fille.

Alice s’apprêtait à se rendre dans la salle de bain, tout juste après cette conversation, quand sa mère s’écria :

-         « Réfléchis bien Alice, tu t’es déjà lavé ce matin !  Et si tu te déshabilles ce soir, tu ne t’habilles pas de nouveau demain ! Comme c’est impossible, tu devras rester avec les mêmes fringues ! C’est le deal ! ».

Alice, quelque peu surprise mais trop fière pour revenir sur son pari, choisit de ne pas se laver et retourna dans sa chambre.

-          Il faut jouer le jeu jusqu’au bout Alice ! Si non tu triches ! Il faudra être honnête, ne faire tout qu’une seule fois, même ce que je ne vois pas ! Mais toi tu sais !  

-         Ok, OK, j’ai compris !

Elles se séparèrent pour la journée. Alice raconta à ses copines de classe le pari du matin. Toutes écarquillèrent les yeux : « Quelle idée ! ça va être drôoooooole ! Allez ma vieille, on te soutient, mets au moins du déodorant demain, faut pas schlunguer ! ».

Alice eut envie d’étriper Nadège.

- «  Ça va toi ! Dis carrément que je pue tout le temps ! »

- Mais non, je veux dire que CONTRAIREMENT à d’habitude, puisque tu ne dois pas te laver deux fois, tu risques demain …

- Bon, OK ! Pas besoin de t’étaler, j’ai compris !

Alice énervée tortillait ses doigts. Le soir même elle resta habillée pour dormir, se lava tout de même les dents et choisit de lire un manga. Sa mère, de son côté, prit tout son temps pour prendre son bain plein de mousse, tout en chantant ; comme elle connaissait parfaitement la coquetterie de sa fille qui monopolisait d’ordinaire sans arrêt la salle de bain, elle se disait que très certainement sa fille ne tiendrait pas le coup.

Alors qu’elle se lovait dans la chaleur de sa baignoire, elle ne pouvait s’empêcher de sourire. Mieux : elle riait au milieu des bulles de savon ! Elle hoquetait d’avance quand elle verrait son Alice dépitée revenir vers elle, toute déçue de ne pas avoir tenu jusqu’au bout ce pari qui, elle devait bien se l’avouer, était complètement IM BE CI LE ! Elle appuyait encore une fois sur ce dernier mot, en silence, sans dire un mot.

Le lendemain matin, Alice se leva, les vêtements tout froissés. Elle se coiffa et partit au collège. Elle parla de son pari à ses camarades qui l’interrogèrent :

-         Ben alors, tu ne vas pas te laver ce soir non plus ?

-         Ben non puisque je l’ai déjà fait hier matin, je ne dois pas recommencer !

-         Tu vas puer ma vieille !

-          Je mettrai du déodorant !

-          Ouais, mais bon, après tu ne pourras plus en remettre non plus puisque tu l’auras déjà mis une fois !

Alice resta la bouche ouverte. Elle n’y avait pas pensé. 

      - Et bien alors je mettrai de l’eau de Cologne !

-           Et après Alice, tu feras comment ? 

-          Ben le pari, ça dure 3 jours, pas une éternité !

Ses amies gloussaient. Elles avaient hâte de voir jusqu’où irait Alice !

- Et tu comptes le faire aussi à l’école ? Tout le temps !  Pourquoi ? Après tout, ici, ta mère ne peut pas te voir ! Tu t’en fous !

- Non, j’ai promis que même si elle ne le voit pas, je tiendrai mon pari… je verrai bien au fur et à mesure !

- Eh bien !!!!!  S’exclama une copine tout en sifflant.

Ainsi commença pour Alice le début de son aventure de trois jours. Elle appela le défi : « Pas de rebelote ! » ». Très vite, elle ne pouvait plus remettre ses cahiers dans son sac à dos, il fallait qu’une amie accepte de les ranger pour elle après chaque cours, puisqu’elle les avait déjà sortis une fois. Puis, forcément, toutes ses amies se relayaient pour sortir et ranger ses affaires successivement. Elles n’étaient pas tenues de faire le même pari elles ! Au déjeuner, Alice ne put se resservir deux fois alors qu’elle avait encore faim, au cours de sport, elle ne put ôter son survêtement après l’heure de footing puisqu’elle ne devait pas se rhabiller avec la tenue du matin dans laquelle elle était venue, elle ne réussissait plus non plus à écrire si une amie ne lui rendait pas son stylo puisqu’elle l’avait déjà utilisé une fois.

Elle se rendit vite compte que les choses commençaient à se corser. Ses camarades elles aussi en avaient un peu marre.

- Dis donc, ton truc à la con, là, faudrait quand même pas qu’on devienne tes boniches parce que ta mère et toi, vous avez pété une durite !

- Oh ça va, Nadège, c’est temporaire ! Trois jours je t’ai dit ! Pas un mois ! Bon sang, sois sympa !

- Ok, OK ! Répondit-elle dans un soupir.

 

Au début, Alice et ses camarades trouvaient la situation cocasse et amusante. Tout dans la journée se déroula avec l’aide des bonnes volontés pour agir lorsqu’elle ne le pouvait pas. Mais l’ambiance commençait à changer. Les copines se lassaient. Alice s’en aperçut vite, elle accepta donc de perdre un stylo, puis d’autres objets, ne pouvant les reprendre.  Cependant, elle refusa de perdre son portable une fois le coup de fil passé, ce serait trop cruel !  Son amie Carole le lui redonnait après chaque utilisation.  Alice devait nécessairement reprendre le portable qu’elle avait déjà utilisé pour passer un appel.  Elle se rendait compte que suivre le deal à 100 % était impossible. La situation devenait boiteuse. Au début elle riait, mais là, le pari devenait de plus en plus compliqué à gérer. Alice finit par l’admettre. Elle se fatiguait.

De retour à la maison, après toute une journée à éviter de reprendre ce qu’elle avait déjà manipulé, à ne pas redire le même mot utilisé, à ne pas porter ce qui l’avait déjà été, Alice trouvait que le « pas de rebelote » complexifiait énormément sa petite existence. Encore deux jours à tenir ! Se disait-elle alors que sa mère rentrait de son travail. La maman vit tout de suite que sa fille avait l’air penaude. Elle l’interrogea :

-    Alors Alice cette journée ? 

 La réponse aussi brève que possible l’informa sur l’humeur de sa fille :  

-          Bof, pas facile, heureusement les amies m’ont aidée !

-         Tu sais qu’elles ne t’aideront pas toujours !

-         Oui, je l’avais remarqué merci !

-         Alors, tu es contente ?

-         Oh, ne prends pas ton air de victoire, je n’ai pas encore capitulé !

-         Non, je vois ça, tu es en tenue de sport, les cheveux défaits, tu sens la transpiration….Oh, tiens !

    La maman se pencha sur le bureau d’Alice : Mais tu as  perdu la moitié de ta trousse à ce que je vois !

-         Ooooh ça va, arrête un peu ! Je n’ai pas encore perdu tu sais !

La mère afficha sur son visage un grand sourire qui acheva de provoquer la colère obstinée d’Alice.  Sa mère quitta la pièce et Alice claqua derrière elle sa porte de chambre en soupirant avec force.

Toute la soirée, les yeux de la maman amusée observèrent les attitudes de sa fille. Alice ne mangea pas :

-         Ben non je l’ai déjà fait maman ! 

-          Ah oui, c’est vrai pardon ! Mais manger c’est important. Je ne transigerai pas avec ça. Ça et aller à l’école ! Même si forcément, cela aussi, tu le recommences chaque jour !

Elle lui tendit son assiette et ne put réprimer un rire. Ce qui fit éclater la colère d’Alice.

- C’est ça, marre-toi ! Tu trouves ça drôle hein ?

- Ah oui alors !

Et elle repartait dans une salve de rires irrépressible.

Après le repas, Alice, quant à elle, prit conscience qu’elle ne pouvait plus regarder la télévision qu’elle avait déjà allumée une heure plus tôt, de même elle ne se lava toujours pas, elle ne nettoya pas non plus la vaisselle, elle éparpilla tous ses stylos dans l’appartement ne pouvant plus utiliser deux fois le même.

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Deogratias

09-05-2023

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Rebelote ! appartient au recueil Mes Nouvelles

 

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