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Océane - Texte

Texte "Océane" est un texte mis en ligne par "Deogratias"..

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Océane

 

Ma mère m’a donné ce nom, celui de l’océan. C’était une belle idée. Qu’y a-t-il de plus beau que la mer ? Quel que soit le continent, quel que soit son nom : Atlantique, Indien, Pacifique…Qu’importe, la mer est belle, plus que tout.

 

Je m’appelle Océane, quand je n’ai pas le moral, je file me baigner dans la mer. Je suis un peu comme un être à part : mi-sirène, mi-humaine. Je fais de la plongée sous-marine depuis des années. Là, je suis dans mon élément. Les rochers, les coraux, les poissons, la surface de l’eau pour ciel et partout un univers différent, partout un cosmos tellement vivant, dans le silence. Quand je reviens sur la terre ferme, le poids de la pesanteur est un fardeau qui me tend, je suis faite pour l’eau.

Le liquide me va bien.

 

Oh, bien sûr, je ne vais en mer que de temps en temps. Je suis si occupée, si pressée, si engagée dans ma vie de femme, dans mon existence de terrestre, avec mes racines, mes travaux et mes relations. Mais dans le fond, surtout quand tout me pèse, ce qui est fréquent, je me rappelle mon prénom : Océane.

Alors, vite, dès que je le peux, je file vers la mer. Où quelle soit, je la retrouve, toujours intacte, toujours offerte, toujours neuve et généreuse.

 

Je commence par m’asseoir sur la plage, je regarde devant moi. Les vagues mugissantes, l’horizon qui se perd jusqu’au ciel, le cri des mouettes, l’air iodé, les couleurs, les embruns : Tout m’attire, tout me plaît, tout m’apaise. Je ferme les yeux : l’ensemble vocal de la mer enchante mes oreilles, c’est un bruit blanc, il caresse mes tympans, il effleure ma peau. J’ai le goût de l’océan comme d’autres ont la saveur des forêts. Quand il fait beau, ce spectacle du liquide infini dont je ne peux déterminer ni le début, ni la fin, tout cela me transporte hors de moi, hors de mes réalités si ordinaires.

 

Je m’appelle Océane, j’aime à me fondre dans la mer. Elle est ma nourrice, mon ventre, mon berceau, mon ancêtre, mes oiseaux, mes surprises continuelles. Si je pouvais mourir dans l’eau, naître à la vie divine par le moyen liquide, tout comme je suis venue au monde. Je suis faite pour le fluide, pour la transparence d’une goutte d'eau marine. Tout me lave, tout m’inonde, tout me baigne et m’irradie. La mer a la pureté du cristal, la grandeur du ciel, la beauté sauvage sans censure, ni contrainte, sans lois, ni laideur.

 

Quand, enfin, je m’unis à elle par la plongée, tout me ravit. Je suis ailleurs, transportée dans un autre monde. Engloutie dans son sein, je contemple les végétaux, la danse des poissons, les couleurs fluorescentes, son mystère, son secret. Je suis une avec elle. En fusion, en osmose, dites-le comme vous voulez, mais je n'existe plus qu'en elle. Je suis l’eau. Elle m’épouse sans violence, je me laisse bercer par son courant. Quelquefois, je rêve, oui, je rêve que je n’ai plus besoin d’oxygène ni de combinaison. Je suis devenue poisson avec les autres habitants, noyée par sa douceur, l’océan me voyage dans toutes les parties de sa planète. Me voilà au milieu de son espace, sans limites, ni murs, ni frontières, ni dessus, ni dessous, rien qu’elle et moi. La mer est exclusive, elle m’enveloppe de sa couverture avec le même frémissement transi qu’un amant épris. Elle est belle ! Si belle !

 

Ensevelie dans sa matière, si je puis dire ainsi, je nage sans nager, on dirait même que je vole, oui, c’est plutôt cela : je vole. Plus de ciel pourtant, plus de terre non plus, quelque part entre les deux, perdue dans un calme souverain. Je glisse avec les autres poissons, sans nageoire, ni branchies, la vérité c’est que je ne sais même plus si je respire, si je nage ou si je m’élance dans les airs.  Tout m’est égal. Unie à sa densité, à sa démesure, j’oublie les vicissitudes de la vie sur la terre. J’aimerais rencontrer les grandes baleines, les dauphins, les grands mammifères sous-marins, les bancs de poissons par milliers, les arabesques savantes de tous ces locataires.

 

Je m’appelle Océane,  la mer est ma passion. Je rêve d’un univers enfermé par la caresse voluptueuse de l’eau. Prisonnière de sa puissance, de ses secrets, de son ventre sans dimension, j’oublie les verticales, les hauteurs et les descentes. Rien d’autre ne compte plus que d’être en elle, avalée par ses soubresauts, son luxe et sa pureté.

 

Je comprends si bien la vocation des pécheurs. Ceux que j’ai rencontrés sur la Côte d’Opale ne pouvaient pas exercer un autre métier. Ils disaient être faits pour l’eau comme d’autres le sont pour d’autres vocations. Ils me disaient : « Je l’ai dans la peau ! », ils en parlaient comme un homme parfois parle de son amante. Je suis un peu comme eux. Amoureuse de sa grandeur, pourtant si dangereuse, si rebelle, si indomptable. Elle est sauvage, comme moi.

 

Parfois, éloignée d’elle depuis trop longtemps, je me réveille en sursaut. Je rêvais que j’étais en train de nager, à la contempler sans me lasser, puis, soudain, un bateau immense venait m’écraser juste au-dessus de ma tête. Je me réveillais terrorisée. Assise sur ma couche, je porte alors ma main sur mon front, sur mon cœur. Je touche mon corps : « Ouf !  Non, ce n’était qu’un cauchemar ! ».

Cette horrible scène avait l’air si vraie que je me surprends encore à mon réveil à sentir le goût salé de l’eau dans ma bouche, je crois entendre les cris des goélands par ma fenêtre, sans compter l’air iodé tout imprégné dans mes narines. La puissance de l’esprit !

 

Je m’appelle Océane. Il me semble que le ciel est au bout de la mer. C’est pour ça. Un jour j’irai droit devant, droit dans le soleil qui se couche dans l'océan. J’irai le rejoindre à la nage, envolée dans l’espace marin. J’irai me fondre dans l’infini firmament d’une mer céleste sans nuages, sans vagues et sans naufrages. J’irai sans retard, ni regret, rien d’autre qu’avec mon cœur d’Océane.

 

 

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Deogratias

15-06-2024

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